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28/07/1999 | FRANCE | N°98-85949

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 juillet 1999, 98-85949


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller FARGE, les observations de la société civile professionnelle LE GRIEL et de la société civile professionnelle RYZIGER et BOUZIDI, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X...,

- Y...,

contre l'arrêt de la cour d'assises de la MO

SELLE, en date du 19 juin 1998, qui les a condamnés, le premier, pour viols et agressions sex...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-huit juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller FARGE, les observations de la société civile professionnelle LE GRIEL et de la société civile professionnelle RYZIGER et BOUZIDI, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X...,

- Y...,

contre l'arrêt de la cour d'assises de la MOSELLE, en date du 19 juin 1998, qui les a condamnés, le premier, pour viols et agressions sexuelles aggravés et corruption de mineurs de moins de quinze ans, à dix-huit ans de réclusion criminelle, en fixant la durée de la période de sûreté à la moitié de cette peine, et à dix ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, la seconde, pour agressions sexuelles aggravées et corruption de mineurs de moins de quinze ans, à cinq ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé la déchéance de l'autorité parentale et, en ce qui concerne X..., contre l'arrêt du même jour qui a statué sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour X... et pris de la violation de l'article 306, alinéa 3, du Code de procédure pénale ;

"en ce que Me Becker-Engel a confirmé sa constitution de partie civile faite au cours de l'instruction, au nom et pour le compte du président du conseil général, pris en la personne d'Annick Mercy, en qualité d'administrateur ad hoc de C., A. X... et M. X..., présents à l'audience, et que le président, après avoir entendu en leurs réquisitions le ministère public, les défenseurs des accusés, les accusés qui ont eu la parole en dernier et ayant donné acte aux personnes susnommées de leur qualité de partie civile de telle sorte qu'elles ont pris place au banc des parties civiles, a demandé aux victimes parties civiles, les poursuites étant exercées du chef de viol, si elles sollicitaient le huis clos, ce que celles-ci ont fait en demandant cependant que trois éducateurs soient autorisés à assister aux débats ;

"alors, d'une part, que la publicité des débats est une garantie pour la défense ; que, si lorsque les poursuites sont exercées du chef de viol, le huis clos est de droit si la victime partie civile ou une des victimes parties civiles le demande, il n'incombe pas au président, tenu de respecter une neutralité absolue, d'interpeller les victimes pour savoir si elles entendent demander le huis clos, ce qui peut être interprété comme une incitation à le demander ;

"alors, d'autre part, que, lorsque les victimes d'un viol sont mineures et représentées par un majeur, c'est à celui-ci qu'il incombe de demander, le cas échéant, l'application de l'article 306-3 du Code de procédure pénale ; qu'en interpellant les victimes mineures, le président a violé l'article 306-3 du Code de procédure pénale" ;

Attendu qu'en interpellant sur la nécessité d'ordonner le huis clos, aussi bien les victimes elles-mêmes que leur représentant légal, le président a régulièrement procédé, dès lors que l'article 306, alinéa 3, du Code de procédure pénale conférait à ces victimes le droit tant d'obtenir le huis clos que de s'y opposer ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour X..., et pris de la violation de l'article 306 du Code de procédure pénale ;

"en ce que le huis clos ayant été prononcé par la Cour, celle-ci avait autorisé quatre personnes qui étaient des éducateurs et un élève avocat à assister aux débats ; qu'il résulte du procès-verbal des débats qu'à l'audience du matin du 18 juin, le président a ordonné à un témoin, S., qui devait être entendu, de se retirer dans la salle réservée aux témoins puis a ordonné aux autres témoins de quitter l'auditoire et le palais de justice, mais a autorisé les experts présents à rester dans la salle ;

que, de même, à l'audience du 18 juin après-midi, les témoins qui devaient être entendus ont été invités à se retirer dans la salle cependant que les experts ont été autorisés à rester dans la salle ;

"alors que, lorsque le huis clos a été prononcé, seules les personnes autorisées, le cas échéant, par la cour à assister aux débats peuvent rester dans la salle, que le président ne pouvait donc, sans violation de l'article 306 du Code de procédure pénale, autoriser les experts à demeurer dans la salle et assister, en conséquence, à une partie des débats" ;

Attendu qu'il n'importe que des experts aient été autorisés à rester dans la salle d'audience alors que le huis clos avait été ordonné ;

