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08/09/1999 | FRANCE | N°98-87669

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 septembre 1999, 98-87669


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit septembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PELLETIER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X..., épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'assises du VAR, en date du 27 octobre 1998, qui, pour non-dén

onciation de crimes, l'a condamnée à 3 ans d'emprisonnement, ainsi que contre l'arrêt d...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit septembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PELLETIER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X..., épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'assises du VAR, en date du 27 octobre 1998, qui, pour non-dénonciation de crimes, l'a condamnée à 3 ans d'emprisonnement, ainsi que contre l'arrêt du 4 novembre 1998 par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 250, 251, 592 du Code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'assises était composée de MM. D. Brejoux, président, J. Rebuffet, assesseur désigné par ordonnance de M. le président de la cour d'assises en date du 23 octobre 1998, en remplacement de M. Ange Fiorito, assesseur précédemment désigné mais légitimement empêché de siéger, et M. B. Turillot ;

"alors qu'en cas d'empêchement survenu avant l'ouverture de la session, les assesseurs sont remplacés par ordonnance du premier président ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt attaqué et des pièces du dossier que le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a, par ordonnance du 28 septembre 1998, fixé l'ouverture de la session le 15 octobre 1998 et a désigné, en qualité d'assesseurs, MM. Tastevin et Fiorito ; que, par ordonnance du même jour, il a délégué "au tribunal de grande instance de Draguignan, du 23 octobre 1998 au 2 novembre 1998 inclus, dans les mêmes fonctions afin de pouvoir être désigné pour siéger à la Cour d'assises du Var, M. Jean Rebuffet, juge au tribunal de Grande instance de Toulon" ; qu'il en résulte nécessairement que l'empêchement de M. Fiorito était connu avant l'ouverture de la session, en sorte que le président de la cour d'assises était incompétent pour désigner M. Rebuffet à compter du 23 octobre 1998 et jusqu'au 2 novembre 1998 inclus pour remplacer M. Fiorito" ;

Attendu que le premier président a, par ordonnance du 28 septembre 1998, fixé au 15 octobre suivant l'ouverture de la session d'assises et a désigné notamment M. Fiorito, en qualité d'assesseur ; que, par une ordonnance du même jour, il a délégué au tribunal de grande instance de Draguignan, M. Rebuffet, "afin de pouvoir être désigné pour siéger à la cour d'assises du Var" ; que, par ordonnance du 23 octobre 1998, le président de cette Cour, constatant l'empêchement de M. Fiorito a procédé à la désignation de M. Rebuffet ;

Attendu qu'en cet état, le président de la cour d'assises a fait l'exacte application des dispositions de l'article 251, alinéa 2, du Code de procédure pénale ; qu'en effet, il résulte de cet article que, même dans l'hypothèse où l'éventualité d'un empêchement d'un assesseur peut être connue avant l'ouverture de la session, le président de la cour d'assises est seul compétent pour y remédier au moment où il survient ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 288, 290, 291, 293, 296, 316, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que, par arrêt incident (PV page 2), la Cour a excusé Alain Vernoud, juré titulaire n° 6, et Pierre Boyer, juré titulaire n° 15, et ordonné que leur nom soit retranché de la liste de service de ce jour ;

"aux motifs qu'Alain Vernoud, juré titulaire n° 6, et Pierre Boyer, juré titulaire n° 15, ont fait connaître qu'ils se trouvaient dans l'impossibilité d'accomplir leurs fonctions de juré pour la présente affaire ; que la Cour a admis comme valable la cause d'empêchement invoquée ;

"alors, d'une part, que l'arrêt ainsi prononcé, sans que les accusés aient été préalablement entendus, est nul ;

"alors, d'autre part, que la Cour doit se prononcer sur le sort individuel de chaque juré ; qu'en se prononçant de façon globale sur "la" cause d'empêchement invoquée pour deux jurés, l'arrêt attaqué est privé de toute base légale" ;

