AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / Mme Nicole A..., épouse X..., demeurant Tall-Dour en Belle Roche, 44240 La Chapelle-sur-Erdre,
2 / Mme Eliane A..., épouse Z..., demeurant ... de Léon,
en cassation d'un arrêt rendu le 21 mars 1995 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre civile, section A), au profit de la société civile professionnelle (SCP) Bregeon et Loirat, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 novembre 1999, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Aubert, conseiller rapporteur, M. Sargos, conseiller, M. Sainte-Rose, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Aubert, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme X... et de, Mme Z..., de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de la SCP Bregeon et Loirat, les conclusions de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que Maurice A... est décédé le 20 mai 1976, laissant pour lui succéder, son épouse, Mme Y... et ses trois filles, Edith, qui a renoncé à la succession, Nicole, épouse X... et Eliane, épouse Z... ; que la SCP Bregeon et Loirat, notaire des familles A... et Y..., a été chargée de régler la succession et notamment de satisfaire aux exigences fiscales ; que, soutenant que les notaires avaient commis des fautes leur ayant causé un grave préjudice, Mmes Nicole X... et Eliane Z... ont assigné la SCP en paiement de dommages-intérêts ; que l'arrêt attaqué (Rennes, 21 mars 1995) ne leur a accordé des dommages-intérêts qu'au titre de leur préjudice moral ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors que, en jugeant que Mmes X... et Z... ne présentaient aucun préjudice matériel réparable, bien qu'il ressortît de ses constatations que par la faute de la SCP celles-ci se trouvaient débitrices envers Mme A..., pour le montant de la pénalité fiscale par elle payée, de sorte que cette faute les avait directement exposées à un risque de recouvrement de cette somme constitutif d'un préjudice personnel né et actuel, la cour d'appel aurait violé l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu que seul le préjudice direct, actuel et certain, peut donner lieu à réparation ; qu'après avoir relevé, à propos des pénalités fiscales, que Mme A... en avait supporté seule la charge et que Mmes X... et Z... n'avaient rien versé de plus à l'administration fiscale que ce qu'elles auraient dû débourser si les formalités avaient été accomplies en temps utile, l'arrêt énonce qu'il n'est justifié d'aucune démarche de Mme A... afin d'obtenir de ses filles le règlement de tout ou partie des pénalités et que Mme A..., interrogée par l'expert, avait exposé n'avoir pas pris parti à ce sujet ;
qu'ayant ainsi caractérisé la nature éventuelle du dommage invoqué, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen est dépourvu de fondement ;
Et attendu que le pourvoi est abusif ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... et Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne Mme X... et Mme Z... à payer, chacune, à la SCP Brégeon et Loirat, la somme de 5 000 francs ;
Condamne Mme X... et Mme Z..., chacune, à une amende civile de 5 000 francs envers le Trésor public ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.