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21/09/1999 | FRANCE | N°97-85551

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 septembre 1999, 97-85551


CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Daniel,
- la société Rhône-Poulenc Chimie, civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, du 26 juin 1997, qui a condamné le premier à 3 mois d'emprisonnement avec sursis pour le délit de blessures involontaires, à 10 000 francs d'amende pour la contravention de blessures involontaires ainsi qu'à 2 amendes de 10 000 francs chacune pour infractions à la réglementation sur la sécurité des travailleurs, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, a déclaré la sec

onde civilement responsable et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COU...

CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Daniel,
- la société Rhône-Poulenc Chimie, civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, du 26 juin 1997, qui a condamné le premier à 3 mois d'emprisonnement avec sursis pour le délit de blessures involontaires, à 10 000 francs d'amende pour la contravention de blessures involontaires ainsi qu'à 2 amendes de 10 000 francs chacune pour infractions à la réglementation sur la sécurité des travailleurs, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, a déclaré la seconde civilement responsable et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 485 et 592 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt déféré ne porte pas la mention du magistrat ayant procédé à la lecture de l'arrêt à l'audience du 26 juin 1997, en application des dispositions de l'article 485, dernier alinéa, du Code de procédure pénale ;
" alors que tout arrêt doit faire la preuve de la composition de la Cour ; qu'en l'espèce, en omettant de faire mention du nom du magistrat ayant, en vertu de l'article 485, dernier alinéa, du Code de procédure pénale, procédé à la lecture de l'arrêt à l'audience du 26 juin 1997, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que ce magistrat avait participé à l'intégralité des débats et du délibéré " ;
Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que lors des débats et du délibéré, la Cour était composée de Mme Haenel, président, M. Balmain et M. Fallet, conseillers ; qu'à l'audience du 26 juin 1997 à laquelle l'arrêt a été rendu, la minute a été signée par M. Balmain pour le président empêché ;
Qu'il se déduit de ces mentions que l'arrêt a été lu par M. Balmain, conformément aux prescriptions de l'article 485, dernier alinéa, du Code de procédure pénale :
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-19, R. 625-2 et 121-3 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Daniel X... coupable des délits de blessures involontaires et de non-respect des règles d'hygiène et de sécurité des travailleurs et de contravention de blessures involontaires et, en conséquence, l'a condamné à une peine d'emprisonnement de 3 mois avec sursis, ainsi qu'à 2 amendes de 10 000 francs pour les délits outre une amende de 10 000 francs pour la contravention de blessures involontaires et a statué sur les intérêts civils ;
" aux motifs que la Cour ne voit pas en quoi les dispositions de la loi du 13 mai 1996 seraient susceptibles de bénéficier à Daniel X..., chef d'établissement industriel pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour veiller efficacement à l'application de la réglementation et qui n'allègue ni ne démontre avoir délégué ses pouvoirs à un subordonné qualifié aux mêmes fins ;
" alors, d'une part, que les dispositions de la loi du 13 mai 1996 ne sont pas restrictives et visent tout prévenu poursuivi du chef de délit par imprudence, manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ; qu'en écartant, pour les motifs ci-dessus, l'application desdistes dispositions à Daniel X..., la Cour a violé par fausse application l'article 121-3 du Code pénal ;
" alors, d'autre part, qu'aux termes de la loi du 13 mai 1993, modifiant l'article 121-3 du Code pénal, il n y a pas d'infraction si l'auteur des faits a accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ; qu'en l'espèce la Cour, à défaut d'avoir recherché si, comme l'y invitaient les conclusions d'appel, Daniel X... avait accompli les diligences normales dont il était redevable compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait, n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu fondée sur les dispositions de la loi du 13 mai 1996, la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, retient que l'accident du travail intervenu le 25 octobre 1993 a eu pour origine une évaluation insuffisante des risques ; que les juges en déduisent qu'en l'absence de diligences nécessaires pour éviter l'accident, le prévenu doit être exclu du bénéfice des dispositions de la loi précitée ;
D'où il suit que le moyen, qui soutient que la cour d'appel a écarté le prévenu du champ d'application de la loi du 13 mai 1996, manque par le fait sur lequel il prétend s'appuyer ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 131-35 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que la Cour a ordonné, à titre de peine complémentaire, l'affichage de l'arrêt " mentionnant la décision de première instance et l'arrêt confirmatif " ;
" alors que, lorsqu'elle est prononcée à titre de peine complémentaire, il appartient aux juges du fond de déterminer la durée de l'affichage, laquelle ne peut excéder 2 mois ; qu'en omettant de déterminer la durée de la sanction prononcée, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que les demandeurs ne sauraient critiquer devant la Cour de Cassation l'omission par les juges de préciser la durée de l'affichage ordonné par l'arrêt attaqué, dès lors que ce grief relève du contentieux de l'exécution prévu par les articles 710 et 711 du Code de procédure pénale, qui doit être porté devant la juridiction qui a prononcé la décision présumée entachée d'erreur ou incomplète ;
D'ou il suit qu'un tel moyen est irrecevable ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 475-1 du Code de procédure pénale, 55 du Code pénal, devenu l'article 375-2 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt a confirmé la condamnation prononcée par les premiers juges de la société Rhône-Poulenc Chimie, civilement responsable, et de Daniel X..., à payer au syndicat CFDT et au syndicat CGT, parties civiles, chacune la somme de 4 000 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
" alors, d'une part, que seul le prévenu peut être condamné sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; qu'en prononçant une condamnation à l'encontre du civilement responsable sur ce fondement, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, d'autre part, que les condamnations solidaires, y compris au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, doivent faire l'objet d'une motivation particulière ; qu'en l'espèce les juges du fond, qui ont méconnu cette obligation, n'ont pas légalement justifié leur décision " ;
Attendu que la société Rhône-Poulenc Chimie ne saurait se faire un grief d'une condamnation prononcée à son encontre par les premiers juges au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, dès lors qu'elle n'a pas critiqué cette décision devant les juges du second degré ;
D'où il suit que le moyen est irrecevable ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 263-2 du Code du travail, 132-3, 132-7 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :
" en ce que, l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Daniel X... coupable d'atteinte involontaire à l'intégrité physique d'autrui ayant entraîné une incapacité totale de travail excédant 3 mois pour Henri Y... et n'excédant pas 3 mois pour Frédérick Z... et d'évaluation insuffisante des risques ne permettant pas un choix approprié des procédés de travail et en répression l'a condamné à la peine de 3 mois d'emprisonnement assorti du sursis simple et à 2 amendes de 10 000 francs pour les délits et 10 000 francs d'amende pour la contravention de blessures involontaires ;
" alors, d'une part, que si à l'occasion d'une même procédure, la personne poursuivie est reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, chacune des peines encourues peut être prononcée ; que, toutefois, lorsque plusieurs peines de même nature sont encourues, il ne peut être prononcé qu'une seule peine de cette nature dans la limite du maximum légal le plus élevé ; qu'en condamnant le prévenu, après l'avoir déclaré coupable de délit de blessures involontaires et de celui d'infraction aux règles de sécurité des travailleurs, à une peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis et à 2 amendes de 10 000 francs, la Cour, qui ne pouvait prononcer qu'une seule peine pour les deux délits, a méconnu les textes visés au moyen ;
" alors, d'autre part, que si la règle du non-cumul des peines n'est pas applicable en matière de contravention, encore faut-il, pour que des condamnations cumulatives puissent être prononcées, que le prévenu ait commis plusieurs fautes distinctes punissables séparément ; qu'en l'espèce, la contravention de blessures involontaires trouvait son fondement, comme le délit, dans l'inobservation du règlement à l'hygiène et la sécurité des travailleurs ; qu'en conséquence la faute unique du prévenu consistant dans l'inobservation précitée, les juges du fond ne pouvaient prononcer cumulativement une peine du chef de délit et une autre du chef de la contravention ; que cette dernière condamnation n'est pas légalement justifiée " ;
Sur la première branche du moyen :
Vu l'article 5 ancien du Code pénal et l'article L. 263-2, dernier alinéa, du Code du travail ;
Attendu qu'en application de l'article 5 précité, en cas de conviction de plusieurs crimes ou délits, la peine la plus forte est seule prononcée ; que si par exception, la loi prévoit, dans le cas des infractions correctionnelles aux règles protectrices de la sécurité des travailleurs, qu'il est prononcé autant d'amendes qu'il y a de salariés concernés, le cumul des peines principales est expressément exclu lorsqu'une telle infraction est poursuivie concurremment avec un délit d'homicide et de blessures involontaires ;
Attendu que l'arrêt attaqué a infligé à Daniel X..., outre la peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis pour le délit de blessures involontaires et une amende de 10 000 francs pour la contravention de blessures involontaires, 2 amendes de 10 000 francs chacune pour infractions à la réglementation sur la sécurité des travailleurs ;
Mais attendu qu'en prononcant ainsi, les juges ont violé les textes et méconnu le principe susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Sur la seconde branche du moyen :
Vu l'article 5 ancien du Code pénal et les articles 132-3 et 132-7 du Code pénal ;
Attendu qu'une faute pénale unique ne peut être sanctionnée que par une seule peine ;
Attendu que les mêmes faits ont été retenus à la charge du prévenu qui a été condamné pour blessures involontaires à la fois à une peine d'emprisonnement avec sursis et à une amende ;
Mais attendu que les faits poursuivis procédant d'une seule et même action coupable ne pouvaient faire l'objet de peines séparées ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation des articles 475-1 du Code de procédure pénale, 55 du Code pénal, devenu l'article 375-2 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt a condamné la société Rhône-Poulenc Chimie civilement responsable, et Daniel X... à payer, sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, la somme de 4 000 francs à chacune des parties civiles, à savoir Henry Y... et Frédérick Z... et aux syndicats CFDT et CGT ;
" alors, d'une part, que seul le prévenu peut être condamné sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; qu'en prononçant une condamnation à l'encontre du civilement responsable sur ce fondement la Cour n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, d'autre part, que les condamnations solidaires, y compris au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, doivent faire l'objet d'une motivation particulière ; qu'en l'espèce les juges du fond, qui ont méconnu cette obligation, n'ont pas légalement justifié leur décision " ;
Vu l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'aux termes de l'article 475-1 du Code de procédure pénale le juge peut condamner l'auteur de l'infraction à verser à la partie civile, pour un montant qu'il détermine, les sommes exposées par celle-ci et non comprises dans les frais payés par l'Etat ;
Attendu qu'en condamnant la société Rhône-Poulenc Chimie, civilement responsable, aux frais exposés par les parties civiles en cause d'appel, les juges du second degré ont méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 26 juin 1997, et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-85551
Date de la décision : 21/09/1999
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° TRAVAIL - Hygiène et sécurité des travailleurs - Infractions - Peines - Non-cumul - Homicide et blessures involontaires et infraction aux dispositions protectrices de la sécurité des travailleurs.

