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26/10/1999 | FRANCE | N°98-85316

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 octobre 1999, 98-85316


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROMAN, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN et de Me CHOUCROY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de GOUTTES ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- B... Christian, prévenu et partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel

de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 28 mai 1998, qui, dans la procédure s...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROMAN, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN et de Me CHOUCROY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de GOUTTES ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- B... Christian, prévenu et partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 28 mai 1998, qui, dans la procédure suivie notamment contre lui pour délit de violences et contre André GRIPPI pour contravention de violences, l'a condamné à 5 000 francs d'amende, avec dispense d'inscription de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 31, 32, 486, 510, 512 et 592 du Code de procédure pénale ainsi que 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

" en ce que l'arrêt attaqué mentionne que la Cour était composée de Mme X, président de chambre, Mme Y et M. Z, conseillers, M. A, ministère public, et J, greffier, tout en précisant que le président et les deux assesseurs ont participé à l'intégralité des débats sur le fond et au délibéré et que, conformément à l'article 485, dernier alinéa, du Code de procédure pénale, il a été lu par Mme Y en présence du ministère public ;

" alors que, d'une part, ces énonciations ne permettent pas de s'assurer que le ministère public et le greffier auraient été absents au moment du délibéré ;

" alors que, d'autre part, ces mentions révèlent que le greffier était absent à l'audience à laquelle l'arrêt a été prononcé " ;

Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, les mentions de l'arrêt mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel était composée conformément aux prescriptions de l'article 510 du Code de procédure pénale, que ni le ministère public ni le greffier n'ont assisté au délibéré et que le greffier était présent à chacune des audiences de la cause ;

Que, dès lors, le moyen manque en fait ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 51, 80, 86, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que, rejetant l'exception de nullité de la procédure suivie sur citation directe devant le tribunal correctionnel, l'arrêt attaqué a condamné un prévenu (Christian B..., le demandeur) à cinq mille francs d'amende du chef de violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours ainsi qu'à indemniser tant la partie civile que les organismes sociaux ;

" aux motifs que si le tribunal correctionnel de Gap avait été saisi par voie de citation directe le 20 février 1995 bien que, par plainte avec constitution de partie civile du 9 décembre 1994, la consignation ayant été effectuée le 22 décembre, André Grippi eût saisi le juge d'instruction, Christian B... ne pouvait soutenir que la juridiction de jugement ne pouvait être valablement saisie dès lors que l'information pénale précédemment sollicitée sur constitution de partie civile n'avait été suivie d'aucune suite judiciaire ; qu'à juste titre le premier juge avait donc rejeté l'exception de procédure soulevée ;

" alors que, à partir du moment où elle constatait que le juge d'instruction avait été définitivement saisi le 9 décembre 1994 d'une plainte avec constitution de partie civile, du chef de violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours pour les faits survenus le 15 août 1994, la cour d'appel devait en déduire qu'il avait l'obligation d'instruire sur les faits visés dans la plainte, sans que le ministère public pût ensuite poursuivre le demandeur, pour les mêmes faits, devant le tribunal correctionnel par voie de citation directe délivrée le 20 février 1995, et qu'ainsi la procédure suivie directement devant la juridiction de jugement était nulle ;

" alors que, en outre, la cour d'appel ne pouvait légalement se fonder sur la circonstance que l'information pénale sollicitée sur constitution de partie civile n'avait été suivie d'aucune suite judiciaire, dès lors qu'il ressortait des actes de la procédure que le magistrat instructeur avait, à tort, déclaré la plainte irrecevable pour l'unique raison que, postérieurement à celle-ci, le tribunal avait été saisi par voie de citation directe " ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 156 et suivants, 439, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, violation des droits de la défense ;

" en ce que l'arrêt attaqué, rejetant l'exception de nullité du rapport d'expertise, a condamné un prévenu (Christian B..., demandeur) à cinq mille francs d'amende du chef de violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours ainsi qu'à verser diverses indemnités tant à la partie civile qu'aux organismes sociaux ;

" aux motifs que, s'agissant d'une expertise médicale, la règle du contradictoire avait été parfaitement respectée par l'expert ;

qu'en effet, le docteur Bompar désigné par Christian B... pour le représenter avait assisté aux opérations d'expertise ; qu'en outre, son conseil avait été avisé régulièrement de la date et du lieu des opérations ; qu'au vu des courriers échangés par les conseils des parties, les premiers juges avaient à bon droit considéré que l'expertise s'était déroulée dans des conditions régulières et contradictoires ; qu'il ressortait des pièces du tribunal que l'expert avait été " inondé " de courriers de la part de Christian B... ou de son conseil à tel point qu'il avait dû en référer à M. le président du tribunal de Gap ; que l'expert avait répondu dans son rapport aux questions évoquées par le conseil de Christian B... ;

