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21/09/1999 | FRANCE | N°98-82621

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 septembre 1999, 98-82621


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un septembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN, avocats en la Cour, et les conclusions de l'avocat général de GOUTTES ; Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Amédée, contre l'arrêt de la cour d'appel de BASSE-TERRE, chambre correctionnelle,

en date du 10 février 1998, qui, dans la procédure suivie contre lui d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un septembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN, avocats en la Cour, et les conclusions de l'avocat général de GOUTTES ; Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Amédée, contre l'arrêt de la cour d'appel de BASSE-TERRE, chambre correctionnelle, en date du 10 février 1998, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de diffamation publique envers un particulier sur plainte de la société Z... condamné à 10 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, 35 et 55 de la loi du 29 juillet 1881, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu du chef de diffamation ;

" aux motifs que les propos incriminés quant au lourd endettement de la SNAG ne suffisent pas à caractériser le délit de diffamation, mais le fait d'affirmer que : " la manière dont les dirigeants de Z... mènent Z... la mène à la faillite " est susceptible de provoquer une suspicion de la part des auditeurs et en tout cas de discréditer dans leur esprit ces mêmes dirigeants ; ces propos, dont il se déduit implicitement que les dirigeants de la S... sont, sinon malhonnêtes, en tout cas incompétents et incapables de faire prospérer leur entreprise, ne sont étayés par aucune des pièces produites par le prévenu, même si celles-ci tendent à démontrer l'ampleur de l'endettement de la S... ; qu'ils constituent, dès lors, une allégation de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération de X..., président du conseil d'administration de la S..., de sorte que le délit de diffamation est matériellement caractérisé ;

" alors, d'une part, que l'arrêt attaqué constate que le prévenu a rapporté la preuve de l'existence d'une décision de justice définitive ordonnant l'expulsion de la S... du principal aéroport de la Guadeloupe, celle d'un lourd endettement et celle enfin de l'invitation faite aux clients de la S... de libeller leurs chèques au nom d'une autre société ; que l'arrêt attaqué ne pouvait, dès lors, se borner à affirmer que l'affirmation prétendument diffamatoire selon laquelle " la manière dont les dirigeants de Z... mènent Z... la mène à la faillite " n'est étayée par aucune des pièces produites par le prévenu, sans exposer en quoi les faits établis n'étaient pas en corrélation avec les imputations jugées diffamatoires ; que l'arrêt attaqué manque ainsi de base légale ;

" et alors, d'autre part et au surplus, que les faits établis par le prévenu démontraient que, face au lourd endettement de la S... et à la mesure d'expulsion de l'aéroport dont elle faisait l'objet, les dirigeants avaient pris pour mesure d'inviter les clients de cette société à libeller leurs chèques à l'ordre d'une autre société ; qu'ils étaient ainsi en parfaite corrélation avec l'affirmation que les dirigeants de la S... la menaient à la faillite " ;

Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite de la déclaration le 24 février 1997, sur les ondes de Radio Caraïbes Internationales, d'Amédée Adélaïde, président de la chambre de commerce de Pointe-à-Pitre, affirmant notamment " Je considère que la manière dont les dirigeants de Z... mènent Z... la mène à la faillite " et faisant état d'une affiche apposée dans les aéroports invitant les passagers à libeller leurs chèques à l'ordre d'Air Saint-Martin précisant " ce qui n'est manifestement pas une relation normale pour une entreprise normale ", la société Nouvelle et son président X... ont cité le prévenu devant la juridiction correctionnelle du chef de diffamation envers un particulier ; qu'Amédée Adélaïde a conformément aux dispositions des articles 35 et 55 de la loi du 29 juillet 1881 signifié une offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires à laquelle la partie civile a répondu par une offre de preuve contraire ;

Attendu que, après avoir rejeté l'offre de preuve contraire, les juges d'appel, analysant les pièces produites au titre de l'offre de preuve par le prévenu, énoncent par motifs propres ou adoptés que ce dernier n'avait pas rapporté la preuve des faits imputés à la plaignante ; que cette preuve qui, pour produire ses effets, doit être parfaite, complète et corrélative aux imputations formulées, tant dans leur matérialité que dans leur portée et dans leur signification diffamatoire, ne répondait pas, en l'espèce, à ces exigences ; que les juges retiennent que le fait pour une entreprise de se trouver dans une situation financière difficile n'implique pas une faillite ineluctable ; qu'enfin ils ajoutent que si les chèques destinés à Z... était bien libellés à l'ordre de Air Saint-Martin, une telle pratique ne s'effectuait pas de manière frauduleuse comme l'insinuait le propos litigieux mais s'inscrivait dans le cadre d'un accord de trafic aérien passé entre les deux compagnies permettant à l'une de vendre les titres de transport de l'autre ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 29 et 35 bis de la loi du 29 septembre 1881, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de diffamation ;