Qu'en effet, le huis clos, qui constitue une dérogation à la règle de la publicité des débats, a pour objet exclusif de prévenir les inconvénients de cette publicité, en raison de la nature des faits de la cause incriminée ; que, par suite, l'exécution incomplète de cette mesure n'affecte à aucun degré les droits de la défense et ne saurait, en conséquence, autoriser de sa part aucune critique ;

Que, dès lors, le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour X... et pris de la violation des articles 329 et 331, 335 et 336 du Code de procédure pénale ;

"en ce que le procès-verbal des débats indique que X..., épouse D., (fille de l'accusée) et A. (ex-épouse de l'accusé) ont été entendues sans prestation de serment en vertu du pouvoir discrétionnaire du président et à titre de simples renseignements, ce dont la Cour et les jurés ont été avisés ;

"alors que le témoin reprochable en raison de son lien de parenté avec l'accusé mais qui a été cité et dénoncé est acquis aux débats, et n'est pas entendu en vertu du pouvoir discrétionnaire du président et à titre de simple renseignement ; que les témoins reprochables ne sont entendus en vertu du pouvoir discrétionnaire du président à titre de renseignement qu'en cas d'opposition du ministère public et d'une ou plusieurs parties et si le président en décide ainsi ; qu'il ne résulte pas du procès-verbal des débats que le ministère public ou une des parties se soient opposées à l'audition de A. et B., que celles-ci n'étaient donc entendues ni en vertu du pouvoir discrétionnaire du président ni à titre de simples renseignements ; que le fait que le président ait indiqué à la Cour et aux jurés que les témoins simplement reprochables et entendus sans serment étaient entendus en vertu de son pouvoir discrétionnaire et à titre de simples renseignements, a vicié les débats, et était du reste de nature à fausser l'opinion de la cour et du jury sur la portée de ces témoignages" ;

Attendu que, l'absence d'opposition des parties n'ayant pas pour conséquence de rendre obligatoire la déposition sous serment des témoins reprochables, B. et A.,

respectivement fille et ex-épouse de l'accusé, pouvaient, conformément à l'article 336, alinéa 2, du Code de procédure pénale, être entendues à titre de renseignements, en vertu du pouvoir discrétionnaire du président ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le quatrième moyen de cassation, proposé pour X..., et pris de la violation de l'article 346 du Code de procédure pénale ;

"en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats que (p. 13) les accusés et leur conseil ont successivement et séparément présenté leurs moyens de défense ;

"alors qu'il résulte du procès-verbal des débats que l'accusé X..., demandeur, avait pour défenseur Me Wourms et l'accusée Y..., épouse X..., avait pour avocat Me Hoffmann ; que la parole devait être donnée aux défenseurs de chacun des accusés, que la mention selon laquelle "les accusés et leur conseil ont successivement et séparément présenté leur moyen de défense" ne permet pas de s'assurer que les conseils de chacun des accusés ont eu la parole" ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble des énonciations du procès-verbal des débats que les deux accusés n'ont pas cessé d'être assistés de leurs défenseurs, Me Wourms, pour X..., et Me Hoffmann, pour Y... ;

Qu'il s'ensuit que chacun de ces avocats a plaidé pour son client ;

Que, de surcroît, l'arrêt de condamnation mentionne que les défenseurs des accusés ont été entendus en leurs plaidoiries et moyens de défense ;

Qu'ainsi, le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Y..., et pris de la violation des articles 222-22, 222-29 du Code pénal et 349 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt de condamnation attaqué a déclaré Y... coupable d'agressions sexuelles autres que le viol sur mineur de quinze ans par ascendant légitime, en se fondant sur la réponse affirmative faite par la Cour et le jury à la question n° 14 ainsi rédigée : "L'accusée Y... est-elle coupable d'avoir à S., courant 1993, 1994, 1995 et jusqu'à juin 1996, en tout cas dans le département de la Moselle et depuis temps non prescrit, commis par violence, contrainte, menace ou surprise, des agressions sexuelles exemptes d'acte de pénétration sur la personne de X... ?" ;

"alors que les questions doivent être rédigées en fait et non en droit et porter sur tous les éléments constitutifs du crime, que la notion d'agression sexuelle employée dans la question n° 14 est une notion de droit définie à l'article 222-22 comme "toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise" et que, ne reproduisant pas les termes de ce texte, cette question est entachée de nullité" ;

Attendu que la question critiquée a été posée dans les termes des articles 222-12 et 222-27 du Code pénal qui définissent les agressions sexuelles autres que le viol ;

