AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARON, les observations de la société civile professionnelle Le BRET et LAUGIER, et de Me BOUTHORS, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Y... Rita, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de BASTIA, en date du 9 décembre 1998, qui, dans l'information suivie contre Emilie X... du chef de faux en écritures et usage, infractions aux règles d'urbanisme, obtention indue d'un permis de construire, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 575, alinéa 2, 6 , et 593 du Code de procédure pénale, L. 480-4 du Code de l'urbanisme, 154-1 et 154-2 du Code pénal dans sa rédaction antérieure au 1er mars 1994, défaut et contradiction de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance entreprise ayant déclaré n'y avoir lieu à suivre contre Emile X... des chefs de faux et usage de faux ;
"aux motifs que si les documents produits devant la juridiction civile par Emile X..., tendant à inclure sa propriété dans le lotissement de Cala Rossa, présentent quelques inexactitudes, il n'est pas démontré que ces falsifications aient été commises par lui et qu'il ait eu conscience qu'il s'agissait de faux lorsqu'il en fit usage ; qu'en effet, les propriétaires du lotissement Messie, géographiquement enclavé dans le lotissement Cala Rossa, ont longtemps cru que leur lotissement avait fusionné avec le lotissement de Cala Rossa ; que le syndic de l'association des propriétaires de Cala Rossa affirmait n'avoir découvert qu'en 1991 que le lotissement Messie ne faisait pas partie intégrante de Cala Rossa ; que les services de l'Etat, en matière d'urbanisme, considèrent eux aussi que le lotissement Messie a été incorporé par le lotissement Cala Rossa ; que la bonne foi d'Emile X... apparaît établie ; que le plan prétendument falsifié est un document sur lequel ont été reportés pour les besoins d'une démonstration les contours d'une zone aedificandi ; qu'il n'est pas apporté la preuve que cet ajout soit non conforme aux limites de ladite zone, et il ne peut y avoir de faux en l'espèce ;
"alors, d'une part, que la chambre d'accusation n'a pu écarter l'existence du faux dûment alléguée par Rita Y..., en ce qui concerne la pièce n° 12, sans répondre à l'articulation essentielle du mémoire de celle-ci faisant ressortir que le titre de propriété d'Emile X... comportait aux pages 8 et 9 la photocopie du certificat d'urbanisme délivré le 8 janvier 1988 par la direction départementale de l'Equipement pour le lot n° 4 du lotissement Messie-Simon-Duranel, propriété d'Emile X..., et spécifiant que celui-ci devait se conformer aux dispositions réglementaires de ce lotissement pour tout projet de construction ; que l'arrêt attaqué, faute de répondre à ce chef précis de conclusions établissant qu'Emile X... avait nécessairement connaissance de l'application à son lot des règles spécifiques d'urbanisme régissant le lotissement Messie-Simon-Duranel, ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;
"alors, d'autre part, que les énonciations des arrêts des chambres d'accusation doivent permettre à la Cour de Cassation de s'assurer qu'il a été répondu aux chefs péremptoires des conclusions de la partie civile ; que la chambre d'accusation, saisie de conclusions de faux et d'usage de faux, en se bornant à relever que le plan prétendument falsifié est un document sur lequel ont été reportés pour les besoins d'une démonstration les contours d'une zone aedificandi et que la preuve n'a pas été apportée que cet ajout soit non conforme aux limites de ladite zone, ne permet pas à la Cour de Cassation de vérifier la validité des motifs apportés à l'incrimination de faux, faute de comparer les limites portées sur ce plan falsifié avec celles des plans réglementaires dûment publiés ;
que l'arrêt attaqué ne satisfait pas, dès lors, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 575, 2 , alinéas 5 et 6 , 593 du Code de procédure pénale, L. 480-4 du Code de l'urbanisme, 154-1 et 154-2 du Code pénal dans sa rédaction antérieure au 1er mars 1994, défaut et contradiction de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance entreprise ayant déclaré n'y avoir lieu à suivre contre Emile X... des chefs d'inobservation des dispositions du permis de construire et obtention indue de permis de construire et usage ;
"aux motifs qu'un jugement du tribunal administratif de Bastia du 2 novembre 1995 a débouté Rita Y... de sa requête en annulation du permis de construire accordé à Emile X... ; qu'une expertise judiciaire déposée le 17 janvier 1996 établit que la surface hors oeuvre nette de la construction d'Emile X... est de 243,81 m , selon l'expert ; que s'il est déduit la surface du local dit "remise matériel technique et de jardin", l'infraction au règlement du lotissement n'existe pas ; qu'un certificat de conformité en date du 12 avril 1996 a donc pu être délivré à Emile X... par le ministère de l'Urbanisme, la bonne foi de celui-ci étant totale et la preuve d'une infraction à la législation sur l'urbanisme n'étant pas rapportée ;
"alors, d'une part, que la chambre d'accusation a le devoir, lorsqu'elle statue sur l'appel d'une ordonnance de non-lieu, d'énoncer les faits de la poursuite et de motiver son arrêt sur les chefs d'inculpation visés dans la plainte de la partie civile ; que la chambre d'accusation, qui n'a donné aucune relation précise des différentes méconnaissances des règles d'urbanisme invoquées par Rita Y... à l'encontre d'Emile X... dans sa plainte du 28 janvier 1992 et se borne à déclarer que la preuve d'une infraction à la législation sur l'urbanisme n'est pas rapportée, ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle sur le rejet de la plainte opposé à la partie civile, et ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;
"alors, d'autre part, que la chambre d'accusation a l'obligation de statuer sur les différents chefs d'inculpation visés dans la plainte de la partie civile ; que l'arrêt attaqué ne pouvait, dès lors, confirmer l'ordonnance de non-lieu sans se prononcer sur les violations aux règles d'urbanisme prises du non-respect de l'implantation par la construction d'Emile X... dans la zone aedificandi réglementaire de son lot, des servitudes de prospect et de hauteur, ainsi que sur la méconnaissance des prescriptions du permis de construire résultant de la transformation de locaux annexes en locaux aménagés ;
"alors, enfin, que la chambre d'accusation a encore entaché sa décision d'une omission de statuer en n'examinant pas l'incrimination tenant à l'obtention indue d'un permis de construire, par la fourniture de renseignements inexacts par Emile X..., tenant cumulativement à l'indication d'une surface inexacte de son lot, à l'absence volontaire d'indication de la zone aedificandi du lot, de l'indication d'un coefficient d'emprise au sol de la construction inférieur au coefficient effectif et réel et de l'absence d'indication de la transformation de locaux annexes en locaux aménagés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre d'accusation, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis les délits reprochés, ni toute autre infraction ;
Que la demanderesse se borne à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre d'accusation en l'absence de recours du ministère public ;
Que, dès lors, les moyens sont irrecevables, et qu'il en est de même du pourvoi, par application du texte précité ;
Par ces motifs,
DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Caron conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Di Guardia ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;