AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le premier décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Patrick,
- Y... Jean-Marie,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de BORDEAUX, en date du 24 août 1999, qui les a renvoyés devant la cour d'assises de la GIRONDE sous l'accusation de viols et agressions sexuelles aggravés, corruption de mineurs de quinze ans ;
Vu les mémoires produits ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Jean-Marie Y..., pris de la violation des articles 222-22, 222-23, 222-24-2 et 222-29-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Jean-Marie Le Cozdevant une cour d'assises, des chefs de viols sur les mineurs de 15 ans, X..., Y... et Z... ;
" aux motifs qu'il résulte des déclarations de X... qu'il a été l'objet à plusieurs reprises d'actes de pénétration sexuelle de la part de Jean-Marie Y... ;
qu'Y... a indiqué avoir dû pratiquer des fellations à Y... ; qu'il figure au dossier une scène de sodomie d'Y... tournée par Jean-Marie Y... ; que, par ailleurs, il résulte des déclarations des victimes que Jean-Marie Le Coza commis des agressions sexuelles sur X... (attouchements sur le sexe, fellations pratiquées sur le jeune garçon), Y... (fellations pratiquées sur le jeune garçon) et Z... (fellations pratiquées sur le jeune garçon) ; que, compte tenu du jeune âge des victimes au moment des faits, de la différence d'âge, de la disproportion des forces en présence, de l'expérience ancienne et répétée de l'auteur dans les techniques d'approche et de dépravation des mineurs, des carences éducatives des victimes qui les ont empêchées d'apprécier les actes qu'elles subissaient, il ne saurait être soutenu que les mineurs, qui ne se sont soumis à ces actes qu'en raison des demandes persuasives d'un adulte, sans être capables d'en percevoir le caractère déviant, ont pu librement et valablement consentir aux actes dont ils étaient l'objet ;
" alors, d'une part, que le crime de viol implique que l'acte de pénétration sexuelle soit commis avec violence, contrainte, menace ou surprise ; qu'il en est de même du délit d'agression sexuelle qui implique des atteintes sexuelles commises avec violence, contrainte, menace ou surprise ; qu'en se bornant à retenir des actes de pénétration sexuelle et d'atteinte sexuelle sur des mineurs de 15 ans, sans caractériser en quoi les actes dénoncés auraient été commis avec violence, contrainte, menace ou surprise, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que la chambre d'accusation, qui n'a caractérisé aucun acte de violence, contrainte, menace ou surprise, n'a retenu les qualifications de viol et d'agression sexuelle que compte tenu de la minorité de 15 ans des victimes ; qu'il s'ensuit que l'arrêt attaqué a violé les textes susvisés ;
" alors, enfin, que ni la différence d'âge entre l'adulte et les mineurs, ni l'expérience de l'adulte dans les techniques d'approche, ni les demandes persuasives de l'adulte, ni, enfin, les carences éducatives des mineurs, ne sont de nature à caractériser l'existence d'une contrainte au sens des articles 222-22 et 222-23 du Code pénal ; qu'en se déterminant par de telles circonstances, la chambre d'accusation n'a pas légalement justifié sa décision, et a violé les textes susvisés ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Patrick X..., pris de la violation des articles 222-22, 222-23, 222-24-2, 222-29-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Patrick X... devant une cour d'assises, des chefs de viols et d'agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans, en l'occurrence R... et Y... ;
" aux motifs que, Y... a indiqué avoir dû pratiquer des fellations à Patrick X... ; que R... a déclaré que, malgré son refus, Patrick X... lui avait introduit un doigt dans l'anus, puis l'avait pénétré à deux reprises par l'anus ;
que, par ailleurs, il ressort des déclarations des victimes que Patrick X... a commis des agressions sexuelles sur Y... (fellations pratiquées sur le jeune garçon) et R... (masturbations pratiquées sur le mineur) ; que, compte tenu du jeune âge des victimes au moment des faits, de la différence d'âge, de la disproportion des forces en présence, de l'expérience ancienne et répétée de l'auteur dans les techniques d'approche et de dépravation des mineurs, des carences éducatives des victimes qui les ont empêchées d'apprécier les actes qu'elles subissaient, il ne saurait être soutenu que les deux mineurs, qui se sont soumis à ces actes en raison des demandes persuasives d'un adulte, sans être capables d'en percevoir le caractère déviant, ont pu librement et valablement consentir aux actes dont ils étaient l'objet ;
" alors, d'une part, que le crime de viol implique que l'acte de pénétration sexuelle soit commis avec violence, contrainte, menace ou surprise ; qu'il en est de même du délit d'agression sexuelle qui implique des atteintes sexuelles commises avec violence, contrainte, menace ou surprise ; qu'en se bornant à retenir des actes de pénétration sexuelle et d'atteinte sexuelle sur des mineurs de 15 ans, sans caractériser en quoi les actes dénoncés auraient été commis avec violence, contrainte, menace ou surprise, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que la chambre d'accusation, qui n'a caractérisé aucun acte de violence, contrainte, menace ou surprise, n'a retenu les qualifications de viol et d'agression sexuelle que compte tenu de la minorité de 15 ans des victimes ; qu'il s'ensuit que l'arrêt attaqué a violé les textes susvisés ;
" alors, enfin, que ni la différence d'âge entre l'adulte et les mineurs, ni l'expérience de l'adulte dans les techniques d'approche, ni les demandes persuasives de l'adulte, ni, enfin, les carences éducatives des mineurs, ne sont de nature à caractériser l'existence d'une contrainte au sens des articles 222-22 et 222-23 du Code pénal ; qu'en se déterminant par de telles circonstances, la chambre d'accusation n'a pas légalement justifié sa décision, et a violé les textes susvisés ;
" sur le second moyen de cassation proposé par Patrick X..., pris de la violation des articles 227-22 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Patrick X... devant une cour d'assises, pour délit connexe de corruption d'un mineur, commis sur la personne d'A..., mineur de plus de 15 ans ;
" aux motifs que Patrick X... a favorisé la corruption d'A..., en l'incitant à participer à des scènes à caractère sexuel et en les filmant ;
" alors qu'en matière de corruption de mineur, l'acte matériel doit avoir eu pour but non de satisfaire les désirs de l'auteur des faits, mais de provoquer la corruption du mineur ; qu'en estimant qu'il existait charges suffisantes contre Patrick X... d'avoir favorisé la corruption d'A..., en l'incitant à participer à des scènes à caractère sexuel et en les filmant, sans constater que l'auteur visait la perversion du jeune homme, et non la satisfaction de ses propres désirs, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la chambre d'accusation, après avoir exposé les faits et répondu comme elle le devait aux articulations essentielles des mémoires dont elle était saisie, a relevé l'existence de charges qu'elle a estimé suffisantes contre Jean-Marie Le Cozet Patrick X... pour ordonner leur renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation de viols, agressions sexuelles aggravés, et corruption de mineurs de quinze ans ;
Qu'en effet, les chambres d'accusation apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, la Cour de Cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;
Que, dès lors, les moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente, qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle les accusés ont été renvoyés, que la procédure est régulière et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Caron conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Avocat général : Mme Commaret ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;