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21/09/1999 | FRANCE | N°98-87020

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 septembre 1999, 98-87020


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un septembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de Me de NERVO et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de GOUTTES ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Yves,
- C... Alexandre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème

chambre, en date du 21 octobre 1998, qui les a condamnés, le premier, pour c...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un septembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de Me de NERVO et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de GOUTTES ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Yves,
- C... Alexandre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 21 octobre 1998, qui les a condamnés, le premier, pour complicité de corruption, à 3 ans d'emprisonnement dont 30 mois avec sursis et 150 000 francs d'amende, le second, pour corruption, à 3 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis et 300 000 francs d'amende, a prononcé à leur encontre l'interdiction des droits civiques pour une durée de 5 ans et a statué sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires ampliatifs produits ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Yves X..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 485, 486, 512, 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué mentionne que la Cour était composée, lors des débats et du délibéré, de M. Charvet, président, et de MM. Deletang et Legars-Stone, conseillers, et que l'arrêt a été " prononcé par l'un des magistrats ayant participé aux débats et au délibéré " ;
" alors qu'il résulte des dispositions combinées des articles 485, 486 et 512 du Code de procédure pénale que la minute du jugement ou de l'arrêt mentionne le nom des magistrats qui l'ont rendu ou, s'il est rendu par un seul des magistrats ayant concouru à la décision, le nom de ce magistrat ; qu'en l'absence d'une telle mention, la Cour de Cassation n'est pas en mesure de s'assurer que la décision a été rendue conformément à la loi " ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Alexandre C..., pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 485, 512, 591 à 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué (page 4) mentionne simplement qu'il a été prononcé " par l'un des magistrats ayant participé au délibéré " ;
" alors que cette mention générique, susceptible de figurer dans n'importe quelle décision, ne permet pas de connaître l'identité du magistrat qui a lu la décision et ne permet donc pas au juge de cassation de constater que le prononcé de la décision a eu lieu conformément à la loi " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, la mention critiquée suffit à établir que, lors du prononcé de l'arrêt, il a été fait régulièrement application de l'article 485, alinéa 4, du Code de procédure pénale ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour Alexandre C..., pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 177 de l'ancien Code pénal, des articles 112-1 et 432-11 du nouveau Code pénal, des articles 591 à 593 du Code de procédure pénale, insuffisance et contradiction de motifs ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Alexandre C... " coupable de corruption passive : acceptation, sollicitation d'avantage par chargé de service public, de 1989 à 1991, infraction prévue par l'article 432-11, 1 du Code pénal et réprimée par l'article 432-11 du Code pénal " ;
" aux motifs que la corruption passive est le fait, pour un dépositaire de l'autorité publique, de solliciter ou d'agréer, sans droit, directement ou indirectement, des offres ou des dons pour accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ; qu'au regard de ces éléments, il n'est pas contesté qu'Alexandre C... était dépositaire de l'autorité publique et qu'en accordant un dégrèvement, il exerçait une des attributions de sa fonction, ayant conservé les attributions fiscales dans sa fonction de président du conseil de gouvernement ; que la question est donc de savoir s'il y a eu acceptation d'offre et dans quelles conditions ; que la clinique Cardella s'est vu notifier le 3 novembre 1989 un redressement fiscal de 168 millions de CFP ; que, le 8 décembre, elle a fait une demande de dégrèvement et ne s'est finalement vu réclamer que 86 millions de francs CFP (33 le 11 décembre 1989 et 52, 9 le 4 mai 1990) ;
qu'entre-temps, 20 millions de francs CFP sont sortis des comptes pour être versés par le docteur F... à M. G... Woa, afin d'" arranger " les choses ; que le lien entre ce versement et le dégrèvement résulte des déclarations du docteur F... et des inspecteurs H... et Y... ; qu'on ne voit pas pourquoi les responsables de la clinique Cardella, alors en situation difficile, aurait consenti la sortie d'une telle somme sans en attendre quelque avantage ; qu'il y a bien eu versement d'argent en relation avec le dégrèvement et la question est effectivement d'en fixer la date et les protagonistes ; que si la demande de transaction est datée du 8 décembre, la décision du président C... n'est pas datée ; que, pour la première fois en appel, Yves X... indique que l'accord du président C... était acquis avant le courrier du 8 décembre ;
que cela est contraire aux précédentes déclarations de ce prévenu ;
qu'en réalité, le dégrèvement n'a été connu que bien plus tard, au mois de mars ; que la décision n'a été exécutée que le 4 mai 1990 par l'envoi des rôles de perception ; qu'entre-temps, il y a eu mise en place de l'opération de corruption (intervention de Lai Woa, création des bons de caisse, achat d'une propriété par Alexandre C...) ;
que les premiers juges ont justement remarqué que les déclarations des témoins avaient pu être recoupées par les enquêteurs ; que le rapprochement de ces événements permet de considérer comme établi que la période entre le 8 décembre 1989 et le 4 mai 1990 a été mise à profit pour s'assurer de la récupération des 20 millions de francs CFP, retardée par le décès de Lai Woa et la reprise de ses affaires par son fils ; que c'est finalement quand tout a été acquis que M. H... s'est vu remettre la preuve de la décision de dégrèvement ; que l'imputation des faits à Alexandre C... s'induit de plusieurs éléments : "- Yves X... est celui qui a présenté le dossier à Alexandre C..., qui est le seul qui avait le pouvoir de décision, eu égard à l'importance de l'opération ;
"- les dépositions mettent en cause Alexandre C... et cette mise en cause est confirmée par le propos d'Yves X... sur les propos tenus lors de la scène du 24 octobre 1990 ; que cette déclaration a toujours été maintenue et qu'elle est cohérente avec les déclarations faites le même jour par Yves X... selon lesquelles un bon avait été encaissé ;
"- la mise en cause d'Alexandre C... résulte également des dépositions du couple Z..., qu'il n'est pas vraisemblable d'attribuer à une manoeuvre ; on relèvera que le bon a été encaissé le 29 mai 1991, alors que l'enquête Marmain a été lancée le 28 ;
"- il convient également de rapprocher les dates de sortie d'argent de la clinique, de l'établissement des bons et de versement de 10 millions de francs CFP en liquide par M. I..., le vendeur du terrain de Mooréa ;
" que tout ceci s'inscrit dans un contexte fait d'éléments objectifs qui ont été décrits ; qu'il est possible qu'aient existé d'autres querelles, professionnelles ou maçonniques, mais que l'ensemble des éléments énoncés permettent à la Cour de retenir la culpabilité des prévenus ;
" 1) alors que le délit de corruption passive suppose que, antérieurement à la décision litigieuse, le corrupteur bénéficiaire ait sollicité directement ou indirectement le corrompu ou ait accepté les propositions de ce dernier ; que la cour d'appel a elle-même admis que la décision d'Alexandre C..., à supposer qu'il l'eût prise, ne pouvait être datée ; qu'elle n'a cité aucun élément permettant de savoir si le corrupteur ou un intermédiaire avait fait une proposition à Alexandre C... et à quel moment ; qu'elle n'a donc pas caractérisé l'existence d'un accord entre le corrompu et le corrupteur, antérieurement à la prise de décision litigieuse ; qu'elle ne pouvait prétendre pallier cette totale insuffisance de constatation des éléments essentiels du délit par une affirmation globale de son sentiment de conviction de la culpabilité de ce prévenu ;
" 2) alors que la cour d'appel ne pouvait dire que les déclarations de MM. H..., Y..., E... et A..., celles du couple Z... " mettaient en cause Alexandre C... " (arrêt page 15), sans même indiquer en quoi consistaient ces " mises en cause " ; que la cour d'appel, du fait de ce défaut d'analyse des documents sur lesquels elle prétendait s'appuyer, a insuffisamment motivé sa décision ;
" 3) alors que la cour d'appel ne pouvait affirmer que les déclarations d'Yves X... n'avaient jamais été contredites (arrêt page 15), tout en rappelant elle-même (arrêt page 14, avant dernier alinéa) qu'Yves X... était précisément revenu sur ses déclarations ; que l'arrêt est ainsi entaché d'une contradiction de motifs manifeste ;
" 4) alors que, dans son mémoire devant la cour d'appel (page 13), Alexandre C... avait rappelé très justement que les époux Z... avaient fait des déclarations successives qui étaient parfaitement contradictoires ; que la cour d'appel n'a pas répondu à cette articulation essentielle du mémoire et a prétendu se fonder sur " les dépositions du couple Z... ", sans expliquer de quelles déclarations il s'agissait et quel pouvait être leur contenu " ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Yves X..., pris de la violation des articles 60 et 177 ancien du Code pénal, en vigueur au moment des faits, 121-6, 121-7 et 432-11 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Yves X... coupable de complicité du délit de corruption passive commis par Alexandre C... et, en répression, l'a condamné à la peine de trois ans d'emprisonnement dont 30 mois avec sursis ;
" aux motifs que la question est de savoir s'il y a eu acceptation d'offres ou de dons et dans quelles conditions ; que la Cour observe que la clinique Cardella s'est vu notifier le 3 novembre 1989 un redressement fiscal de 168 MFP ; que, le 8 décembre, elle a fait une demande de dégrèvement et elle ne s'est finalement vu réclamer que 86 MFP le 4 mai 1990 ; qu'entre-temps ce sont 20 MFP qui sont sortis de ses comptes pour être versés par le docteur F... à Lai afin d'" arranger les choses " ; que le lien entre ce versement et le dégrèvement résulte des déclarations du docteur F... et des inspecteurs H... et Y... ; qu'il y a bien eu versement d'argent en relation avec le dégrèvement et la question est effectivement d'en fixer la date et les protagonistes ; que la Cour relève que si la lettre de demande de transaction des responsables de la clinique Cardella est datée du 8 décembre, la décision de dégrèvement du président C... n'est pas datée ; qu'en réalité, ce dégrèvement n'a été connu que bien plus tard, le premier à en faire état est M. H... qui en a reçu une copie au mois de mars et c'est au mois de mai seulement que, par l'envoi des rôles de perception, la décision du président C... reçoit son exécution ;
qu'entre-temps, il y a eu la mise en place d'une opération de corruption (intervention de Lai Woa, création des bons de caisse, achat d'une propriété par Alexandre C...) ;
" alors que l'agrément ou la sollicitation d'avantages, par une personne dépositaire de l'autorité publique, n'est punissable qu'autant qu'il intervient à titre de contrepartie d'un acte de sa fonction en exécution d'un accord de volontés entre le corrupteur et le corrompu ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué, qui constate que la décision de dégrèvement par Alexandre C... n'était pas datée, et qui ne relève aucun contact entre Alexandre C... et le corrupteur actif ou un intermédiaire, n'a pas caractérisé l'existence d'un pacte de corruption au sens de l'article 432-11 du Code pénal ;
que, dès lors, faute de fait principal punissable, la déclaration de culpabilité d'Yves X... du chef de complicité n'est pas légalement justifiée " ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Yves X..., pris de la violation des articles 60 et 177 ancien du Code pénal, en vigueur au moment des faits, 121-6, 121-7 et 432-11 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Yves X... coupable de complicité du délit de corruption passive commis par Alexandre C... et, en répression, l'a condamné à la peine de trois ans d'emprisonnement dont 30 mois avec sursis ;
" aux motifs qu'Yves X... est celui qui a présenté le dossier à Alexandre C... qui est le seul qui avait le pouvoir de décision eu égard à l'importance de l'opération ; que les dépositions de MM. H..., Y..., D... et B... mettent directement en cause Yves X... comme complice ;
" qu'Alexandre C... et Yves X... se sont bien gardés de parler à qui que ce soit de cette affaire Cardella alors qu'ils soutiennent actuellement qu'il s'agissait d'une décision parfaitement régulière et opportune ;
" et aux motifs adoptés qu'Yves X... a joué un rôle déterminant dans l'enchaînement des faits de corruption ; qu'il est établi qu'il a exposé aux responsables de la clinique l'existence de la procédure de remise gracieuse fin novembre 1989, qu'il a, à la même époque, évoqué devant le contrôleur A... le système et le fonctionnement des bons de caisse anonymes, qu'il a de manière hâtive et sans respecter la procédure de remise gracieuse présenté le 8 décembre 1989 à la signature d'Alexandre C... la demande de dégrèvement pour un montant de 86 MFP à la fin de l'année 1989, que la remise n'était pas justifiée et qu'il avait conscience du caractère irrégulier de cette décision puisqu'il ne l'a jamais fait figurer dans le dossier fiscal de la clinique classé au service, qu'il a évoqué avec M. H... le caractère non gratuit de la transaction ;
" alors, d'une part, que la complicité par aide ou assistance suppose que soient constatés à la charge du complice des actes positifs d'aide ou assistance ; qu'en l'espèce, les juges du fond se sont bornés à relever que le prévenu était informé du prétendu pacte de corruption et qu'il l'avait évoqué à plusieurs reprises devant diverses personnes sans constater aucun fait positif d'aide ou d'assistance ; que, dès lors, l'arrêt attaqué se trouve privé de toute base légale au regard de l'article 121-7 du Code pénal ;
" alors, d'autre part, que, dans ses conclusions, le prévenu faisait valoir qu'au regard des dispositions du Code des impôts directs applicable en Polynésie, la procédure de traitement de la demande de dégrèvement de la clinique Cardella était régulière et que la décision de dégrèvement était fondée ; qu'en omettant de se prononcer sur ce point, la cour d'appel, qui s'est bornée à énoncer que le prévenu s'était " bien gardé de parler à qui que ce soit de cette affaire ", a privé sa décision de motifs " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué, incomplètement reprises aux moyens, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions qui lui étaient soumises, caractérisé en tous leurs éléments constitutifs le délit de corruption reproché à Alexandre C... et la complicité de ce délit reprochée à Yves X... ;
D'où il suit que les moyens, qui reviennent à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne peuvent être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, siégeant dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Desportes conseiller rapporteur, M. Milleville conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. de Gouttes ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-87020
Date de la décision : 21/09/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11ème chambre, 21 octobre 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 sep. 1999, pourvoi n°98-87020


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.87020
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