AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Roger X..., demeurant Moulin de l'Ecorce, 45500 Autry-le-Châtel,
en cassation d'un arrêt rendu le 3 avril 1997 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile, section 1), au profit :
1 / de M. Hubert X..., demeurant ...,
2 / de M. Gérard X..., demeurant ...,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 1er juin 1999, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Guérin, conseiller rapporteur, M. Renard-Payen, conseiller, M. Sainte-Rose, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Guérin, conseiller, les observations de la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat de M. Roger X..., de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de La Varde, avocat de MM. Hubert et Gérard X..., les conclusions de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu que M. Roger X... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Orléans, 3 avril 1997) de l'avoir débouté de sa demande tendant au paiement d'un salaire différé pour sa participation à l'exploitation agricole de ses parents entre 1944 et 1951, au motif qu'il ne justifiait pas que le 13 novembre 1962, date du décès de son père, il travaillait toujours sur le fonds rural en cause, alors que, d'une part, ce point n'était pas contesté, puisque ses deux frères cohéritiers, MM. Hubert et Gérard X..., avaient reconnu dans leurs premières conclusions qu'il avait repris l'exploitation de leurs grands-parents, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel aurait méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, d'autre part, si dans leurs secondes conclusions, ses frères ont soulevé qu'il ne justifiait pas avoir continué à travailler sur un fonds rural, ces conclusions ont été écartées des débats pour avoir été déposées la veille de l'ordonnance de clôture, de sorte qu'en se fondant sur ce moyen, la cour d'appel aurait elle-même violé le principe de la contradiction et l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que c'est sans avoir égard aux conclusions par elle écartées des débats que la cour d'appel a vérifié, ainsi qu'elle y était tenue, si M. Roger X..., spécialement invité à s'expliquer sur ce point par un arrêt avant-dire droit, rapportait la preuve lui incombant qu'il remplissait toutes les conditions légales pour pouvoir prétendre à un salaire différé, et notamment qu'il travaillait toujours sur un fonds rural à la date du décès de son père, les déclarations formulées dans des conclusions antérieures à l'arrêt avant-dire droit au sujet de la reprise de l'exploitation des grands-parents ne pouvant suffire à établir la poursuite de cette exploitation par le requérant jusqu'en 1962, d'où il suit que les griefs invoqués ne sont pas fondés ;
Et sur les deux autres branches du moyen :
Attendu que M. Roger X... fait encore grief à la cour d'appel d'avoir statué comme elle l'a fait, alors que, d'une part, le descendant que l'article 68 du décret-loi du 29 juillet 1939, en sa rédaction issue de la loi n° 60-808 du 5 août 1960, prive du droit au salaire différé est non celui qui ne participait pas à l'exploitation de la propriété de son ascendant au jour du décès de ce dernier, mais celui qui n'exerçait à cette date aucune activité agricole ; que dès lors, en se fondant sur l'affirmation que M. Roger X... "ne justifiait pas que le 13 novembre 1962, date du décès de son père, il travaillait bien toujours sur le fonds rural en cause", la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 68, alinéa 2 susvisé du décret-loi du 29 juillet 1939 ; alors que, d'autre part, en se déterminant de la sorte sans examiner sa "reconstitution de carrière" établie par la Mutualité sociale agricole, d'où il apparaissait qu'il exerçait une activité agricole en 1962 à la date du décès de son père, la cour d'appel aurait violé l'article 1353 du Code civil ;
Mais attendu que, d'une part, M. Roger X... se bornant à faire valoir au soutien de sa demande qu'il avait travaillé sur l'exploitation de son père entre 1940 et 1951, sans faire état dans ses conclusions d'une exploitation ultérieure, c'est sans méconnaître l'article 68 susvisé que la cour d'appel a relevé qu'il ne justifiait pas travailler encore sur le fonds rural en cause à la date du décès de son père, que d'autre part, elle n'était pas tenue de s'expliquer à ce sujet sur le document intitulé "reconstitution de carrière", dès lors que le requérant ne l'invoquait dans ses conclusions que pour la période 1940-1951, sans s'y référer pour établir la preuve de son activité agricole à la date du décès de son père, d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Roger X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.