AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de Me ODENT, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Laura, épouse Z...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 9 septembre 1998, qui, pour fraude fiscale, l'a condamnée à 8 mois d'emprisonnement avec sursis, 50 000 francs d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 4A et 4B-1 du Code général des impôts, de la Convention bilatérale franco-américaine du 31 août 1994 en son article 4, violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a reconnu la demanderesse coupable d'omission de déclaration de revenus, faits commis en 1993 et 1994 ;
"aux motifs que, s'il est établi par un faisceau d'indices concordants justement relevés par les premiers juges, que Laura X..., épouse Z..., était en 1992 et 1993 résidente en France au sens des articles 4A et 4B-1 du Code général des impôts, il n'est en revanche nullement démontré qu'elle ait eu concomitamment la qualité de résidente américaine au regard de la législation interne des Etats-Unis ; que les documents produits, à savoir la copie d'un bail concernant un logement sis à New-York établi au nom des époux Z... et des factures de téléphone et d'électricité établies pour la plupart au nom de M. Z..., sont inopérants à démontrer qu'elle ait eu au cours des années 1992 et 1993 des liens professionnels et économiques avec les Etats-Unis et qu'aucune déclaration de revenu n'a été souscrite par les époux Z... aux Etats-Unis, de telle sorte qu'en l'état de ces énonciations Laura X..., épouse Z..., n'a pas démontré que sa situation fiscale entrait dans le champ d'application de la Convention bilatérale du 31 août 1994 et que, dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont déterminé son domicile fiscal par référence aux seuls critères du droit interne ;
"alors que, d'une part, l'arrêt, faute de toute référence au droit interne américain, n'établit nullement que les faits qu'il a retenus ne permettaient pas à Laura Y... d'invoquer sa qualité de résidente américaine, de telle sorte que la décision attaquée ne pourra qu'être cassée pour absence de motivation ;
"et alors, d'autre part, et surtout, que la Convention du 31 août 1994, sur laquelle l'arrêt s'est fondé, comportait des éléments qui conduisaient nécessairement à conclure que la demanderesse avait concomitamment avec son statut de résidente française la qualité de résidente américaine, de telle sorte que la décision attaquée n'a pas tiré les conséquences des constatations de fait qu'elle a retenues et est entachée d'une contradiction dans ses motifs" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 15 et 23 de la Convention fiscale franco-américaine, de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a estimé que l'élément intentionnel du délit de fraude fiscale pour omission de déclaration de revenus était constitué ;
"aux motifs que la décision des premiers juges est, sur ce point comme sur les autres, étayée par des motifs pertinents et suffisants ;
"alors que ces motifs consistent essentiellement en des faits négatifs de refus de coopération avec les autorités fiscales françaises qui souhaitaient l'imposer à l'impôt français, ce qui, à l'évidence, ne permettait pas de constituer l'élément intentionnel de l'infraction au regard de la loi pénale, de telle sorte que l'arrêt attaqué ne pourra qu'être cassé pour insuffisance de motivation et manque de base légale en violation de dispositions de l'article 593 du Code de procédure pénale" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer Laura X..., épouse Z..., coupable de fraude fiscale, pour avoir volontairement omis de faire la déclaration de ses revenus dans les délais prescrits, les juges, par motifs propres et adoptés, relèvent qu'elle était locataire d'un appartement à Paris où elle a principalement séjourné en 1992 et 1993, comme en attestent les factures d'électricité et de téléphone ainsi que les nombreux remboursements de frais médicaux ; qu'ils retiennent qu'elle a admis avoir réalisé en France, durant cette période, 25 à 40 % de ses prestations professionnelles ; qu'ils constatent que les relevés de comptes bancaires des époux Z... démontrent qu'ils avaient le centre de leurs intérêts économiques en France et que, selon les renseignements communiqués par les autorités américaines, aucune déclaration de revenus n'a été souscrite par eux aux Etats-Unis ;
Que les juges ajoutent que la persistance des carences déclaratives de Laura X..., épouse Z..., en dépit de mises en demeure, ses déclarations contradictoires sur ses domiciles successifs et son attitude de refus de toute coopération au cours du contrôle, révèlent son intention délibérée d'échapper à l'impôt ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que le bénéfice éventuel d'une convention tendant à éviter une double imposition ne dispense pas le contribuable de souscrire une déclaration de revenus, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Challe conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Cotte ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;