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15/09/1999 | FRANCE | N°98-87244

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 septembre 1999, 98-87244


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze septembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MARTIN, les observations de la société civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Daniel,

contre l'arrêt de la cour d'appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 4 novembre 1998,

qui, pour atteintes à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les march...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze septembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MARTIN, les observations de la société civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Daniel,

contre l'arrêt de la cour d'appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 4 novembre 1998, qui, pour atteintes à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics, l'a condamné à 100 000 francs d'amende et à 5 ans d'interdiction des droits de vote et d'éligibilité ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 112-1, 121-3 et 432-14 du Code pénal, 250, 255 bis et 272 du Code des marchés publics, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale et défaut de réponse à conclusions ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Daniel X... coupable d'avoir octroyé un avantage injustifié à la société Viafrance et l'a condamné à une peine d'amende de 100 000 francs, outre l'interdiction d'exercer ses droits civiques pendant une durée de 5 ans ;

"aux motifs que, "en se livrant sciemment à des actes contraires aux dispositions des articles 272 et 250 du Code des marchés publics, lesquelles avaient pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics, Daniel X... a effectivement successivement procuré des avantages injustifiés à la société Viafrance ; que, précisément, celle-ci s'est vue confier, par le biais des avenants, la réalisation de travaux de nature différentes du marché, pour un montant de près du quart du montant initial du marché, sans que les autres candidats aient été mis en mesure de faire leurs offres et sans qu'elle-même n'ait eu à prendre le risque de voir ces offres préférées aux siennes propres ; que, grâce à la commande irrégulière de travaux hors marché, elle s'est également vue confier directement des travaux pour un montant supplémentaire... représentant plus d'un tiers du marché initial..., sans la moindre mise en concurrence ; que ces avantages, par la nature même des manquements qui les avaient procurés, étaient injustifiés ; qu'au demeurant, aucun élément objectif du dossier ne permet d'affirmer que, dans le cadre d'une mise en concurrence conforme à la loi, les offres de la société Viafrance auraient été nécessairement retenues ; que, même l'urgence à laquelle Daniel X... prétend avoir obéi, mais dont il se serait, en tout cas, irrégulièrement arrogé le droit d'apprécier seul la réalité et la portée, n'est pas démontrée ; qu'une telle urgence n'aurait pas dispensé de recourir à une mise en concurrence, dès lors que les travaux qu'elle aurait imposés, par leur nature et leur ampleur, auraient relevé du champ d'application de l'article 250 du Code des marchés publics ; qu'au contraire et

bien mieux, le dossier et les débats ont relevé que cette "procuration" d'avantages injustifiés à la société Viafrance, loin d'avoir été le produit d'un simple effet mécanique, a été le fruit d'une connivence parfaite, caractéristique de la mauvaise foi, entre Daniel X... et l'entreprise considérée ; que le souci du premier, dont le terme du mandat était proche, a été manifestement d'éviter d'avoir à se mettre à dos toute la partie de son électorat qui n'aurait autrement pas bénéficié d'améliorations qui ne devaient, à l'origine, n'être réservées qu'aux seuls riverains des voies choisies initialement par le District ; que la société Viafrance, dont l'agence de Vitry-le-François connaissait à l'époque des difficultés, à telle enseigne que le licenciement de 13 salariés avait été prévu, ne pouvait que se saisir de l'aubaine, d'autant, a rajouté le chef de l'agence, "qu'il n'y avait pas de sous-traitance pour ces travaux, soit au niveau du personnel ou du matériel" ; qu'il faut souligner, à cet égard, que c'est en vain que Daniel X... affirme avoir agi avec "l'accord" des services de la Direction départementale de l'Equipement ou des autorités de tutelle ; que le dossier établit, en effet, que par sa personnalité, sa présence quotidienne sur le terrain et par les relations privilégiées nouées par lui avec les représentants de l'entreprise économiquement assujettis à ses desiderata, Daniel X..., quoiqu'à plusieurs reprises rappelé à l'ordre, a délibérément pratiqué la politique du fait accompli, étouffant ainsi les scrupules des uns et annihilant la vigilance des autres" ;

"alors, d'une part, que seuls sont punissables les faits constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont été commis ;

qu'à la date des faits litigieux, l'article 255 bis du Code des marchés publics énonçait que lorsque le montant des prestations exécutées atteignait le montant fixé par le marché, la poursuite de l'exécution était subordonnée à la conclusion d'un avenant mais ce n'est que par une loi du 8 février 1995 que le législateur est venu instituer une procédure particulière pour la passation de l'avenant ; qu'en estimant que Daniel X... avait, s'agissant de trois avenants signés en 1993 et 1994, méconnu des règles de mise en concurrence qui n'ont été posées que postérieurement, la cour d'appel a méconnu le principe de légalité ;

"alors, d'autre part, qu'il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ; qu'en estimant que l'intention de Daniel X... de commettre le délit de favoritisme était établie par le souci qu'il avait de ne pas "se mettre à dos toute la partie de son électorat qui n'aurait autrement pas bénéficié d'améliorations qui ne devaient, à l'origine, n'être réservées qu'aux seuls riverains des voies choisies initialement par le District, la cour d'appel, qui ne recherche pas si Daniel X... avait l'intention de favoriser l'entreprise Viafrance, mais se borne à constater que le prévenu souhaitait être agréable à une partie de son électorat, confond le mobile et l'intention, et prive sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen ;

"alors, enfin, que le délit de favoritisme suppose qu'un avantage injustifié soit accordé à autrui ; qu'en se bornant à énoncer que l'avantage injustifié dont la société Viafrance avait bénéficié résidait dans le fait de se voir attribuer un marché à une époque où son agence de Vitry-le-François connaissait des difficultés, la cour d'appel, qui ne recherche pas si la société Viafrance avait pratiqué des prix abusifs ou si elle avait empêché une entreprise mieux disante de réaliser les travaux litigieux, a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué, partiellement reprises au moyen, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable et fait l'exacte application, en leur rédaction applicable au moment des faits, des textes susvisés ;

D'où il suit que le moyen, qui, pour partie, se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Martin conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Di Guardia ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-87244
Date de la décision : 15/09/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de REIMS, chambre correctionnelle, 04 novembre 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 sep. 1999, pourvoi n°98-87244


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.87244
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