La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/10/1999 | FRANCE | N°99-80351

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 octobre 1999, 99-80351


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MISTRAL, les observations de Me BOUTHORS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de GOUTTES ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Philippe,

contre l arrêt de la cour d appel de PARIS, 10ème chambre, en date du 8 décembre 1998, qui, pour provocation à l usage de stupéfiants

et présentation de ce délit sous un jour favorable, l a condamné à 30 000 francs d amen...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MISTRAL, les observations de Me BOUTHORS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de GOUTTES ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Philippe,

contre l arrêt de la cour d appel de PARIS, 10ème chambre, en date du 8 décembre 1998, qui, pour provocation à l usage de stupéfiants et présentation de ce délit sous un jour favorable, l a condamné à 30 000 francs d amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales, L. 630 du Code de la santé publique, 121-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, insuffisance et contradiction de motifs ;

" en ce que l arrêt confirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable de provocation à usage de stupéfiants et de présentation de l usage de stupéfiants sous un jour favorable ;

" aux motifs propres et adoptés que pouvait être poursuivie toute personne, quelle que soit sa fonction ou sa qualité, dont il était prouvé qu elle avait effectivement diffusé dans le public les tracts litigieux, soit en les distribuant elle-même, soit en favorisant ou en organisant la distribution (jugement p. 4 1) ; que Philippe X... avait déclaré devant les services de police être consommateur de cannabis et d ecstasy de manière occasionnelle, qu il avait adhéré dès 1990 à l association Act Up, dont il était président depuis septembre 1997 ; qu il avait reconnu être l un des rédacteurs du tract " j aime l ecstasy " motivé par la fermeture, en septembre 1997, de cinq établissements nocturnes pour trafic de stupéfiants ; qu il avait précisé que ce document avait été diffusé à environ 2 000 exemplaires dans une manifestation qui s était déroulée le 14 septembre 1997, rue de Rivoli, organisée par le syndicat national des entreprises gaies (SNEG) " à l occasion de laquelle nous avons distribué nos tracts " ; que Philippe X... avait reconnu également que les expressions contenues dans le tract, à savoir " j aime l ecstasy " et " nous sommes des consommateurs d ecstasy " avaient été utilisées en parfaite connaissance des dispositions de la loi de 1970 et en particulier de l article L. 630 du Code de la santé publique ; qu à l audience du tribunal, Philippe X... avait précisé qu il était au moment des faits " responsable de la rédaction des textes à Act Up ", et que l ensemble des militants s était mis d accord sur la rédaction de l imprimé et qu il en avait accepté le contenu et la diffusion en tant que militant ; qu il maintenait ses déclarations devant la Cour (arrêt p. 5 1 à 6) ; que la documentation établie par Act Up-Paris révélait qu à la date du 14 septembre 1997, Philippe X... était déjà responsable depuis plusieurs années du service " publication et édition " de cette association (jugement p. 4 4) ; que Philippe X..., même s il n
était pas effectivement président de l association Act Up à l époque où le tract avait été distribué, était depuis plusieurs années un membre actif de cette association, chargé de " la publication et de l édition " ; qu il avait d ailleurs reconnu être l un des rédacteurs du tract litigieux, et avait exposé que ce document avait été distribué en toute connaissance des dispositions réprimant la provocation à l usage de stupéfiants ; qu il était ainsi établi que le prévenu avait participé à l élaboration du texte incriminé en sachant qu il serait diffusé sur la voie publique ;

qu il en avait favorisé la distribution (arrêt p. 6 2 à 4) ;

" 1) alors, en premier lieu, que le prévenu contestait formellement, dans ses conclusions visées par le président et le greffier (p. 5), avoir eu la moindre responsabilité au sein de l association à la date de la diffusion du tract ; que la Cour ne pouvait, sans s expliquer sur cette contestation, déduire son hypothétique qualité de responsable de la rédaction et de l édition des textes, de ses prétendues déclarations devant le tribunal, et ce d autant moins que le tribunal s était fondé, non sur ses déclarations, mais sur les documents établis par Act Up en 1994, à une époque où le requérant était responsable de la rédaction, qualité qui n était plus la sienne au moment des faits visés dans la prévention ;