" alors que, à partir du moment où se trouvaient vigoureusement contestés tant les faits relatés par la partie civile que la réalité et l'étendue du préjudice allégué, ne justifie pas légalement sa décision la cour d'appel qui affirme que les opérations d'expertise judiciaire se sont déroulées contradictoirement, sans constater que le prévenu y aurait été personnellement convié et mis en demeure d'en discuter contradictoirement devant l'expert ;

" alors que, en outre, la cour d'appel a omis de répondre au chef péremptoire des conclusions du demandeur ayant fait valoir qu'à l'issue du premier accédit ayant eu lieu le 10 octrobre 1995, l'expert n'avait pas respecté son engagement de réunir les parties dès réception d'une attestation de l'employeur d'André Grippi, certifiant qu'il n'avait jamais eu d'arrêt de travail dans les cinq années ayant précédé les faits, ainsi que de l'électromyogramme qui devait être effectué par le docteur de Bischopp, cela pour leur permettre de prendre connaissance de ses conclusions définitives et pour recueillir leurs observatiosn avant le dépôt de son rapport " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il ne résulte ni des jugements rendus avant dire droit et sur le fond, ni des conclusions déposées, que le demandeur, qui a comparu devant le tribunal correctionnel, ait soulevé devant cette juridiction, avant toute défense au fond, les exceptions de nullité de la procédure devant la juridiction de jugement et de l'expertise médicale ;

Que, si la cour d'appel a cru, à tort, devoir y répondre, les moyens, qui reprennent ces exceptions devant la Cour de Cassation, sont irrecevables par application de l'article 385 du Code de procédure pénale ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 211-11 du Code pénal, 381, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que, rejetant l'exception d'incompétence du tribunal correctionnel, l'arrêt attaqué a condamné un prévenu (Christian B..., demandeur) à cinq mille francs d'amende, du chef de violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours ainsi qu'à verser diverses indemnités tant à la partie civile qu'aux organismes sociaux ;

" aux motifs qu'il résultait des pièces produites que l'incapacité de travail subie par André Grippi à la suite des coups avait été supérieure à huit jours ; qu'en effet, il avait été hospitalisé immédiatement après les faits, que le médecin du centre hospitalier de Gap avait constaté une diplégie sur traumatisme cervical avec hospitalisation de 15 jours, qu'en fait l'hopistalisation avait été de 8 jours et avait été suivie d'une incapacité totale de travail jusqu'au 21 octobre 1994 ; qu'à bon droit les premiers juges avaient donc retenu le demandeur dans les liens de la prévention en lui faisant par ailleurs une exacte application de la loi pénale (v. arrêt attaqué, p. 8, dernier attendu) ; que l'incapacité totale de travait avait été fixée par l'expert au vu de l'ensemble des documents médicaux à la période du 15 août 1994 au 6 octobre 1994 ; que la victime avait ensuite subi une incapacité totale partielle d'un mois, du 21 octobre au 21 novembre 1994 (v. arrêt attaqué, p. 9, alinéa 7) ;

" alors que le délit de violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours suppose que soit établie une incapacité personnelle de s'adonner à un travail quelconque ; qu'en se fondant sur le rapport d'expertise pour considérer que la victime aurait subi une incapacité totale de travail du 15 août au 21 octobre 1994, quand il ressortait tant de ses énonciations que des conclusions de l'expert que cette incapacité avait consisté en une hospitalisation de huit jours suivie seulement d'un arrêt de travail professionnel, ne constatant ainsi nullement une inaptitude personnelle de l'intéressé à effectuer un travail quelconque pendant plus de huit jours, la cour d'appel n'a pas caractérisé les éléments constitutifs de l'infraction reprochée ;

" alors que, en outre, la cour d'appel a délaissé les écritures du demandeur l'invitant à constater que les bulletins de salaire du plaignant ne mentionnaient aucun arrêt de travail, à l'exception de la période allant du 21 octobre au 21 novembre 1994 correspondant à un travail à temps partiel ;

