AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze septembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle NICOLAYet de LANOUVELLE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Yacine,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 4ème chambre, en date du 17 mars 1998, qui, pour séjour irrégulier en état de récidive, trafic de stupéfiants et détention sans justificatif de marchandises prohibées, l'a condamné à 4 ans d'emprisonnement avec maintien en détention et a prononcé l'interdiction définitive du territoire français ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 21 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, 2 3 du protocole additionnel n° 4, 131-30, 222-48, alinéa 1, du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé l'interdiction définitive du territoire français à l'encontre du prévenu ;
"aux motifs que, s'il est exact que Yacine X..., de nationalité algérienne, est père d'un enfant français, prénommé Rayane, né à Lyon le 12 décembre 1996, et s'il est éventuellement protégé par les dispositions de l'article 131-30 du Code pénal, il convient de relever qu'il est titulaire de trois condamnations à des peines d'emprisonnement ferme assorties de l'interdiction temporaire du territoire national pour entrée ou séjour irrégulier d'un étranger en France et non-communication de document ou de renseignement permettant l'exécution d'une mesure de reconduite à la frontière ; que la Cour observe que ces trois condamnations ont été prononcées antérieurement à la naissance de l'enfant Rayane ;
qu'ainsi, l'intéressé, faisant preuve d'un mépris total et permanent pour les mesures d'éloignement légalement prises à son encontre, a démontré sa volonté de demeurer en France en constituant une situation juridique afin d'échapper à toute mesure de reconduite à la frontière ou d'interdiction du territoire national et se livrant au trafic de résine de cannabis ; que, si chacun a droit au respect des droits tirés de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'alinéa 2 de l'article 8 de la Convention susvisée et l'article 2 3 du protocole additionnel n° 4 permettent aux juridictions, dans les cas prévus par la loi, d'interdire l'accès du territoire national à un étranger lorsque cette mesure est nécessaire à la prévention des infractions pénales et à la protection de la santé publique et spécialement celle de la jeunesse menacée par la résine de cannabis écoulée par le prévenu, déjà condamné à trois reprises pour infraction à la législation sur les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ; que, dans ces conditions, il convient de prononcer à l'encontre de Yacine X..., qui fait la preuve depuis 5 ans de sa nocivité par une délinquance ininterrompue, l'interdiction définitive du territoire national sans que cette mesure d'éloignement apporte une atteinte disproportionnée aux droits que le prévenu tiendrait de l'article 8 de la Convention susvisée ;
"alors qu'une mesure d'interdiction définitive du territoire français, irrévocable, prise à l'encontre d'un prévenu, père d'un enfant français, porte nécessairement une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, que l'intéressé tient de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors qu'elle le sépare définitivement de son enfant et le prive définitivement d'une vie familiale normale ;
qu'ainsi, l'arrêt attaqué a méconnu le texte susvisé" ;
Attendu que, pour prononcer l'interdiction définitive du territoire français à l'encontre de Yacine X..., la cour d'appel relève que cette mesure est nécessaire à la protection de la santé publique et spécialement à celle de la jeunesse menacée par la résine de cannabis écoulée par le prévenu ; qu'elle ajoute que ce dernier a déjà été condamné à trois reprises pour infraction à la législation sur les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France et fait la preuve, depuis cinq ans, de sa nocivité par une délinquance ininterrompue ; que, dans ces conditions, il convient de prononcer à son encontre l'interdiction définitive du territoire national sans que cette mesure d'éloignement porte une atteinte disproportionnée aux droits que le prévenu tient de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision au regard tant des dispositions de l'article 131-30 du Code pénal que de celles, non contraires, de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Soulard conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Di Guardia ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre