AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Menport, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 25 mars 1997 par la cour d'appel de Paris (22e chambre, section C), au profit de M. André X..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 20 octobre 1999, où étaient présents : M. Boubli, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Lanquetin, conseiller rapporteur, M. Bouret, conseiller, Mmes Barberot, Andrich, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Lanquetin, conseiller, les observations de Me Choucroy, avocat de la société Menport, de la SCP Alain Monod et Colin, avocat de M. X..., les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. X..., engagé le 1er février 1986 par la société Menport en qualité de représentant exclusif avec statut de VRP a été licencié par la société par lettre en date du 25 janvier 1991 pour faute grave, tirée de l'abandon de son poste et d'activités parallèles au sein d'une entreprise concurrente ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 25 mars 1997) d'avoir décidé que le licenciement était imputable à l'employeur et de l'avoir condamnée à verser au salarié une indemnité de préavis, une indemnité de clientèle et des congés payés, alors, selon le moyen, que commet une faute grave, privative des indemnités de préavis et de clientèle, le représentant exclusif qui exerce une activité concurrente pour une autre société ; qu'en l'espèce, la société a établi que M. X... a pris une commande auprès de la société Ereve le 6 septembre 1990 pour le compte d'une société Mecosam ; que ce seul acte de concurrence déloyale est constitutif d'une faute grave ; que, pour en avoir autrement décidé, la cour d'appel a violé l'article L. 751-7 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a estimé que le reproche fait au salarié d'avoir pris une commande pour le compte d'une autre société n'était pas établi ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société fait encore grief à l'arrêt d'avoir condamné l'employeur à verser au salarié une somme à titre de rappel de commissions et d'une somme à titre de congés-payés y afférents, alors, selon le moyen, qu'il résulte des conclusions d'appel de la société, claires et précises que l'expert Y... a commis une double erreur dans son rapport concernant les commissions dues et perçues au titre de l'année 1986 ; que l'expert tient compte d'un chiffre d'affaires ayant été réalisé en 1985, alors que sa mission portait sur le contrat de travail ayant existé à compter du 1er février 1986 ; que le chiffre d'affaires et les commissions acquises, au titre de l'année 1986, s'élèvent à la somme de 319 333,17 francs et non à la somme de 386 094,08 francs ; qu'en 1989, l'expert a retenu un chiffre toutes taxes et non hors taxes ; qu'ainsi, les commissions acquises s'élèvent, sur la période de janvier à février, à la somme de 85 057,82 francs, le total des commissions acquis pour la même année s'élevant à la somme de 251 840,13 francs ; qu'après rectification des erreurs commises par l'expert du 1er février 1986 à 1991, le montant des commissions acquises par M. X... s'est élevé à la somme de 1 286 089,72 francs ; que le représentant a perçu, pour cette période, une somme de 1 288 329 francs, supérieure de 2 239,28 francs à la somme due ; qu'il a donc perçu l'intégralité des commissions dues ;
que, par suite, la cour d'appel, qui a entériné le rapport d'expertise, a dénaturé ces conclusions et violé l'article 1134 du Code civil en retenant que la société Menport n'établit pas les erreurs commises par l'expert ;
Mais attendu que, hors toute dénaturation, la cour d'appel, appréciant la valeur probante de l'ensemble des documents soumis à son examen, a retenu que la société n'établissait pas les erreurs commises par l'expert ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société fait enfin grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour perte de revenus sur la clientèle des grossistes, alors, selon le moyen, que la société soulignait, dans ses conclusions d'appel laissées sans réponse, que M. X... n'avait, au début de son activité, en février 1986, visité que très ponctuellement les grossistes en raison de l'ampleur du secteur qui lui était confié ; que selon l'expert Y..., M. X... ne justifie que très peu de commandes auprès de grossistes entre février 1986 et mars 1987 ; que le représentant n'a jamais formulé de demande pour accomplir une activité pour visiter une telle clientèle ;
que la majeure partie des grossistes, sur lesquels M. X... prétend obtenir le paiement, ont fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ; qu'ainsi, M. X... ne pouvait prétendre à des dommages-intérêts puisqu'il n'a accompli aucune démarche pour visiter la clientèle ; que, par suite, la cour d'appel, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que les grossistes faisaient partie du secteur de prospection du représentant et que cette clientèle lui a été retirée par l'employeur sans son accord ; que, répondant ainsi aux conclusions prétendument délaissées, elle a souverainement évalué le préjudice en résultant ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Menport aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Menport à payer à M. X... la somme de 13 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.