AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Adine Cartonnages, dont le siège social est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 9 décembre 1996 par la cour d'appel d'Angers (1e chambre civile section A), au profit :
1 / de la société Soumagne, dont le siège est ...,
2 / de M. X..., mandataire judiciaire, ès qualités de représentant des créanciers de la société Soumagne, demeurant ...,
3 / de la société Bail Equipement, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 26 octobre 1999, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Vigneron, conseiller rapporteur, M. Grimaldi, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Vigneron, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Adine Cartonnages, de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de La Varde, avocat de la société Bail Equipement, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Angers, 9 décembre 1996), que le 17 avril 1991, la société Soumagne a vendu une presse offset d'occasion à la société Bail Equipement qui l'a donnée en location avec promesse de vente, à la société Adine Cartonnages (société Adine) ; que celle-ci a assigné les sociétés Soumagne et Bail Equipement en résolution des contrats de vente et de crédit-bail en se fondant sur le manquement du vendeur à son obligation de délivrance ainsi que sur la non-conformité du matériel aux règles de sécurité et à l'usage auquel il est destiné ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la société Adine reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en résolution de la vente du matériel pour non conformité de celui-ci avec sa désignation contractuelle et, par voie de conséquence, de sa demande en résiliation du contrat de crédit-bail, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le vendeur doit délivrer une chose conforme aux stipulations contractuelles ; qu'en déboutant la société Adine agissant au nom de la société Bail Equipement, crédit-bailleresse, de son action en résolution de la vente de la presse litigieuse pour défaut de conformité de cette presse aux stipulations contractuelles tout en constatant que la facture de la société Soumagne à la société Bail Equipement stipulait que la presse avait été construite en 1975 alors qu'elle avait été construite en 1972, la cour d'appel a violé les articles 1603, 1604 et 1184 du Code civil ; alors, d'autre part, que la société Adine en qualité de mandataire du crédit-bailleur sollicitait la résolution du contrat de vente conclu entre la société Bail Equipement et la société Soumagne ; qu'en répondant qu'il n'y avait pas eu dol de la part de la société venderese et en en déduisant curieusement que "la première cause de la résolution de la vente n'est donc pas justifié", la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société Adine Cartonnages en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que l'existence d'un dol vice du consentement entraîne la nullité du contrat qui en est entaché ; qu'en déclarant que la première cause de résolution de la vente de la presse n'est pas justifiée dès lors que la preuve d'un dol de la société Soumagne, venderesse, ne serait pas rapportée, la cour d'appel a violé les articles 1116 et 1184 du Code civil ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, après avoir relevé que la société Adine, "professionnel averti", avait utilisé cette presse pendant les deux mois précédant la conclusion du contrat, de telle sorte qu'elle en connaissait les performances et les limites, et avait signé une clause stipulant qu'elle prenait ce matériel d'occasion "dans l'état où il se trouve", la cour d'appel a retenu, par une décision motivée, qu'il n'est pas établi que l'erreur de date de fabrication de la presse ait constitué un élément déterminant de son consentement ; qu'ainsi, abstraction faite des motifs surabondants relatifs à l'absence de tromperie de la part de la société Soumagne, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses trois branches ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la société Adine reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en résolution de la vente du matériel pour non conformité de celui-ci avec les règles de sécurité et inaptitude à être utilisé et par voie de conséquence, d'avoir rejeté sa demande en résiliation du contrat de crédit-bail, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le vendeur est tenu de délivrer une chose conforme aux spécifications contractuelles ; qu'en rejetant l'action de la société Adine en résolution de la vente pour livraison d'une presse inapte à réaliser les travaux pour lesquels elle était destinée tout en constatant que ladite presse n'aurait pu effectuer des travaux courants qu'après une remise en état coûteuse, la cour d'appel a violé les articles 1184, 1603 et 1604 du Code civil ;
alors, d'autre part, qu'en considérant d'un côté que la presse ne pourrait servir à exécuter des travaux courants sans remise en état coûteuse ou exigeait une révision et de l'autre que preuve n'était pas faite qu'elle n'était pas inapte à faire les tâches que l'on pouvait raisonnablement en attendre, la cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que le vendeur doit délivrer une chose exempt de tout défaut de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens ; qu'en rejetant l'action en résolution du contrat de vente d'une presse dont la cour d'appel constatait la non conformité aux règles de sécurité, la cour d'appel a violé les articles 1603, 1604 et 1184 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient que la société Adine était "seule" à connaître les travaux qu'elle entendait exécuter avec cette presse ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt ne s'est nullement contredit en retenant, d'un côté, que "la preuve n'est pas faite que la presse était inapte aux taches qu'on pouvait raisonnablement en attendre" et, d'un autre côté, qu'il faut, à la suite du dérèglement volontaire de la presse "pour qu'elle ne fonctionne pas le jour de l'expertise", une remise en état "coûteuse" pour que cette machine puisse désormais exécuter des travaux "courants" ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que la société Adine reproche enfin à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'admission au passif de la société Soumagne pour la somme de 388 926 francs représentant le montant des loyers restant à échoir, alors, selon le pourvoi, que toute faute qui a causé un dommage à autrui engage la responsabilité de son auteur ; qu'en déboutant la société Adine de sa demande d'être admise au passif de la société Soumagne tout en constatant que cette dernière avait commis des fautes telles que la négligence de n'avoir pas vérifié les indications de sa facture et de n'avoir pas indiqué que la machine vendue n'était pas mise aux normes de sécurité, ce qui avait causé des dommages à l'utilisateur de la presse qu'était la société Adine, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui en découlaient en violation de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir prononcé la résiliation du contrat de crédit-bail pour défaut de paiement des loyers par la société Adine, l'arrêt retient qu'il n'y a pas de lien de causalité entre les fautes de la société Soumagne et la condamnation à 388 926 francs, représentant le montant des loyers restant à échoir ; qu'ainsi la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen est sans fondement ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Adine Cartonnages aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Bail Equipement ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.