AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / Mme Julienne A..., épouse Lacroix,
2 / Mme Monique Y..., épouse Z...,
demeurant toutes deux Grand Rue, route de Saint-Laurent, 30700 Saint-Quentin La Poterie,
en cassation d'un arrêt rendu le 16 janvier 1997 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre civile), au profit de Mme Andrée X..., demeurant ... La Poterie,
défenderesse à la cassation ;
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 juin 1999, où étaient présents : Mlle Fossereau, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Guerrini, conseiller rapporteur, MM. Boscheron, Toitot, Mme Di Marino, M. Bourrelly, Mme Stéphan, MM. Peyrat, Dupertuys, Philippot, conseillers, M. Pronier, Mme Fossaert-Sabatier, conseillers référendaires, M. Baechlin, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Guerrini, conseiller, les observations de Me Blanc, avocat des consorts Y..., de Me Odent, avocat de Mme X..., les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 678 du Code civil ;
Attendu qu'on ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d'aspect, ni balcons ou autres semblables saillies sur l'héritage clos ou non clos de son voisin s'il n'y a dix-neuf décimètres de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage, à moins que le fonds ou la partie du fonds sur lequel s'exerce la vue ne soit déjà grevé, au profit du fonds qui en bénéficie, d'une servitude de passage faisant obstacle à l'édification de constructions ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 16 janvier 1997), que Mmes Y... et Z... (les consorts Y...) ayant transformé, en 1965, en terrasse ouverte, accessible par un escalier, la toiture de leur immeuble joignant celui contigu de Mme X..., celle-ci, en 1990, les a assignées pour obtenir la suppression des vues irrégulières donnant à l'intérieur de son immeuble ;
Attendu que pour accueillir la demande, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'en raison de la création de la terrasse, les consorts Y... avaient désormais une vue directe et plongeante dans l'immeuble de Mme Cabanon par les deux fenêtres qui faisaient partie d'origine, et depuis plus de trente ans, de l'infrastructure de ce bâtiment ;
Qu'en statuant ainsi, sans relever que l'existence des deux ouvertures de l'immeuble de Mme Cabanon, donnant sur la toiture de celui des consorts Y..., avait pu occasionner à ces derniers, antérieurement à la transformation de la toiture en terrasse, une gêne de nature à entraîner la contradiction et donc à permettre une possession utile pour prescrire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 janvier 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne Mme X... à payer aux consorts Y... la somme de 9 000 francs ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du treize juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf par Mlle Fossereau, conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile.