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20/10/1999 | FRANCE | N°97-42820

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 octobre 1999, 97-42820


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Pomona, société anonyme, dont le siège est ..., succursale rue Jeanne d'Arc, BP. 88, 52103 Saint-Dizier,

en cassation de l'arrêt rendu le 8 avril 1997 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), au profit de M. Roger X..., demeurant ...,

défendeur à la cassation ;

M. X... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 7 juillet 1999, où étaient présents : M. Carmet, con

seiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Frouin, conseiller référendaire rapporte...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Pomona, société anonyme, dont le siège est ..., succursale rue Jeanne d'Arc, BP. 88, 52103 Saint-Dizier,

en cassation de l'arrêt rendu le 8 avril 1997 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), au profit de M. Roger X..., demeurant ...,

défendeur à la cassation ;

M. X... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 7 juillet 1999, où étaient présents : M. Carmet, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Frouin, conseiller référendaire rapporteur, MM. Ransac, Chagny, conseillers, M. Kehrig, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Frouin, conseiller référendaire, les observations de Me Luc-Thaler, avocat de la société Pomona, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que M. X... a été embauché le 2 novembre 1973 en qualité de chauffeur-encaisseur-livreur par la société Pomona ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale le 22 mai 1995 de diverses demandes de rappels de salaires et indemnités ; qu'ayant été licencié pour faute lourde le 13 décembre 1995 pour avoir participé à des faits de grève, il a ajouté à ses demandes une demande en contestation de la validité de son licenciement et en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal formé par l'employeur :

Attendu que la société Pomona fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir considéré que le licenciement était abusif alors, selon le moyen, d une part, que la décision de l autorité administrative, statuant sur la demande d autorisation de licenciement d un représentant du personnel, n a d autorité qu en ce qui concerne ces salariés et ne s impose pas au juge judiciaire appelé à se prononcer sur le comportement des salariés non protégés ; qu en se fondant, pour écarter la faute lourde retenue par l employeur à l encontre de M. X..., sur la décision prise par l inspecteur du travail saisi d une demande d autorisation de licenciement d un salarié protégé, la cour d appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs posé par la loi des 16 et 24 août 1790 et l article L. 521-1 du Code du travail ; alors, d autre part, que pour écarter l existence de la faute lourde, la cour d appel, qui s est fondée sur le fait que la sortie arrière de l entrepôt, dont elle constatait qu elle avait été bloquée par le véhicule personnel de M. X..., n aurait constitué qu un passage secondaire rarement utilisé par les chauffeurs, tout en relevant par ailleurs que l accès principal de l entrepôt avait été bloqué par d autres grévistes participant à l action, ce dont il résultait nécessairement que l obstruction de la sortie arrière devenait indispensable pour interdire la sortie des camions de livraison de l entrepôt, objectif recherché par les grévistes, a privé la décision attaquée de toute base légale au regard de l article L. 521-1 du Code du travail ; alors, d autre part, que sauf détournement, non allégué en l espèce, l employeur peut, dans l

exercice de son pouvoir d individualisation des mesures disciplinaires et dans l intérêt de l entreprise, sanctionner différemment des salariés qui ont participé à une même faute ; qu en se bornant à relever que d autres grévistes qui avaient participé à l action n avaient pas fait l objet de poursuites disciplinaires, la cour d appel qui n a - par cette seule constatation - caractérisé aucun détournement de pouvoir, a violé les articles L. 122-45 et L. 521-1 du Code du travail ; alors, de quatrième part, que même si les salariés non grévistes ne se voient pas interdire l accès aux locaux de travail, constitue cependant une faute lourde le fait, pour un salarié, d avoir personnellement participé à la fermeture des accès de l usine, en faisant ainsi obstacle à toute entrée ou sortie de camions et entraînant la désorganisation de l entreprise ; qu en refusant de qualifier les faits reprochés à monsieur X... de faute lourde, la cour d appel a donc violé l article L. 521-1 du Code du travail ; alors, de cinquième part, que la faute lourde commise par un salarié gréviste n a pas nécessairement pour conséquence un dommage subi par l employeur, qu en considérant qu aucune faute lourde ne pouvait être reprochée à M. X... du fait que l employeur n aurait pas établi la réalité du préjudice financier généré directement par l action de blocage des camions, la cour d appel a, de nouveau, violé les dispositions de l article L. 521-1 du Code du travail ; alors enfin, et en tout état de cause, que la société Pomona se prévalait dans ses écritures d un certificat de saisie de poissons périmés établi par le service vétérinaire d hygiène alimentaire, duquel il résultait que, du fait de l impossibilité dans laquelle elle s était trouvée de faire librement circuler ces camions permettant la livraison de ces denrées périssables, elle avait subi un préjudice évalué à environ 150 000 francs, conséquence de la saisie par les services vétérinaires du lot de poissons et de la perte de chiffre d affaires lié à l impossibilité de livrer les clients qui avaient passé les commandes ; qu en considérant que la société Pomona n aurait pas établi la réalité du préjudice financier dont elle avait été victime, tout en reconnaissant l existence du procès-verbal de saisie de poissons périmés en date du 13 décembre 1993, la cour d appel a donc privé l arrêt attaqué de toute base légale au regard de l article L. 521-1 du Code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé, au vu des éléments d'appréciation qui lui étaient soumis, que la sortie arrière de l'entrepôt dont le salarié avait bloqué le passage n'était jamais empruntée par les chauffeurs, qu'il n'était pas justifié que l'accès aux locaux de travail avait été rendu impossible aux salariés non grévistes ou que le blocage de la sortie arrière avait donné lieu en la circonstance à des problèmes, et que le préjudice allégué par l'employeur à raison de l'action de blocage n'était pas établi, la cour d'appel a pu décider, abstraction faite du motif surabondant critiqué par le troisième grief du moyen, que le salarié n'avait pas commis de faute lourde ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal formé par l'employeur :

Attendu que la société Pomona fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... une somme à titre de rappel de primes d'ancienneté alors, selon le moyen, d'une part, que dès l instant où la prime d ancienneté n était pas supprimée mais, comme l avait rappelé la direction de la société Pomona devant le comité d établissement le 28 janvier 1993, simplement intégrée dans la base brute du salaire dans la limite de 6 %, l employeur n avait donc pas à suivre une quelconque procédure de dénonciation d un usage non supprimé ; qu en statuant ainsi, la cour d appel a donc violé l article L. 132-8 du Code du travail ; alors, d autre part, que la société Pomona faisait valoir, en versant plusieurs pièces et documents aux débats, que l intégration de la prime d ancienneté dans le salaire de base était intervenue le 17 juin 1989 lorsque, comme l a expressément constaté la cour d appel, l employeur avait régulièrement dénoncé plusieurs avantages, notamment en matière de prime de vacances ; qu en ne s expliquant pas sur ces circonstances, desquelles il résultait que la modification du mode de versement de la prime d ancienneté était intervenue à la faveur de la dénonciation régulière d usages salariaux, la cour d appel a privé la décision attaquée de toute base légale au regard des dispositions de l article L. 132-8 du Code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la prime d'ancienneté versée aux salariés en vertu d'un usage avait été intégrée dans le salaire des intéressés au titre d'une augmentation de salaire, ce qui revenait à la supprimer, la cour d'appel qui a exactement retenu qu'il ne pouvait être mis fin à l'usage que par une dénonciation régulière et qui a constaté que les règles relatives à la dénonciation des usages n'avaient pas été respectées, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi incident formé par le salarié :

Attendu que M. X... fait lui-même grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en paiement de sommes à titre de prime de nuit et de prime casse-croûte qui n'ont plus été payées par l'employeur à partir du 1er janvier 1995 alors, selon le moyen, d'une part, qu'il est clairement établi au regard des bulletins de paie de M. X... et non contesté par la société Pomona qui invoque une modification des horaires, que les heures de nuit et la prime relative aux casse-croûte ont été rémunérées sous forme d'une prime forfaitaire qui était versée mensuellement et qui tenait compte uniquement des nuits travaillées quel que soit le nombre d'heures travaillées ; alors, d'autre part, que l'argumentation de la société Pomona qui prétend en fait que la suppression de cet usage repose sur une modification d'horaires du personnel pour être agréable aux clients n'est établie par aucun document ;

Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a estimé qu'il n'était pas justifié du paiement par la société Pomona avant le 1er janvier 1995 à titre de primes de nuit ou de prime casse-croûte de sommes autres que celles dues en vertu de la convention collective applicable qui ont continuées à être payées après cette date ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal formé par l'employeur :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que, pour condamner la société Pomona à payer à M. X... une somme à titre d'indemnité compensatrice de repos compensateur, la cour d'appel énonce qu'il sera également fait droit aux demandes de repos compensateur calculées sur les bases chiffrées fournies par l'employeur et que ce dernier n'a plus payé à compter du 1er avril 1994 ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société qui faisait valoir qu'en vertu de la convention collective applicable, les temps d'attente n'étaient pas décomptés pour le calcul des heures dues au titre du repos compensateur, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur le premier moyen du pourvoi incident formé par le salarié :

Vu les règles relatives à la dénonciation des usages ;

Attendu que, pour débouter M. X... de sa demande en paiement de sommes à titre de primes de vacances et des congés payés afférents, la cour d'appel retient que c'est à bon droit que la société Pomona soutient qu'elle pouvait appliquer au personnel de Saint-Dizier la même grille de salaires et le même mode de rémunération qu'à Reims où les avantages avaient été dénoncés de façon régulière le 17 juin 1989 ;

Qu'en statuant ainsi, sans vérifier si le personnel du site de Saint-Dizier était rattaché à l'établissement de Reims, faute de quoi la dénonciation d'usages au sein de cet établissement ne pouvait lui être opposable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS,

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne la prime de vacances et les congés payés afférents, ainsi que la demande à titre d'indemnité compensatrice de repos compensateur, l'arrêt rendu le 8 avril 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 97-42820
Date de la décision : 20/10/1999
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon (chambre sociale), 08 avril 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 oct. 1999, pourvoi n°97-42820


Composition du Tribunal
Président : Président : M. CARMET conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.42820
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