La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/11/1999 | FRANCE | N°97-30313;97-30314

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 novembre 1999, 97-30313 et suivant


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Sur le pourvoi n° C 97-30.313 formé par M. Jean-Luc X..., demeurant ...,

en cassation d'une ordonnance rendue le 11 août 1997 par le président du tribunal de grande instance de Meaux, au profit du Directeur général des impôts, domicilié ...,

defendeur à la cassation ;

II - Sur le pourvoi n° D 97-30.314 formé par Mme Arlette Y..., demeurant ...,

en cassation de la même ordonnance,

Le demandeur au pourvoi n° C

97-30.313 invoque, six moyens figurant au mémoire personnel annexé au présent arrêt ;

La demanderesse ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Sur le pourvoi n° C 97-30.313 formé par M. Jean-Luc X..., demeurant ...,

en cassation d'une ordonnance rendue le 11 août 1997 par le président du tribunal de grande instance de Meaux, au profit du Directeur général des impôts, domicilié ...,

defendeur à la cassation ;

II - Sur le pourvoi n° D 97-30.314 formé par Mme Arlette Y..., demeurant ...,

en cassation de la même ordonnance,

Le demandeur au pourvoi n° C 97-30.313 invoque, six moyens figurant au mémoire personnel annexé au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi n° D 97-30.314 invoque, un moyen figurant au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 5 octobre 1999, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Boinot, conseiller référendaire rapporteur, M. Poullain, conseiller, M. Jobard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Boinot, conseiller référendaire, les observations de Me Foussard, avocat du directeur général des impôts, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu leur connexité, joint les pourvois n° C 97-30.313 et D 97-30.314 qui attaquent la même ordonnance ;

Attendu que, par ordonnance du 11 août 1997, le président du tribunal de grande instance de Meaux a, en vertu de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, autorisé des agents de l'administration des Impôts à effectuer une visite et une saisie de documents au domicile de Mme Y..., en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale de la SARL Agence logistique événementielle, de M. Jean-Luc X... et de la SA Les Travaux spéciaux du Centre au titre de la taxe à la valeur ajoutée, de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu, catégorie bénéfices industriels et commerciaux ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° 97-30.313 de M. X... :

Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses alors, selon le pourvoi, que la procédure instituée par l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales est une procédure exceptionnelle qui ne peut être mise en oeuvre que dans des cas limités où la fraude est suffisamment importante pour entraîner le recours à des visites domiciliaires, que l'administration fiscale a assuré "qu'elle n'engagerait la procédure exceptionnelle de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales que pour des affaires présumées porter sur des fraudes importantes en volume et d'une gravité significative", qu'elle a assuré "qu'avant de demander au juge l'autorisation de mettre en oeuvre la procédure de visite et de saisie, elle appréciera si les présomptions de fraude sont suffisamment graves", que ces prescriptions ressortent de la réunion de la mission d'organisation administrative du Comité fiscal en date du 26 septembre 1985, que les comptes-rendus du Comité fiscal étant rédigés d'une façon paritaire engagent l'Administration, laquelle concerne d'une part le service qui a sollicité la mise en oeuvre de la procédure de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, d'autre part le juge qui a autorisé la mise en oeuvre de cette procédure exceptionnelle, qu'il ressort de l'ordonnance attaquée que le juge ne s'est pas expressément référé à des présomptions de fraude importante en volume et d'une gravité significative pour autoriser la visite et la saisie fondée sur l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, que le juge s'est limité à faire état de présomptions d'agissements frauduleux auxquels se livreraient la SARL Agence logistique événementielle, M. Jean-Luc X... et la SA Travaux spéciaux du Centre sans motiver et justifier l'importance en volume de la fraude et sa gravité, que cette absence de motivation conduit à faire grief au juge de ne pas avoir apprécié et vérifié de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui était soumise par l'Administration était bien fondée, qu'en conséquence, l'ordonnance irrégulièrement motivée doit être cassée ;

Mais attendu que la doctrine administrative invoquée, élaborée le 26 septembre 1985, ne peut être opposée à l'application d'un texte issu d'une loi du 29 décembre 1989 ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et cinquième moyens du pourvoi n° 97-30.313 de M. X..., réunis :

Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'après avoir indiqué le contenu des pièces communiquées par l'Administration, l'ordonnance se borne à présenter de manière générale des présomptions, qu'il ressort de cette analyse que le juge s'est livré à une appréciation à caractère général au titre des présomptions retenues, qu'il ne s'est pas référé pour chacune de ces présomptions à la pièce idoine produite par l'Administration, de sorte que l'adéquation entre les présomptions alléguées et les documents fournis par l'Administration à l'appui de sa requête n'est pas établie, qu'en ne rattachant pas de façon méthodique les pièces produites aux faits directement imputables aux entités visées par l'ordonnance, le juge n'a pas vérifié de manière concrète le bien-fondé de la demande d'autorisation ; et alors, d'autre part, que la vérification de manière concrète du bien-fondé de la demande d'autorisation qui lui est soumise, exige de la part du juge de s'appuyer sur tous les documents qu'il vise ; qu'à défaut, l'appréciation du juge ne peut être considérée ni complète, ni concrète ; qu'en l'occurrence, les pièces 10 ter, 32 et 35 bis n'ont pas été analysées, que le juge n'indique pas expressément dans l'ordonnance les motifs pour lesquels il a omis d'analyser les pièces sus-désignées alors que, d'abord, ces pièces constituent des documents nécessaires à l'analyse qu'il lui incombait de faire, qu'ensuite, l'ordonnance énonce "Vu les documents en notre possession soumis à notre appréciation", ce qui impliquait pour le juge d'analyser chaque pièce ou d'indiquer les raisons pour lesquelles certaines pièces n'ont pas été retenues et que, dans ces conditions, le juge ne saurait avoir utilement vérifier de manière concrète le bien-fondé de la demande d'autorisation conformément aux exigences légales ;

Mais attendu que le juge a procédé à la vérification du bien-fondé de la demande en citant et en analysant précisément les pièces qui lui ont permis d'admettre l'existence de présomptions d'agissements visés par la loi justifiant la recherche de la preuve de ces agissements au moyen d'une visite en tous lieux, même privés, et d'une saisie de documents s'y rapportant ; que les moyens manquent en fait ;

Sur le troisième moyen du pourvoi n° 97-30.313 de M. X... :

Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses alors, selon le pourvoi, que le juge qui analyse la fraude présumée, doit justifier par des motifs pertinents les faits allégués qui ont conduit à la mise en oeuvre de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, que cette démarche suppose que, dans le cadre d'une vérification concrète du bien-fondé de la demande de l'Administration, le juge rapproche toutes pièces utiles de nature à établir les faits précisément imputables aux parties visées par l'ordonnance, sans omettre de rapprocher des pièces déterminantes susceptibles d'infirmer la fraude présumée ; qu'en l'espèce, en s'abstenant de rapprocher les pièces 2, 10 et 11 avec les pièces 16, 28, 29, 31 et 33, lesquelles constituent des pièces déterminantes à décharge de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur les présomptions de fraude fiscale, le juge n'a pas vérifié de manière concrète que la demande d'autorisation par l'Administration était bien fondée car les pièces 2, 10 et 11 seules retenues à ce titre sont dépourvues de toute pertinence, que l'ordonnance d'autorisation a statué par des motifs qui ne caractérisent aucune irrégularité sur le prétendu chiffre d'affaires minoré et présumé fraudé, que la condition légale exigée pour la mise en oeuvre de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales tenant à l'existence d'une présomption de fraude n'est pas remplie, que l'autorisation délivrée sur cette demande est en conséquence irrégulière car elle ne satisfait pas aux exigences de vérification concrète par le juge du bien-fondé de la demande de l'Administration prévues par l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu qu'il résulte des énonciations de l'ordonnance que, conformément à l'article L. 16 B II du Livre des procédures fiscales, le juge avait reçu de l'Administration des éléments d'information de nature à justifier la visite, seuls éléments exigés par le texte ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi n° 97-30.313 de M. X... :

Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses alors, selon le pourvoi, que le juge ne peut se fonder sur des présomptions relatives à des exercices manifestement prescrits ; qu'en l'espèce, le juge s'est référé à des pièces communiquées par l'Administration, qui renvoient à des exercices prescrits ; que la motivation de l'ordonnance sur des faits afférents à des exercices prescrits établit que le juge a retenu des présomptions étrangères à la période en cause et qu'en conséquence l'ordonnance qui en résulte est irrégulière ;

Mais attendu que, si les textes visés au moyen ne permettent pas au juge d'autoriser une visite domiciliaire en vue de rapporter la preuve d'agissements couverts par la prescription, ils ne lui interdisent pas de retenir, comme éléments de présomption de faits non prescrits, des documents datant de plus de trois ans ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le sixième moyen du pourvoi n° 97-30.313 de M. X... :

Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses alors, selon le pourvoi, que le juge doit mentionner l'origine apparente de chacune des pièces en sa possession de nature à en établir la détention licite par l'Administration, que l'origine licite d'une pièce est établie lorsque les conditions d'obtention de la pièce et la procédure au moyen de laquelle l'Administration a distrait le document à l'appui de sa requête sont indiquées, lorsque la référence à la demande préalable de la part de l'Administration pour obtenir une pièce est précisée, lorsque le service qui est à l'origine des constatations résultant de la pièce, ainsi que le nom de l'agent et la date d'obtention de la pièce sont mentionnés, qu'au cas particulier, la détention licite par l'Administration de diverses pièces désignées n'est pas établie dès lors que, pour chacune d'elle, l'ordonnance indique qu'il s'agit d'une "pièce extraite ou issue du dossier fiscal de l'intéressé" à l'exclusion de toutes autres indications relatives aux conditions d'obtention de ces pièces, à la procédure au moyen de laquelle l'Administration a obtenu ou communiqué ces pièces, à la demande préalable du service, au nom de l'agent qui a obtenu cette pièce et la date de son obtention, que l'indication d'une "pièce extraite ou issue du dossier fiscal de l'intéressé" est insuffisante pour apprécier que l'origine apparemment licite des pièces est établie, qu'il en est ainsi de diverses pièces qui représentent le tiers des pièces sur lesquelles s'appuie l'ordonnance pour autoriser la visite domiciliaire, qu'en n'établissant pas la détention licite des pièces sus-indiquées produites par l'Administration à l'appui de sa requête, le juge ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle sur la régularité de l'ordonnance autorisant la visite et la saisie ;

Mais attendu que le président du Tribunal en vérifiant que les éléments d'information fournis par l'administration fiscale requérante ont été obtenus et détenus par elle de manière apparemment licite, a ainsi procédé au contrôle qui lui incombait, toute autre contestation relevant du contentieux dont peuvent être saisies les juridictions du fond ;

que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 97-30.314 de Mme Y... :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visite et saisie litigieuses alors, selon le pourvoi, que, conformément aux dispositions de l'article L. 16-B du Livre des procédures fiscales, il appartient au juge de motiver sa décision d'autoriser une visite domiciliaire dans les locaux d'habitation d'une personne physique en précisant en quelle qualité cette personne est visée, les motifs de droit et de fait pour lesquels cette personne physique est susceptible de détenir à son domicile les documents recherchés, les liens de droit et de fait de cette personne physique avec chacun des auteurs dont la fraude fiscale est recherchée ; qu'au cas particulier, ces mentions font défaut dans l'ordonnance attaquée ; qu'en effet, l'auteur de l'ordonnance a autorisé la visite au domicile de Mme Arlette Y..., ... à Saint-Augustin, pour la recherche de la preuve d'agissements présumés frauduleux à l'encontre de la SARL Agence logistique événementielle dont le siège social se situe ... à Vaux-sur-Seine, de M. Jean-Luc X... domicilié ... où il exploite une entreprise individuelle et de la SA Travaux Spéciaux du Centre dont le siège social est situé à la minoteries Saint-Maurice à Pierre-Buffière ; qu'en l'espèce, le juge n'a pas motivé sa décision car il n'a pas précisé de manière concrète et pertinente que le domicile de Mme Y... était susceptible de contenir des documents illustrant les procédés de fraude imputés à la SARL Agence logistique événementielle, à M. Jean-Luc X... et à la SA Travaux spéciaux du Centre, il n'a pas indiqué expressément la qualité en laquelle Mme Arlette Y..., titulaire des locaux, était visée et était susceptible de détenir à son domicile les documents recherchés, il na pas mentionné les liens de droit et de fait de Mme Arlette Y... avec chacune des personnes à l'encontre desquelles la preuve des agissements est recherchée : la SARL Agence logistique événementielle, M. Jean-Luc X... et la SA Travaux spéciaux du Centre ; que, dès lors que ces motifs et justifications ne figurent pas expressément dans l'ordonnance, son auteur n'a pas motivé sa décision d'autoriser la visite domiciliaire dans les locaux d'habitation de Mme Y... et n'a pas satisfait aux exigences légales prévues à l'article L. 16-B du Livre des procédures fiscales et à la jurisprudence citée ;

Mais attendu que le juge peut autoriser des visites et saisies dans tous les lieux, même privés, où les documents se rapportant à la fraude recherchée sont susceptibles d'être détenus, dès lors qu'il déclare trouver les renseignements nécessaires dans les informations fournies par l'Administration requérante ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. X... et Mme Y... aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 97-30313;97-30314
Date de la décision : 16/11/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Visites domiciliaires - Ordonnance autorisant la visite - Doctrine administrative applicable (non).

IMPOTS ET TAXES - Visites domiciliaires - Ordonnance autorisant la visite - Présomption tirée de faits prescrits - Eléments d'information obtenus d'une façon apparemment licite.


Références :

Circulaire du 26 septembre 1985

Décision attaquée : Président du tribunal de grande instance de Meaux, 11 août 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 nov. 1999, pourvoi n°97-30313;97-30314


Composition du Tribunal
Président : Président : M. DUMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.30313
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award