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16/11/1999 | FRANCE | N°97-84035

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 novembre 1999, 97-84035


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de Me BOUTHORS, et de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... François,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 4

juin 1997, qui, pour diffamation publique envers un fonctionnaire, l'a condamné à une ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de Me BOUTHORS, et de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... François,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 4 juin 1997, qui, pour diffamation publique envers un fonctionnaire, l'a condamné à une amende de 40 000 francs et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 23, 29, 30, 31 et 41 de la loi du 29 juillet 1881, 591, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que la Cour a déclaré François Y... coupable de diffamation et a statué sur les intérêts civils ;

" aux motifs qu'il résulte de la procédure et des débats que c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré François Y... coupable d'avoir commis le délit de diffamation publique à l'égard de M. X..., fonctionnaire public, à raison de ses fonctions et qualité ; le caractère diffamatoire des propos en cause, non contesté mais revendiqué par le prévenu dans ses propres écritures, a été justement caractérisé par les premiers juges ; le prévenu s'emploie à justifier à la fois de la légitimité de ses propos et de la forme dans laquelle ils ont été tenus, ainsi que de sa bonne foi ; étant diffamatoire, seule la bonne foi de leur auteur est de nature à exonérer ce dernier de sa responsabilité pénale et civile ;

or le prévenu ne saurait, pour justifier de sa bonne foi, invoquer l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, qui, en ce qu'il exclut toute action en diffamation, injure ou outrage, sur la base des discours ou écrits produits devant les tribunaux, consacre expressément le principe de la liberté de parole au cours de l'audience judiciaire mais, a contrario, ouvre droit à l'action de toute personne contre des propos lui portant préjudice, dès lors qu'ils ont été tenus hors de ce cadre, ce qui est le cas en l'espèce ; quant à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, qui pose le principe du droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial, il n'est pas démontré en quoi son application, en l'espèce, rendrait légal le fait pour le prévenu de tenir des propos diffamatoires à l'égard d'un fonctionnaire public hors du seul cas prévu précisément par l'article 41 précité de la loi du 29 juillet 1881 ; que le prévenu ne saurait enfin faire admettre que les propos en cause ne constituent que le commentaire de ses plaidoiries et conclusions ultérieures, outre qu'il n'établit pas ce point qui est contesté par la partie civile, les termes dans lesquels celle-ci est mise en cause dépassant manifestement la prudence exigée pour que le prévenu puisse prétendre avoir tenu en l'espèce lesdits propos de bonne foi ;

" alors, d'une part, que c'est un devoir pour l'avocat de contester l'impartialité d'un juge qui aurait failli au devoir de son office ; que ce devoir est aussi un droit qui présente un caractère absolu ; que son usage n'est donc pas constitutif du délit de diffamation, qu'il ait été ou non exercé dans le strict cadre du prétoire, et ce d'autant moins qu'il s'agissait en l'espèce d'une affaire portée sur la scène médiatique par les services eux-mêmes ;

" alors, d'autre part, et en tout état de cause, que l'immunité des débats prévue par l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 devait de toute façon bénéficier au prévenu, dans la mesure où les propos qui lui étaient reprochés ne constituaient que le simple commentaire de sa plaidoirie en audience publique, dont la véhémence n'avait d'ailleurs donné lieu à aucun incident sur le terrain de l'article précité " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que A... X..., magistrat, a fait citer devant la juridiction correctionnelle François Y..., avocat, pour diffamation publique envers un fonctionnaire, lui reprochant d'avoir, le 11 mars 1996, date d'ouverture du procès de son client Michel Z..., tenu sur les ondes de la radio " France Info ", les propos suivants :

" Seul Michel Z... fait l'objet de ce procès avec Serge A... et Jean-Paul B..., ses adjoints. A la différence, à Lyon, de tous les autres groupes municipaux et en France de tous les hommes politiques. Voulez-vous me dire pourquoi seul Michel Z... serait l'objet de ce procès ? Et bien, tout simplement, parce que le parquet de Lyon et le juge d'instruction X... à Lyon ont agi de façon partiale, sur commande politique, pour exécuter un adversaire politique " ;

Attendu que, pour refuser au prévenu le bénéfice de l'immunité judiciaire prévue par l'article 41, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881, les juges énoncent que, si selon ces dispositions, l'avocat bénéficie de la liberté de parole au cours de l'audience judiciaire, il ne saurait prétendre à cette immunité lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, il s'exprime hors de ce cadre ; qu'ils ajoutent que les termes dans lesquels ce magistrat a été mis en cause dépassent manifestement la prudence nécessaire à l'admission de la bonne foi ;

Attendu, enfin, que c'est par une appréciation souveraine des éléments de preuve contradictoirement débattus, que les juges ont constaté qu'il n'était pas établi que les propos incriminés n'étaient que le commentaire de sa plaidoirie ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations et constatations, les juges ont justifié leur décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, Mme Simon conseiller rapporteur, MM. Milleville, Pinsseau, Joly, Mmes Chanet, Anzani, Koering-Joulin conseillers de la chambre, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-84035
Date de la décision : 16/11/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Diffamation - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Mauvaise foi - Immunité - Avocat - Exercice des droits de la défense - Limites.


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 41 al. 3

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11ème chambre, 04 juin 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 nov. 1999, pourvoi n°97-84035


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.84035
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