" 2) alors, en deuxième lieu, que la Cour s est contredite, en prétendant déduire la qualité de responsable de l édition du prévenu, de la documentation établie par Act Up-Paris, puisqu aucun des répertoires hebdomadaires publiés par l association entre le 1er juillet 1997 et le 2 décembre 1997 (pièces 28 à 45 produites par le conseil de Philippe X... devant les juges du fond) ne le mentionnait en qualité de responsable de la communication ou de la rédaction et de la publication des textes ;

" aux motifs propres et adoptés que le tract incriminé contenait une proclamation de principe, à savoir " j aime l ecstasy ", termes constituant à eux seuls une véritable apologie de ce stupéfiant, que l imprimé comportait également une mention dans laquelle les auteurs de ce texte s affirmaient être des consommateurs d ecstasy et précisaient " qu ils (étaient) là pour défendre leur plaisir " ; que la diffusion publique d un tel document, qui énonçait clairement que l usage d ecstasy procurait du plaisir et que ce plaisir était digne d être défendu, était de nature à légitimer chez les usagers d ecstasy leur toxicomanie, puis qu ils seraient alors en droit de défendre le plaisir qu ils tiraient prétendument de cette drogue, et à inciter les profanes à s initier à cette drogue, afin précisément d y découvrir ce plaisir encore inconnu pour eux, et caractérisait, en conséquence, l infraction visée à la prévention (arrêt p. 5 8, p. 6 1 et 5, jugement p. 3 6 et 7) ;

" 3) alors, en troisième lieu, que la cour ne pouvait considérer comme délictueux un document dont les termes, volontairement très outrés, se voulaient ostensiblement une provocation au débat, et nullement une provocation à l usage de stupéfiants ou une présentation favorable de leur usage ;

" et aux motifs que les dispositions de l article 10 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l homme ne pouvaient être invoquées par Philippe X..., ce texte prévoyant en effet un certain nombre de limites à l exercice de la liberté d expression, notamment lorsque cet exercice était susceptible de porter atteinte à la protection de la santé publique, ce qui était le cas en l espèce (arrêt p. 6 6) ;

" 4) alors, enfin, que la Cour ne pouvait se limiter à relever que la sanction pénale avait pour objet la protection de la santé, sans rechercher, comme l y invitait le prévenu (conclusions p. 6 et 7), si elle constituait une mesure nécessaire dans une société démocratique " ;

Attendu que, pour déclarer philippe X... coupable des infractions poursuivies, l arrêt attaqué relève qu'il a distribué sur la voie publique des tracts dont il a reconnu avoir été l'un des rédacteurs et dans lesquels était écrit notamment : " j'aime l'ecstasy ", " nous sommes des consommateurs d'ecstasy " et " nous sommes là pour défendre notre plaisir " ;

Que les juges retiennent encore que l'interdiction de la propagande en faveur de l'usage des stupéfiants, nécessaire pour la protection de la santé publique, est conforme à l'article 10. 2 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D où il suit que le moyen, inopérant en ce qu'il critique des motifs surabondants, doit être écarté ;

Et attendu que l arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Mistral conseiller rapporteur, MM. Roman, Grapinet, Blondet, Ruyssen, Mme Mazars, M. Le Corroller, Mme Koering-Joulin conseillers de la chambre, Mmes Ferrari, Agostini conseillers référendaires ;

Avocat général : M. de Gouttes ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-80351
Date de la décision : 26/10/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

SUBSTANCES VENENEUSES - Stupéfiants - Infractions à la législation - Provocation à l'usage - Eléments constitutifs.

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 10 - 2 - Formalités - conditions ou restrictions à l'exercice des libertés nécessaires dans une société démocratique - Provocation à l'usage de stupéfiants.


Références :

Code de la santé publique L630
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 10-2

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10ème chambre, 08 décembre 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 oct. 1999, pourvoi n°99-80351


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:99.80351
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award