" aux motifs qu'Amédée Adélaïde ne peut valablement arguer de sa bonne foi, ne serait-ce qu'en raison de la fonction de président de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Pointe-à-Pitre qu'il exerçait à l'époque des faits incriminés ou de sa position de partenaire de la S... et de ses dirigeants, fonction et position qui ne pouvaient que l'inciter à faire preuve de modération et de prudence dans l'expression de ses propos ;

" alors que la bonne foi peut être reconnue au prévenu qui a disposé, au moment où il a tenu les propos, d'éléments suffisants pour croire à la vérité de ses attaques ; que l'arrêt attaqué, qui n'expose pas en quoi les propos tenus par le prévenu manquaient de prudence, et qui ne recherche même pas si, au vu des faits dont il a rapporté la preuve et des éléments invoqués dans ses conclusions, il ne disposait pas, comme il le faisait valoir dans ses conclusions d'appel, d'éléments suffisants pour croire à la vérité de ses attaques, n'est pas suffisamment motivé et manque de base légale " ;

Attendu que, pour refuser au prévenu le bénéfice du fait justificatif de bonne foi, l'arrêt attaqué énonce que sa fonction de président de la chambre de commerce de Pointe-à-Pitre et de partenaire de la société Nouvelle Z... et de ses dirigeants aurait dû l'inciter à plus de modération et de prudence dans l'expression de ses propos ;

Qu'en l'état de ces énonciations concernant des éléments de fait relevant de son pouvoir souverain d'appréciation, la cour d'appel qui n'avait pas à rechercher si le prévenu pouvait légitimement croire en l'exactitude des faits litigieux, dès lors que cette croyance n'est pas de nature à caractériser la bonne foi, a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, 48 de la loi du 29 juillet 1881, 2, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Amédée Adélaïde du chef de diffamation, l'a déclaré responsable du préjudice subi par la société Nouvelle Z..., l'a condamné à payer des dommages et intérêts à X..., ès qualités de président-directeur général de la S..., et a rejeté la constitution de partie civile à titre personnel de X... ;

" aux motifs que les propos incriminés constituent une allégation de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération de X..., président du conseil d'administration de la S..., de sorte que le délit de diffamation est matériellement caractérisé ; que les premiers juges ont fait une parfaite appréciation du préjudice subi par X..., président du conseil d'administration de la S... et victime, en cette qualité, des propos diffamatoires du prévenu, et rejeté tout aussi justement la constitution de partie civile de X... à titre personnel ;

" alors que, l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 subordonnant la poursuite en diffamation à la plainte de la victime, aucune condamnation ne peut être prononcée pour une diffamation à l'encontre d'une personne dont la plainte est rejetée ; que l'arrêt attaqué, qui rejette la constitution de partie civile de X..., ne pouvait dès lors retenir que la diffamation était caractérisée comme portant atteinte à l'honneur et à la considération personnels de ce dernier, fut-ce en sa qualité de président du conseil d'administration de la S... " ;

Attendu que les juges du fond, prononçant sur les intérêts civils, après avoir déclaré recevable la constitution de partie civile de X... es qualités de président-directeur général de la société Nouvelle Z..., ont déclaré le prévenu responsable du préjudice subi par cette société et à ce titre alloué à la société Nouvelle Z..., prise en la personne du président de son conseil d'administration la somme de 30 000 francs en réparation de ce préjudice ;

Qu'en cet état, le moyen manque en fait et ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, Mme Chanet conseiller rapporteur, M. Pinsseau, Mmes Simon, Anzani, MM. Arnould, Le Corroller, Mme Koering-Joulin conseillers de la chambre, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires ;

Avocat général : M. de Gouttes ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-82621
Date de la décision : 21/09/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(sur le deuxième moyen) PRESSE - Diffamation - Intention coupable - Présomption - Faits justificatifs - Croyance en l'exactitude des faits litigieux (non).


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 29 et 35 bis

Décision attaquée : Cour d'appel de BASSE-TERRE, chambre correctionnelle, 10 février 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 sep. 1999, pourvoi n°98-82621


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.82621
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