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10/11/1999 | FRANCE | N°98-80760

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 novembre 1999, 98-80760


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGER, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE et de Me HEMERY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- B... Jacques,

- X... Gilbert,

contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnel

le, du 27 novembre 1997, qui, pour escroquerie, a condamné le premier à 10 000 francs d'ame...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGER, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE et de Me HEMERY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- B... Jacques,

- X... Gilbert,

contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, du 27 novembre 1997, qui, pour escroquerie, a condamné le premier à 10 000 francs d'amende, le second à la même peine, avec sursis, pour faux et complicité d'escroquerie, et a statué sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux deux demandeurs, et le mémoire en défense ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 405 de l'ancien Code pénal, 463, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques B... et Gilbert X... coupables d'escroquerie et de complicité d'escroquerie ;

"aux motifs que, pour tenter d'échapper à leur responsabilité pénale, les deux prévenus ont soutenu qu'il y avait consentement de la victime, dans la mesure où ces pratiques avaient été tolérées si ce n'est suggérées par la société Primagaz ; le délit d'escroquerie n'est pas constitué dans le cas où la victime accepte de se dessaisir volontairement des biens lui appartenant, encore faut-il que ce consentement soit bien établi et qu'il ne présente aucun caractère d'équivoque ; en l'espèce, si plusieurs témoins, entendus dans le cadre de l'instruction, ont confirmé les déclarations de Jacques B... et de Gilbert X... tendant à l'acceptation par la société Primagaz de faux certificats d'installation et de faux bulletins de déconsignation, permettant ainsi une rémunération occulte des concessionnaires, d'autres témoins démentent une telle pratique (M. Z..., M. Y..., M. A...) ; il en résulte que le consentement de la société Primagaz ne peut être considéré comme établi ;

"alors que, selon l'article 463 du Code de procédure pénale, il appartient aux juges correctionnels d'ordonner les mesures d'information qu'ils estiment nécessaires à la manifestation de la vérité et qu'en l'état de la contradiction qu'elle relevait entre les différents témoignages relativement à l'existence du consentement de la victime prétendu, il appartenait à la cour d'appel d'ordonner un supplément d'informations en vue de l'audition des différents témoins et de leur confrontation entre eux et avec les prévenus" ;

Attendu que les demandeurs ne sauraient se faire un grief de ce que la cour d'appel n'a pas ordonné un complément d'information dès lors que l'opportunité d'une telle mesure relève de l'appréciation souveraine des juges du fond ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 147 et 150 de l'ancien Code pénal, 121-1 et 121-3, alinéa 1er, du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gilbert X... coupable de faux en écritures ;

"aux motifs que Gilbert X... ne conteste pas avoir rédigé les certificats de conformité et les bulletins de déconsignation litigieux ; il est exact, comme le soutient Gilbert X..., qu'un faux intellectuel qui ne comporte pas d'obligation pour un tiers ne peut constituer le délit de faux, tel que défini par les articles 147 et 150 de l'ancien Code pénal ; il en est autrement dès lors que les fausses énonciations résultant de ces opérations fictives ont été reportées sur les livres comptables de la société, pour leur donner l'apparence d'actes de commerce réels et y traduire l'existence d'une activité commerciale, en fait imaginaire ; en l'espèce, les documents rédigés par Gilbert X... comportaient plusieurs altérations de la vérité : nom de clients et adresses imaginaires, noms d'installateurs fictifs, fausses signatures des installeurs et/ou des clients prétendus ; de telles énonciations, résultant d'opérations fictives, ont été en outre reportées sur les livres comptables de la société B..., donnant ainsi l'apparence d'actes de commerce réels, traduisant l'existence d'une activité commerciale qui, en fait, était imaginaire ; il s'ensuit que ces faux documents rédigés par Gilbert X... entrent bien dans les prévisions des articles 147 et 150 de l'ancien Code pénal puisque constitue un faux la fabrication de conventions, dispositions, obligations ou décharges, ainsi que de tous documents susceptibles de constituer un mode de preuve, dès lors qu'intentionnellement commise, elle est de nature à porter préjudice à un tiers ;

"alors que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que Gilbert X..., n'a commis, en rédigeant les certificats de conformité et les bulletins de déconsignation, qu'un faux intellectuel ne comportant pas d'obligations pour un tiers, insusceptible en tant que tel de constituer le délit de faux en écritures tel que défini par les articles 147 et 150 de l'ancien Code pénal et que l'arrêt qui n'a aucunement relevé que le report sur les livres comptables de la société B... des fausses énonciations contenues dans les documents mensongers précités ait été imputable à Gilbert X..., a méconnu les dispositions de l'article 121-1 du Code pénal ;

"alors que l'arrêt, qui n'a pas constaté que Gilbert X... ait eu connaissance de ce que les énonciations mensongères figurant sur les certificats de conformité et les bulletins de déconsignation avaient été reportées sur les livres comptables de la société B..., n'a pas justifié légalement sa décision au regard des dispositions de l'article 121-1-3, alinéa 1er, du Code pénal" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 405 de l'ancien Code pénal, 388, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques B... coupable d'escroquerie et Gilbert X... coupable de complicité d'escroquerie ;