" alors que, enfin, la cour d'appel ne s'est pas davantage expliquée sur le chef péremptoire des conclusions par lesquelles le demandeur objectait qu'il résultait des pièces qu'il versait aux débats (statuts, assemblée générale constitutive et lettre du préfet à l'association " Le Queyrel ") qu'André Grippi avait participé tant à l'élaboration des statuts d'une association dont il était l'un des responsables qu'à l'assemblée constitutive qui s'était tenue le 31 août 1994, ce dont il s'inférait que l'incapacité totale temporaire alléguée n'était pas réelle " ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 122-5, 122-7 et 222-11 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné un prévenu (Christian B..., demandeur) à cinq mille francs d'amende, du chef de violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours ainsi qu'à payer d'abord à la partie civile les somme de 57 200 francs à titre d'incapacité permanente partielle, 30 000 francs pour les souffrances endurées, 4 000 francs en réparation d'un préjudice esthétique et 10 000 francs pour préjudice d'agrément, ensuite la somme de 160 252, 97 francs à la CRAM du Sud-Est et celle de 58 225, 54 francs à la CPAM des Bouches-du-Rhône ;

" aux motifs que l'examen des auditions effectuées tant par la gendarmerie de Saint-Bonnet-en-Champsaur que dans le cadre du supplément d'information ordonné par le tribunal correctionnel permettait d'établir les faits dans leur réalité ; que devant la velléité manifeste de la famille Dusserre-Telmon de se rendre dans un bâtiment abritant le four banal, André Grippi aurait demandé à ses membres d'attendre un moment pour y pénétrer ;

que Christian B..., faisant fi de cette remarque, était monté au four tandis qu'il lui était précisé que le linge qui séchait allait être sali ; qu'une altercation verbale l'avait alors opposé à André puis à Raphaël Grippi ; qu'André Grippi s'était avancé vers lui, l'avait agrippé par les vêtements, lui avait donné un coup de poing et avait reçu aussitôt de Christian B... un coup de tête qui avait provoqué sa chute sur le sol ; que Raphaël Grippi était intervenu ensuite pour éloigner Christian B... et avait usé de violences sur Thierry Guerreau ; que les violences exercées de part et d'autre étaient suffisamment établies pour entrer en voie de condamnation ;

que Christian B... ne pouvait alléguer la légitime défense, dès lors que si les violences avaient bien eu lieu sur la voie publique, il avait dû pénétrer sur la propriété de la famille Grippi pour se rendre au four et que, s'il avait été agrippé par André Grippi, la riposte qu'il avait opposée avait été sans commune mesure avec le geste du premier qui était exaspéré par le comportement insolent de la famille Dusserre-Telmon ; que Christian B... sollicitait vainement un partage de responsabilité ; qu'il résultait des éléments de la procédure que lui et sa famille étaient à l'évidence à l'origine des faits délictueux ; que pour monter au four il avait bravé l'interdiction qui lui était faite par les propriétaires du terrain permettant l'accès à ce four ; que, plutôt que de se retirer, Christian B... avait manifestement recherché l'affrontement en montant délibérément au four ; que même si André Grippi avait porté des coups, la responsabilité du premier dans le dommage subi par le second était entière (v. arrêt attaqué, P. 5, in fine, P. 6, alinéas 1 à 5, et p. 8, attendus n° 2 et 3) ;

" alors que, d'une part, dans la mesure où il ressortait de ses énonciations que, agressé physiquement par André Grippi qui l'avait agrippé et lui avait administré un coup de poing, le demandeur s'était défendu en lui opposant seulement un coup de tête, la cour d'appel a méconnu ses propres constatations desquelles il se déduisait que la défense nécessaire pour repousser l'agression avait été proportionnée à celle-ci, lorsqu'elle a affirmé, sans s'expliquer autrement, que la riposte aurait été " sans commune mesure " avec " le geste " de l'agresseur ;

" alors que, en outre, la cour d'appel ne pouvait accorder à l'agresseur le bénéfice de l'excuse de provocation en retenant que l'attaque physique à laquelle il s'était livré était justifiée par le " comportement insolent " de la famille Dusserre-Telmon, dès lors que le nouveau Code pénal a supprimé toute excuse légale de provocation ;

" alors que, de surcroît, en retenant que l'agresssion était justifiée par le " comportement insolent " de la famille Dusserre-Telmon, sans constater que l'attaquant avait agi ainsi parce qu'il se serait cru en danger ou menacé, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision de dénier au demandeur le droit de se prévaloir de la légitime défense ;

" alors que, d'autre part, la cour d'appel ne pouvait exclure toute faute imputable à l'attaquant après avoir constaté qu'il avait le premier porté atteinte à l'intégrité physique du demandeur en lui donnant un coup de poing, sans qu'il résultât de ses énonciations qu'il avait agi ainsi parce qu'il se serait cru menacé ou en danger " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Roman conseiller rapporteur, M. Grapinet conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. de Gouttes ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-85316
Date de la décision : 26/10/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, 28 mai 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 oct. 1999, pourvoi n°98-85316


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.85316
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