1° TRAVAIL - Hygiène et sécurité des travailleurs - Infractions - Peines - Non-cumul - Domaine d'applicaiton 1° PEINES - Non-cumul - Domaine d'application - Homicide et blessures involontaires - Infractions aux dispositions du Code du travail relatives à l'hygiène et à la sécurité 1° PEINES - Non-cumul - Domaine d'application - Travail - Hygiène et sécurité des travailleurs - Infractions - Homicide et blessures involontaires 1° PEINES - Non-cumul - Domaine d'application - Travail - Hygiène et sécurité des travailleurs - Infractions - Amendes - Amendes délictuelles.

1° En application de l'article 5 du Code pénal ancien, en cas de conviction de plusieurs crimes ou délits la peine la plus forte est seule prononcée ; si par exception la loi prévoit, dans le cas des infractions correctionnelles aux règles protectrices de la sécurité des travailleurs, qu'il soit prononcé autant d'amendes qu'il y a de salariés concernés, le cumul des peines principales est expressément exclu lorsqu'une telle infraction est poursuivie concurremment avec un délit d'homicide ou de blessures involontaires. Encourt la cassation l'arrêt qui, outre la peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis pour le délit de blessures involontaires et une amende de 10 000 francs pour la contravention de blessures involontaires a prononcé 2 amendes de 10 000 francs chacune pour infractions à la réglementation sur la sécurité des travailleurs(1).

2° PEINES - Non-cumul - Faute pénale unique - Homicide et blessures involontaires - Délit et contravention.

2° En application de l'article 5 du Code pénal ancien et des articles 132-3 et 132-7 du Code pénal, une faute unique ne peut être sanctionnée que par une seule peine. Encourt la cassation l'arrêt qui condamne le prévenu pour blessures involontaires à la fois à une peine d'emprisonnement avec sursis et à une peine d'amende.


Références :

1° :
2° :
Code du travail L263-2, dernier al
Code pénal 132-3, 132-7 nouveau
Code pénal 5

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble (chambre correctionnelle), 26 juin 1997

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1984-05-16, Bulletin criminel 1984, n° 182, p. 471 (cassation partielle) ; Chambre criminelle, 1995-02-22, Bulletin criminel 1995, n° 80 (1°), p. 192 (cassation) ; Chambre criminelle, 1995-02-22, Bulletin criminel 1995, n° 81 (1°), p. 193 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 sep. 1999, pourvoi n°97-85551, Bull. crim. criminel 1999 N° 191 p. 607
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1999 N° 191 p. 607

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. de Gouttes.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Chanet.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, la SCP Piwnica et Molinié, M. Vuitton.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.85551
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