Attendu qu'en application de l'article 599, alinéa 2, du Code de procédure pénale, la demanderesse n'est pas recevable à présenter comme moyen de cassation une nullité, ou prétendue telle, qu'elle n'a pas soulevée, conformément aux dispositions de l'article 305-1 du même Code, dès que le jury de jugement est définitivement constitué ; qu'il résulte du procès-verbal des débats qu'elle ne l'a pas été ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 347, alinéa 3, du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné X... à la peine maximum encourue du chef de non-dénonciation des crimes de viols sur la personne de A. Y... dont Marc Y... a été déclaré coupable par le même arrêt ;

"alors, d'une part, que la cour d'assises doit former sa conviction d'après les résultats de l'instruction orale qui se déroule devant elle ; que la violation de ce principe d'ordre public ne peut être couverte ni par le silence, ni par le consentement de l'accusé ;

qu'en l'espèce, il résulte du procès-verbal des débats que A. Y..., dénonciatrice, victime et seul témoin des faits reprochés aux accusés, n'a pas été entendue par la cour d'assises ; que, dès lors, pour entrer en voie de condamnation, la cour d'assises s'est nécessairement référée aux pièces de la procédure écrite qui, seule, contenait les déclarations de A. Y... qui fondent l'accusation ;

"alors, d'autre part, qu'il résulte encore du procès-verbal des débats que non seulement A. Y..., dénonciatrice, victime, seul témoin des faits reprochés aux accusés et partie civile, n'a pas été entendue par la cour d'assises, mais qu'en outre, les déclarations qu'elle avait faites au cours de l'enquête et de l'instruction n'ont même pas été lues ; qu'ainsi, en l'absence de toute confrontation à l'audience entre les déclarations à charge de la partie civile et celle des accusés, le principe du contradictoire, auquel l'accusé ne peut renoncer, a également été violé" ;

Attendu qu'il ne résulte d'aucune mention du procès-verbal des débats que les parties aient demandé l'audition de A. Y... qui n'était pas comparante devant la cour d'assises, ou aient réclamé la lecture de ses déclarations lors de la procédure d'information ;

Attendu qu'en cet état, ni le principe de l'oralité des débats ni celui du contradictoire n'ont pu être méconnus ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 328, 348, 349, 350, 362, 365 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que le président a lu avant le délibéré de la Cour et du jury, à la fin des débats, la question n° 10 à laquelle il a été répondu par l'affirmative, et la question subsidiaire n° 11 ;

"alors, d'une part, qu'en donnant lecture des questions qui comportent, d'une part, l'affirmation que des crimes de viols ont été commis sur la personne de A. Y..., d'autre part, que X... en avait connaissance, le président a manifesté publiquement sa conviction préétablie de la culpabilité de l'accusée ;

"et alors, d'autre part, que la question n° 10, en présentant comme établie la connaissance qu'avait X... du crime commis sur A., n'a interrogé la Cour et le jury que sur le seul fait de n'avoir pas dénoncé le crime, et non pas sur la connaissance du crime, en sorte que la Cour et le jury ne se sont pas prononcés sur tous les éléments constitutifs du délit ; que la condamnation prononcée est ainsi dépourvue de toute base légale" ;

Attendu que les deux questions critiquées ont été ainsi libellées :

""10 ) l'accusée X..., épouse Y..., est-elle coupable d'avoir à B. et à C., à partir du 20 février 1996 et jusqu'au mois de juin 1996, en tout cas dans le département du Var et depuis temps non prescrit, alors qu'elle avait connaissance des crimes de viols commis sur sa fille A. et que l'auteur de ces crimes était susceptible d'en commettre de nouveaux qui pouvaient être empêchés, volontairement omis d'en informer les autorités judiciaires ou administratives ?" ;

""11 ) l'accusée X..., épouse Palazzo, est-elle coupable de s'être, à B. et à C., à partir du 20 février 1996 et jusqu'au mois de juin 1996, en tout cas dans le département du Var et depuis temps non prescrit, alors qu'elle pouvait empêcher par son action immédiate, sans risque pour elle ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité de la personne, en l'espèce les crimes de viols sur la personne de A. Y..., volontairement abstenue de le faire ?" ;

