AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / Mme Célia A..., demeurant ...,
2 / Mme Chahrzade X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 5 avril 1996 par la cour d'appel de Paris (16e Chambre, Section B), au profit de Mme Mireille B..., épouse Z..., demeurant ...,
défenderesse à la cassation ;
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 19 octobre 1999, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Mouillard, conseiller référendaire rapporteur, M. Poullain, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Mouillard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, avocat de Mmes A... et X..., les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Paris, 5 avril 1996) que Mme B... a cédé, le 15 mars 1983, le fonds de commerce, de café-restaurant qu'elle avait acquis en 1983 ; qu'elle a remis à M. Napoléon X... une somme de 54 235 francs sur le prix de vente ;
que, faisant valoir qu'il était le véritable propriétaire du fonds dont Mme B... n'était que le propriétaire apparent, M. X... a assigné cette dernière en paiement de la somme de 303 420 francs représentant le solde du prix de vente ; que, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a rejeté ses prétentions ; qu'à la suite de son décès, intervenu en cours de procédure, ses héritières, Mlles Célia A... et Chahrzade X..., ont repris l'instance ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mlles A... et X... font grief à l'arrêt d'avoir écarté les conclusions de M. X... signifiées le 27 février 1996, alors, selon le pourvoi, que le juge ne peut révoquer l ordonnance de clôture afin de permettre à l une des parties de conclure sans mettre l autre partie en mesure de répondre ; qu'en l espèce, il résultait des pièces régulièrement versées aux débats que, par une même ordonnance en date du 22 février 1996, le conseiller chargé de la mise en état avait tout à la fois révoqué l ordonnance de clôture rendue le 15 février précédent pour permettre l admission des pièces et des conclusions communiquées postérieurement par Mme B..., et prononcé de nouveau la clôture au 22 février, mettant ainsi M. X... dans l impossibilité d y répondre ; que, ce faisant, la cour d'appel a méconnu les droits de la défense et violé les articles 16, 784 et 910 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, M. X... ayant déposé des conclusions postérieurement à l'ordonnance de clôture sans demander la révocation de cette dernière, il ne saurait être fait grief à la cour d'appel d'avoir écarté ces écritures des débats ; que le moyen est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches, et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches, les moyens étant réunis :
Attendu que Mlles A... et X... reprochent encore à l'arrêt d'avoir rejeté les demandes de M. X... à l'encontre de Mme B..., alors, selon le pourvoi, d'une part, que les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens ; qu'il en résulte que lorsqu'un mandat est commercial à l'égard d'une partie, l'autre partie peut apporter la preuve de son existence par tous moyens ; qu'en l espèce, la cour d'appel, après avoir énoncé que le mandat invoqué par M. X... constituait un acte de commerce à l égard de Mme B..., a retenu que la preuve de son existence devait être rapportée "conformément aux règles de droit commun" ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l article 109 du Code de commerce ; alors, d'autre part, et en tout état de cause, que les dispositions de l article 1341 du Code civil reçoivent exception lorsqu il existe un commencement de preuve par écrit ; qu'en l espèce, en rejetant la lettre du 24 juin 1993 émanant de Mme B... contre laquelle elle était invoquée par M. X... au motif qu elle n° établissait pas l existence d un mandat sans rechercher si, à défaut, elle ne constituait pas un commencement de preuve par écrit rendant vraisemblable le fait allégué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale et violé l article 1347 du Code civil ; alors, en outre, que les dispositions de l article 1341 du Code civil "reçoivent encore exception.... lorsque l une des parties... n'a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l acte juridique..." ; qu'en l espèce, en retenant l existence des relations personnelles des parties sans rechercher, comme elle y avait été invitée par les écritures de M. X..., si ces liens ne justifiaient pas que celui-ci ne se soit pas procuré la preuve écrite de la convention conclue avec Mme B..., son ex-belle soeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l article 1348 du Code civil, par là-même violé ; alors, au
surplus, que, sur la qualité de salarié de M. X... revendiquée par Mme B... et retenue par la cour d'appel comme excluant celle de propriétaire du fonds, il avait fait expressément valoir dans ses écritures que si le litige avait réellement porté sur l exécution d un contrat de travail, Mme B... n'aurait pas manqué de soulever l incompétence du tribunal de grande instance au profit du conseil de prud hommes ; qu'il avait également souligné que s il avait été effectivement salarié apparent de l entreprise de 1987 à 1990, il avait poursuivi son activité dans le fonds jusqu en mars 1993, date de son éviction à la suite de la vente, élément incontestable sur lequel Mme B... n apportait aucune explication ; qu'il avait encore appelé l attention de la cour d'appel sur les termes mêmes de la lettre de Mme B... en date du 24 juin 1993 qui excluaient la qualité de simple salarié que celle-ci voulait lui faire endosser ; qu'en ne répondant pas à ces moyens déterminants, la cour d'appel a violé l article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que si la possession de billets à ordre par C... Hardy qui les avait souscrits laissait présumer qu elle les avait elle-même payés, la cour d'appel ne pouvait refuser d admettre que la preuve contraire avait été, en l espèce, rapportée par l attestation du bénéficiaire, M. Y..., sans préciser à quel titre et en quelle qualité M. X... aurait pu payer en espèce tous les mois pendant trois ans le montant de billets à ordre qu il n avait pas souscrits ; qu'elle a ainsi violé, par manque de base légale, l article 1315 du Code civil ;
Mais attendu que, sous le couvert des griefs infondés de violation de la loi, manque de base légale et défaut de réponse à conclusions, les moyens ne tendent qu'à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, de la valeur et de la portée des éléments de preuve soumis au débat contradictoire ; qu'ils ne peuvent être admis ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mmes A... et X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.