AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jean-Louis Y..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 5 décembre 1996 par la cour d'appel de Toulouse (2e Chambre civile, 1re Section), au profit de M. X..., pris en sa qualité de liquidateur judidiciaire de la société Y... fabrication de meubles menuiserie bois, demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 26 octobre 1999, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Geerssen, conseiller référendaire rapporteur, M. Grimaldi, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Geerssen, conseiller référendaire, les observations de Me Copper-Royer, avocat de M. Y..., de la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat de M. X..., ès qualités, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Toulouse, 5 décembre 1996), que la société à responsabilité limitée
Y...
(la société), créée en février 1987 par M. Jean-Louis Y... et son frère M. Gaspard Y..., a été mise en redressement le 7 septembre 1988 puis en liquidation judiciaires le 28 juin 1989 ; que les 31 mars et 5 avril 1989, M. Gaspard Y... démissionnait de ses fonctions de co-gérant et cédait ses parts à son frère ; qu'en septembre 1989, le liquidateur saisissait, sur le fondement de l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985, le tribunal de commerce aux fins d'extension de la procédure collective de la société aux deux frères ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Jean-Louis Y... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables ses conclusions déposées le 2 octobre 1996 postérieurement à l'ordonnance de clôture, rendue le 30 septembre, alors, selon le pourvoi, qu'avant de refuser de révoquer ladite ordonnance et d'écarter des débats ses conclusions en réponse à celles déposées par le liquidateur le 2 septembre précédent, la cour d'appel devait rechercher si un délai avait été imparti à son avoué pour accomplir les actes de la procédure ; que, faute d'avoir effectué cette recherche, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 16, 780 et 784 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient que M. Y... n'invoque aucune cause grave au sens de l'article 784 du nouveau Code de procédure civile à l'appui de sa demande de rabat et, en constatant que M. Y... disposait de plus de trente jours pour répondre aux écritures du liquidateur, a fait ressortir que ce délai était suffisant ; que le moyen est sans fondement ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Y... fait encore grief à l'arrêt d'avoir prononcé son redressement judiciaire en application de l'article 182, 4 , de la loi du 25 janvier 1985, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en cas de liquidation judiciaire d'une personne morale, le Tribunal peut ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de tout dirigeant qui a poursuivi abusivement dans son intérêt personnel une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ; que pour prononcer cette mesure, la cour d'appel s'est bornée à relever que l'exploitation était déficitaire sans établir nullement le caractère abusif de la poursuite de celle-ci ni relever qu'elle ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements ; que la cour d'appel a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 182 4 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, d'autre part, que la cour d'appel s'est contentée d'affirmer qu'il avait agi dans son intérêt personnel sans donner aucun fait précis au soutien de son assertion ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard du même texte ;
Mais attendu, d'une part, qu'en relevant que la société a généré, en un an et demi d'activité, un passif de 626 134,96 francs, composé essentiellement de créances fiscales et parafiscales ainsi que de créances de fournisseurs ou de clients "pour des travaux payés mais non réalisés", l'arrêt a fait ressortir le caractère abusif de l'exploitation qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;
Attendu, d'autre part, que l'arrêt relève que, dès sa création, la société a eu pour objet de permettre à M. Y... de continuer son activité artisanale antérieure, caractérisant ainsi l'intérêt personnel à la poursuite d'une activité déficitaire ;
D'où il suit que la cour d'appel a légalement justifié sa décision et que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X..., ès qualités ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.