"aux motifs qu'un simple mensonge, même produit par écrit, ne peut constituer une manoeuvre caractéristique du délit d'escroquerie, s'il ne s'y joint aucun fait extérieur ou acte matériel, aucune mise en scène ou intervention d'un tiers, destinés à lui donner force et crédit ; ainsi, la présentation de faux documents, assimilable à un simple mensonge écrit, constitue une manoeuvre frauduleuse dès lors qu'elle est associée à l'intervention de tiers de nature à leur donner force et crédit ; en l'espèce, la présentation par Jacques B... à la société Primagaz de certificats d'installation et de bulletins de déconsignation ne correspondant pas à des créances nées et réelles doit s'analyser en des prétentions mensongères et corroborées par l'intervention absolument involontaire des tiers qu'étaient les clients fictifs et imaginaires ; ces agissements ont persuadé la société Primagaz de l'existence d'un crédit inexistant et ont déterminé la remise des fonds, qu'ainsi, les manoeuvres frauduleuses de l'escroquerie sont caractérisées et Jacques B... savait que sans les manoeuvres frauduleuses relevées à sa charge, la société Primagaz ne lui aurait pas remis les fonds litigieux, ce qui caractérise sa mauvaise foi ; que Gilbert X..., qui a remis sciemment les faux documents qu'il avait établis, a ainsi permis la réalisation de l'escroquerie, la complicité est bien caractérisée à son encontre ;

"alors que les tribunaux correctionnels ne peuvent statuer légalement que sur les faits relevés par l'ordonnance ou la citation qui les a saisis et qu'en faisant état dans sa décision, en dehors de toute comparution volontaire du prévenu, de l'intervention de tiers, élément non compris dans la prévention, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs ;

"alors qu'il résulte des termes des articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que tout prévenu a droit d'être informé d'une manière détaillée de la nature et de la cause de la prévention dont il est l'objet et doit être mis en mesure de se défendre sur les divers chefs d'infraction qui lui sont imputés et que, dès lors, en faisant état de l'intervention de tiers, élément non visé dans le titre de poursuite, la cour d'appel a privé le demandeur du droit au procès équitable au sens de la Convention susvisée" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 405 de l'ancien Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques B... et Gilbert X... coupables d'escroquerie et de complicité d'escroquerie ;

"aux motifs qu'un simple mensonge, même produit par écrit, ne peut constituer une manoeuvre caractéristique du délit d'escroquerie, s'il ne s'y joint aucun fait extérieur ou acte matériel, aucune mise en scène ou intervention d'un tiers, destinés à lui donner force et crédit ; ainsi, la présentation de faux documents, assimilable à un simple mensonge écrit, constitue une manoeuvre frauduleuse dès lors qu'elle est associée à l'intervention de tiers de nature à leur donner force et crédit ; en l'espèce, la présentation par Jacques B... à la société Primagaz de certificats d'installation et de bulletins de déconsignation ne correspondant pas à des créances nées et réelles doit s'analyser en des prétentions mensongères et corroborées par l'intervention absolument involontaire des tiers qu'étaient les clients fictifs et imaginaires ; ces agissements ont persuadé la société Primagaz de l'existence d'un crédit inexistant et ont déterminé la remise des fonds, qu'ainsi les manoeuvres frauduleuses de l'escroquerie sont caractérisées et Jacques B... savait que sans les manoeuvres frauduleuses relevées à sa charge, la société Primagaz ne lui aurait pas remis les fonds litigieux, ce qui caractérise sa mauvaise foi ; que Gilbert X..., qui a remis sciemment les faux documents qu'il avait établis, a ainsi permis la réalisation de l'escroquerie, la complicité est bien caractérisée à son encontre ;

"alors que l'intervention de tiers n'est susceptible de corroborer le mensonge écrit émanant de l'escroc prétendu qu'autant qu'elle a un caractère extérieur par rapport à ce mensonge ; qu'il résulte des conclusions déposées par la partie civile sur lesquelles l'arrêt s'est fondé pour relever la circonstance de l'intervention de tiers que cette intervention prétendue ne résulte que des mentions des écrits mensongers émanant des prévenus et que, dès lors, en faisant état de ce que lesdits écrits mensongers étaient corroborés par l'intervention de tiers, l'arrêt attaqué a violé par fausse application les dispositions de l'article 405 de l'ancien Code pénal" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance et de contradiction et répondant aux articulations essentielles des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Roger conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-80760
Date de la décision : 10/11/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le quatrième moyen) JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Supplément d'information - Appréciation des juges du fond.


Références :

Code de procédure pénale 463 al. 1

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, 27 novembre 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 10 nov. 1999, pourvoi n°98-80760


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.80760
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