Que, dès lors, le moyen ne peut être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour Y..., et pris de la violation des articles 222-22 et 222-29 du Code pénal et 349 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt de condamnation attaqué a déclaré Y... coupable de corruption de mineurs à l'égard de C., de X... et de X... en se fondant sur la réponse affirmative faite par la Cour et le jury à la question n° 17 ainsi rédigée : "L'accusée Y... est-elle coupable d'avoir à Saint-Avold, courant 1993, 1994, 1995 et jusqu'à juin 1996, en tout cas dans le département de la Moselle et depuis temps non prescrit, favorisé la corruption des mineurs C., X... et de M. X... ?" ;

"alors que, portant sur des faits de corruption de mineurs commis par l'accusée à l'égard de trois de ses enfants, faits qui constituaient donc des délits distincts, cette question est complexe et donc entachée de nullité" ;

Attendu que, si elle vise plusieurs victimes, la question critiquée n'est pas, pour autant, entachée de complexité prohibée dès lors qu'elle porte sur des actes de même nature, commis dans les mêmes conditions et entraînant les mêmes conséquences pénales ;

Que le moyen n'est donc pas fondé ;

Sur le cinquième moyen de cassation, proposé pour X..., et pris de la violation des articles 378 du Code pénal et 371 du Code de procédure pénale ;

"en ce qu'il résulte de la feuille de questions que la Cour a délibéré sur le problème de la déchéance de l'autorité parentale sans être rentrée à l'audience et donc en présence du jury puisque la décision concernant la déchéance de l'autorité parentale figure sur la feuille de questions ;

"alors, d'une part, que l'article 378 du Code civil, qui permet à la juridiction pénale de prononcer la déchéance de l'autorité parentale contre les père et mère condamnés pour un crime ou un délit commis sur la personne de leur enfant, institue une mesure de protection des enfants d'ordre purement civil ; que la Cour, seule compétente pour statuer, doit donc tenir sur ce point une audience civile séparée de l'audience pénale et ce, dans les formes prévues par l'article 371 du Code de procédure pénale ;

"alors, d'autre part, que les parties et leurs avocats doivent être entendus spécifiquement sur une éventuelle déchéance de l'autorité parentale ; qu'il ne résulte pas du procès-verbal des débats que l'attention des parties ait été attirée sur ce point et que le demandeur ait pu s'expliquer non plus que son avocat" ;

Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour Y..., et pris de la violation des articles 486 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué statuant sur la déchéance de l'autorité parentale n'est pas daté ;

"alors que toute décision de justice doit, à peine de nullité, indiquer la date à laquelle elle a été rendue et que, par conséquent, en l'espèce, l'arrêt statuant sur la déchéance de l'autorité parentale est entaché de nullité" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, proposé pour Y..., et pris de la violation des articles 378 du Code civil, 371, 593 du Code de procédure pénale et 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué, statuant sur la déchéance de l'autorité parentale, ne constate pas l'audition des parties ou de leurs conseils et du ministère public ;

"alors que cette audition est une formalité substantielle et qu'en l'omettant, la Cour a violé les droits de la défense et entaché sa décision de nullité" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que la feuille de questions mentionne que la Cour, après avoir délibéré sans l'assistance du jury, a décidé de déchoir les deux accusés de l'autorité parentale sur leurs enfants mineurs ; que cette mesure a été prononcée par l'arrêt, rendu "en audience publique le dix-neuf juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit", qui a constaté que, à l'issue des débats contradictoires sur l'action publique, les accusés avaient été déclarés coupables d'agressions sexuelles commises sur leurs enfants ;

Attendu qu'en cet état, la Cour a fait l'exacte application de l'article 378 du Code civil et n'a pas méconnu les droits de la défense ;

D'où il suit que les moyens, qui manquent en fait pour partie, ne sauraient être accueillis ;

Et attendu qu'aucun moyen n'est produit contre l'arrêt civil, que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Farge conseiller rapporteur, M. Ruyssen conseiller de la chambre, Mme Ferrari, M. Desportes conseillers référendaires, appelés a compléter la chambre conformément à l'article L. 131-7, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire ;

Avocat général : M. Lucas ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-85949
Date de la décision : 28/07/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(sur le premier moyen) COUR D'ASSISES - Débats - Publicité - Huis clos - Conditions - Interpellation des victimes par le président - Régularité.


Références :

Code de procédure pénale 306-3

Décision attaquée : Cour d'assises de la MOSELLE, 19 juin 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 jui. 1999, pourvoi n°98-85949


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.85949
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