AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Muriel X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 5 juin 1997 par la cour d'appel de Colmar (Chambre sociale, section A), au profit de la société d'Exploitation hôtelière du palais, société anonyme, à l'enseigne Hôtel Hilton, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 octobre 1999, où étaient présents : M. Le Roux-Cocheril, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Brissier, conseiller rapporteur, M. Texier, conseiller, Mme Bourgeot, conseiller référendaire, M. Martin, avocat général, Mme Guénée-Sourie, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Brissier, conseiller, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat de Mme X..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société d'Exploitation hôtelière du palais (Hôtel Hilton), les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le second moyen :
Vu l'article L. 122-17 du Code du travail ;
Attendu que, selon ce texte, le reçu pour solde de tout compte délivré par le travailleur à l'employeur lors de la résiliation ou de l'expiration de son contrat de travail peut être dénoncé dans les deux mois de sa signature ; qu'un avocat, chargé par le salarié d'introduire une instance prud'homale, a pouvoir pour effectuer cette dénonciation, qui constitue le préalable nécessaire à la recevabilité de la demande ;
Attendu que Mme X..., exerçant, en dernier lieu, les fonctions de directrice de l'hébergement au service de la société d'Exploitation hôtelière du Palais, a été licencié pour motif économique le 30 septembre 1992 ; qu'elle a signé, le 9 janvier 1993, un reçu pour solde de tout compte ; que, par acte d'huissier de justice du 15 février 1993, Mme X..., "représentée par M. Alain Frederick", avocat au barreau de Strasbourg, a fait sommation à l'employeur de procéder au règlement des indemnités de préavis, de congés payés y afférents, de licenciement sur la base d'une ancienneté de 12 ans et 3 mois, d'une indenmité pour non-respect de la procédure de licenciement et d'une indemnité pour rupture abusive ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de ces demandes ;
Attendu que, pour rejeter ces dernières, l'arrêt attaqué énonce que si la dénonciation d'un reçu pour solde de tout compte peut être faite valablement par l'intermédiaire d'un mandataire, c'est à la condition que son auteur ait été investi d'un mandat à cet effet ; que les dispositions qui régissent la représentation en justice des parties sont inapplicables avant la saisine de la juridiction prud'homale ; qu'un avocat ne saurait donc valablement procéder à la dénonciation dont s'agit sur le fondement d'un mandat présumé ; qu'il lui appartient d'établir l'existence de son mandat ; qu'en l'espèce, M. Alain Frederick ne rapporte pas la preuve que Mme X... lui ait donné mandat de dénoncer le reçu pour solde de tout compte qu'elle a signé ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle a relevé que l'avocat avait été chargé par la salariée d'introduire la présente instance prud'homale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 juin 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la société d'Exploitation hôtelière du palais, à l'enseigne Hôtel Hilton, aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.