Attendu que la position de ces questions n'encourt pas les griefs allégués ;

Que, d'une part, la lecture des questions n° 10 et 11 par le président, avant le délibéré, n'a pu constituer, de sa part, une manifestation d'opinion préconçue sur la culpabilité de l'accusée ;

Que, d'autre part, la Cour et le jury ont été interrogés, par la question n° 10 conforme à l'arrêt de renvoi, sur tous les éléments constitutifs du délit de non-dénonciation de crimes, tel que prévu par l'article 434-1 du Code pénal ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 221-1 du Code de l'organisation judiciaire, 243, 249 et suivants, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que, lors de l'audience du 4 novembre 1998 consacrée aux débats et au prononcé de l'arrêt civil, la cour d'assises était composée de M. Dominique Brejoux, président, MM. Jean Rebuffet et Bernard Turillot, assesseurs ;

"alors que, si un magistrat d'un tribunal de grande instance autre que celui de la tenue des assises peut être désigné, conformément aux dispositions de l'article 249 du Code de procédure pénale, pour exercer les fonctions d'assesseur, c'est à la condition qu'il ait préalablement fait l'objet d'une ordonnance du premier président le déléguant au tribunal de grande instance du lieu de la tenue des assises ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. Rebuffet, juge au tribunal de grande instance de Toulon, avait été délégué au tribunal de grande instance de Draguignan par une ordonnance du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour la période du 23 octobre au 2 novembre 1998 inclus ; qu'il en résulte que la cour d'assises était irrégulièrement composée le 4 novembre 1998, M. Rebuffet n'ayant plus qualité pour siéger au-delà du 2 novembre 1998" ;

Vu l'article 249 du Code de procédure pénale ;

Attendu que, si un magistrat d'un tribunal de grande instance autre que celui de la tenue des assises peut être désigné, conformément aux dispositions de l'article 249 du Code de procédure pénale, pour exercer les fonctions d'assesseur, c'est à la condition qu'il ait préalablement fait l'objet d'une ordonnance du premier président le déléguant au tribunal de grande instance du lieu de la tenue des assises dans les conditions prévues à l'article L. 221-1 du Code de l'organisation judiciaire ;

Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt civil qu'à l'audience du 4 novembre 1998, siégeait notamment comme assesseur M. Rebuffet, délégué par ordonnance du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 28 septembre 1998 au tribunal de grande instance de Draguignan ;

Mais attendu que, selon les termes de cette ordonnance, la délégation de M. Rebuffet expirait le 2 novembre 1998 ;

Que, dès lors, ce magistrat n'ayant plus qualité pour siéger au-delà de cette date, la cour d'assises, statuant sur les intérêts civils, était irrégulièrement composée ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

Sur le pourvoi en ce qu'il concerne l'arrêt pénal :

REJETTE le pourvoi ;

Sur le pourvoi en ce qu'il concerne l'arrêt civil :

CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions concernant X..., épouse Y..., l'arrêt précité du 4 novembre 1998 statuant sur les intérêts civils,

Et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant le tribunal civil de Marseille, à ce désigné par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises du Var, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Pelletier conseiller rapporteur, M. Guilloux conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Géronimi ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-87669
Date de la décision : 08/09/1999
Sens de l'arrêt : Cassation rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(sur le premier moyen) COUR D'ASSISES - Composition - Assesseur - Assesseur empêché - Remplacement - Empêchement survenu après l'ouverture de la session - Nouvel assesseur - Désignation - Compétence - Président de la Cour d'assises.

(sur le troisième moyen) COUR D'ASSISES - Procédure antérieure aux débats - Nullités - Exception - Présentation - Moment - Constitution du jury de jugement.


Références :

Code de procédure pénale 215 al. 2, 305-1 et 599 al. 2

Décision attaquée : Cour d'assises du VAR, 27 octobre 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 sep. 1999, pourvoi n°98-87669


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.87669
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