AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
I - Sur le pourvoi n° Q 97-10.498 formé par la Banque populaire BICS, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 19 novembre 1996 par la cour d'appel de Paris (3e chambre, section A), au profit :
1 / de M. Alain-François Souchon, pris en sa qualité de représentant des créanciers et de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la SCI Bam et de M. et Mme Y..., demeurant ...,
2 / de M. Marc Y..., centre d'imagerie médicale demeurant ..., 91490 Milly X... ;
3 / Mme Laurence Y..., demeurant, ..., 91490 Milly X... ;
4 / de la SCI Bam, dont le siège est ..., 91490 Milly X... ;
5 / de la Banque régionale de l'Ouest (BRO), dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
II - Sur le pourvoi n° Q 97-10.567 formé par M. Alain-François Souchon, ès qualités,
en cassation du même arrêt au profit :
1 / de la Banque populaire BICS,
2 / de M. Marc Y...,
3 / de Mme Laurence Y...,
4 / de la SCI Bam,
5 / de la Banque régionale de l'Ouest,
défendeurs à la cassation ;
La Banque régionale de l'Ouest, défenderesse aux pourvois n° Q 97-10.498 et Q 97-10.567 a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal n° Q 97-10.498 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Le demandeur au pourvoi principal n° Q 97-10.567 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
La demanderesse aux pourvois incidents invoque, à l'appui de chacun des pourvois, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 26 octobre 1999, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Tricot, conseiller rapporteur, M. Grimaldi, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Tricot, conseiller, les observations de Me Blanc, avocat de la Banque populaire BICS, de Me Bertrand, avocat de M. Z..., ès qualités, Me Le Prado, avocat de la Banque régionale de l'Ouest, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. Y..., de Mme Y... et de la SCI Bam, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Joint les pourvois n° Q 97-10.498 et n° Q 97-10.567, qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt déféré et les productions, qu'après la mise en redressement judiciaire de la société civile immobilière Bam (la SCI), de M. Y... et de Mme Y..., le Tribunal a arrêté leur plan de continuation et nommé M. Souchon, commissaire à l'exécution du plan, tout en maintenant ce mandataire de justice dans ses fonctions de représentant des créanciers ; que l'un des créanciers, la Banque populaire BICS (la BICS), puis M. Souchon, agissant en ses deux qualités, ont fait appel et demandé l'annulation du jugement ; qu'un autre créancier, la Banque régionale de l'Ouest (la BRO), est intervenu à la procédure d'appel aux mêmes fins que les appelants ; que la cour d'appel a déclaré irrecevables les appels et l'intervention volontaire ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal n° Q 97-10.498, formé par la BICS :
Attendu que la BICS reproche à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable son appel alors, selon le pourvoi, que le Tribunal, qui impose à un créancier des remises que celui-ci n'avait pas acceptées, le représentant des créanciers s'étant limité à lui transmettre son avis favorable sur la proposition de plan de continuation, et ladite proposition, sans indiquer que le défaut de réponse dans le délai de trente jours à compter de la réception de la lettre valait acceptation, notamment des remises, commet un excès de pouvoir, lequel est personnel au créancier concerné qui a donc la qualité de partie à l'instance et est, dès lors, recevable en son appel-nullité du jugement en ce que celui-ci lui a imposé des remises, en sorte que la cour d'appel commet, elle-même, un excès de pouvoir en déclarant l'appel irrecevable, violant ainsi les articles 24, alinéa 2, 74, 171 de la loi du 25 janvier 1985, 31 et 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la BICS étant créancière dans la procédure collective, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 171 de la loi du 25 janvier 1985 en déclarant cette banque irrecevable dans son appel du jugement qui a arrêté le plan de continuation ; que le moyen est sans fondement ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident n° Q 97-10.498, relevé par la BRO :
Attendu que la BRO reproche à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable son intervention volontaire sur l'appel-nullité formé par la BICS alors, selon le pourvoi, que la consultation des créanciers est un préalable obligatoire à l'homologation par le Tribunal d'un plan de continuation, sauf pour ce dernier à commettre un excès de pouvoir sanctionné par la nullité du jugement, qui peut être invoquée par tout créancier auquel des remises ont été imposées ; que la cour d'appel, en déclarant irrecevable l'appel-nullité formé par la BICS et, en conséquence, l'intervention volontaire de la BRO à l'encontre du jugement leur ayant imposé des délais et remises non acceptés, a violé les articles 24, alinéa 2, 74 et 171 de la loi du 25 janvier 1985 et 42 du décret du 27 décembre 1985 ainsi que les articles 4, 31 et 554 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en présence de l'irrecevabilité de l'appel-nullité formé par la BICS, la cour d'appel en a exactement déduit que l'intervention volontaire de la BRO était irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen unique, pris en ses deux branches, du pourvoi incident n° Q 97.10.567, relevé par la BRO :
Attendu que la BRO reproche encore à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable son intervention volontaire sur l'appel formé par M. Souchon alors, selon le pourvoi, d'une part, que seule la notification du jugement a pour effet de faire courir le délai à l'expiration duquel un recours peut être exercé, la simple connaissance par l'appelant de la décision frappée d'appel ne pouvant avoir cet effet ; qu'en énonçant, pour déclarer irrecevable comme tardif l'appel formé par M. Souchon, ès qualités, et par conséquent l'intervention volontaire de la BRO, que le jugement frappé d'appel n'avait pas été notifié au mandataire judiciaire, mais que l'appelant avait constitué avoué avant d'interjeter appel et conclu à diverses reprises en qualité d'intimé, la cour d'appel, dont les constatations faisaient apparaître tout au plus que M. Souchon avait eu connaissance du jugement critiqué, a violé les articles 528 et 554 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que l'article 157 du décret du 27 décembre 1985, et alors, d'autre part, que, sauf renonciation qui n'est pas caractérisée par l'arrêt, le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt ; qu'en décidant au contraire qu'après avoir constitué avoué et conclu à plusieurs reprises en qualité d'intimé, M. Souchon avait perdu la faculté de former appel du jugement, la cour d'appel a violé l'article 546 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la BRO étant représentée en première instance par le représentant des créanciers qui a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt de ceux-ci, elle n'était pas recevable, en application de l'article 46, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985, à intervenir en cause d'appel ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal n° Q 97-10.567 formé par M. Souchon, pris en sa première branche :
Vu les articles 171.2 de la loi du 25 janvier 1985, 528 du nouveau Code de procédure civile, et 157 du décret du 27 décembre 1985 ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'appel formé par M. Souchon, ès qualités, le 4 octobre 1996, l'arrêt retient qu'il avait constitué avoué, sur l'appel formé par la BICS, dès le 20 juin 1996, qu'il avait conclu à diverses reprises en qualité d'intimé et que son appel est dès lors irrecevable comme tardif, peu important que le jugement ne lui ait pas été notifié ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le délai à l'expiration duquel le représentant des créanciers ne peut plus faire appel d'un jugement arrêtant le plan de continuation ne court qu'à compter de la notification de ce jugement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief du pourvoi principal n° Q 97-10.567 formé par M. Souchon :
REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident n° Q 97-10.498, ainsi que le pourvoi incident n° Q 97-10.567 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel de M. Souchon, l'arrêt rendu le 19 novembre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;
Condamne la Banque populaire BICS et la Banque régionale de l'Ouest aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne, d'une part, la BICS à payer à M. Y..., Mme Y... et à la SCI Bam, une somme totale de 12 000 francs, d'autre part, la BRO à payer, aux mêmes personnes une somme totale de 12 000 francs, et rejette toutes les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.