REJET du pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 20e chambre, en date du 9 janvier 1998, qui, pour homicide involontaire, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur la recevabilité du mémoire en défense déposé au nom d'Y... et du Sou médical :
Attendu qu'Y..., prévenu relaxé par l'arrêt attaqué, et son assureur le Sou médical, partie intervenante, n'étant ni demandeurs, ni défendeurs au pourvoi, sont sans qualité pour intervenir devant la Cour de Cassation ; que, dès lors, leur mémoire est irrecevable ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 485, 486, 512, 592 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué indique, d'une part, que la cour d'appel était composée, lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt de Mme Borel-Petot, conseiller faisant fonction de président, M. Richard et Mme Froment, conseillers, d'autre part, que la même Cour était composée lors du prononcé de l'arrêt de M. Gouyette, Mme Borel-Petot et M. Garric (arrêt, p. 2) ;
" alors qu'en l'état de ces mentions contradictoires, qui ne permettent pas à la Cour de Cassation de s'assurer de la régularité de la composition de la cour d'appel, lors du prononcé de l'arrêt, la décision attaquée ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale " ;
Attendu que les mentions de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que les mêmes magistrats ont participé aux débats et au délibéré et que l'arrêt a été lu par l'un d'eux, en application de l'article 485 du Code de procédure pénale ;
Que, dès lors, le moyen manque en fait ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 319 de l'ancien Code pénal, 221-6 du nouveau Code pénal, 427, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré X...coupable d'homicide involontaire et, en répression, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis ;
" aux motifs que Z... est le bras droit de X..., que les 2 hommes sont très solidaires et qu'en fait, Z... a la même autorité dans le service que le docteur X... ; qu'il résulte du rapport des experts judiciaires L... et O... que les causes du décès sont les suivantes : lors de l'intervention pratiquée le 5 octobre à l'hôpital Antoine-Béclère, consistant à ouvrir l'utérus, les chirurgiens ont constaté avec la découverte d'un hématome sous péritonéal (1,5 kg de caillots ont été évacués) une déchirure complète de la paroi postérieure du vagin ; que cette déchirure n'est pas la conséquence d'une maladresse commise par les médecins du CHU d'Arpajon mais a été favorisée par l'hypervascularisation de la grossesse et provoquée par le décollement du vagin ouvrant capillaires et veinules situés sous la muqueuse vaginale ; qu'il en est résulté des saignements importants avec accumulation de caillots (thrombus ou hématomes) vaginaux et pelviens ; que les experts judiciaires estiment que les 3 prévenus ont une responsabilité dans le décès de A... ; qu'ils reprochent au docteur X..., ayant rendu visite à l'accouchée le 1er octobre à 10 heures, et alors qu'elle présentait des signes cliniques de l'existence d'un thrombus, de n'avoir pratiqué aucun examen clinique complet, faisant prendre ainsi à l'équipe médicale un retard de 12 heures ; qu'en ce qui concerne le diagnostic de la lésion, les avis médicaux versés aux débats divergent ; que, d'après les docteurs Richard Le..., cancérologue, expert près les tribunaux, et Claude S..., membre de l'Académie nationale de médecine, le thrombus vaginal s'accompagne de violentes douleurs, et il peut être détecté par un toucher vaginal en raison de sa position basse ; que, si le thrombus est pelvien, il n'est pas forcément douloureux, et ne peut être détecté par le toucher en raison de sa position haute ; que telle n'est pas l'opinion des experts judiciaires qui, pour leur part, affirment qu'un thrombus vaginal n'est pas forcément accompagné de phénomènes douloureux ; que, dans certains cas, la lésion se manifeste seulement par des malaises, une tachycardie, une pâleur ; que ce diagnostic est celui du manuel précis d'obstétrique, dont il résulte que la femme peut certes se plaindre de douleurs, d'une sensation de pesanteur et d'envie d'expulser, mais que, dans certains autres cas, elle présente seulement une pâleur et une tendance syncopale ; que l'opinion des experts judiciaires apparaît au demeurant confirmée par les faits en la cause, étant observé que, lorsque le docteur Y... a pratiqué la révision utérine de A..., il a trouvé un thrombus occupant la quasi-totalité de la cavité vaginale et que, cependant, à aucun moment de la période précédant cette découverte, la patiente ne s'est plainte de douleurs ; que le rapport d'expertise judiciaire doit être entériné en conséquence en ce qu'il conclut que, devant le tableau que présentait la malade dans la matinée du 1er octobre, c'est-à-dire les malaises, une tachycardie avec signes d'anémie (et alors que cette anémie ne pouvait s'expliquer par une hémorragie extériorisée de volume important), une numération formule sanguine à 6 grammes, l'attention du docteur X... aurait dû être attirée, et il aurait dû pratiquer un examen clinique complet ;
qu'une faute de même nature peut être reprochée au docteur Z..., dont il sera estimé qu'elle est plus grave que celle qui a été retenue à l'encontre du docteur X... pour les raisons suivantes : après avoir visité A..., le 1er octobre à 10 heures, et constaté son état d'anémie, le docteur X... a demandé à la sage-femme présente de faire appel à un anesthésiste afin qu'il examine la patiente et décide s'il fallait pratiquer une transfusion ; que l'anesthésiste est arrivé vers 14 heures 30 et a prescrit un nouveau bilan hématologique avec numération formule sanguine et un bilan d'hémostase ; que les résultats de ce bilan, connus vers 15 heures 30, ont fait apparaître un tableau alarmant de "CIVD" ; que la patiente a été transférée au service de réanimation pour y subir une transfusion : or, le docteur Z..., qui a connaissance de ces résultats inquiétants, d'un état qui s'est dégradé encore depuis l'examen par le docteur X..., ne pratique pas plus que le docteur X... d'examen clinique complet, se laissant facilement rassurer par la constatation d'une amélioration précaire de l'état de la malade due aux transfusions ; il est également à noter que, bien qu'il ait eu connaissance de la découverte d'un thrombus vaginal par le docteur Y... en lisant le compte-rendu opératoire le samedi 2 octobre vers 10 heures, aucune décision n'a encore été prise, ni d'opérer, ni de transférer la malade dans un établissement mieux équipé pour une intervention ; que la décision d'opérer n'a été prise qu'en fin de journée du 2 octobre ; que, tant le docteur X... que le docteur Z... ne peuvent se retrancher derrière l'erreur de diagnostic excusable ; qu'en effet, les experts judiciaires observent que, si le thrombus n'est pas fréquent, il est bien connu des obstétriciens ; les prévenus, pourvus de titres universitaires et d'une longue expérience, chef et co-chef du service de gynécologie-obstétrique du CHU d'Arpajon, se devaient de connaître ce que le précis d'obstétrique permet de savoir et, en cas de doute, il leur appartenait de faire un examen clinique complet ; que la Cour ne retiendra pas à l'encontre du docteur X... une faute tenant à l'organisation défectueuse, à d'importants problèmes de fonctionnement, et des relations extrêmement dégradées qui se seraient manifestées par une absence totale de confiance et de communication ayant entraîné un retard dans la prise en charge de A... ; que la Cour n'a certes pas la certitude que, si les examens avaient été pratiqués, la malade aurait survécu ; qu'en effet, les experts judiciaires insistent sur le caractère très grave de la lésion présentée par A... et les difficultés de l'intervention chirurgicale qui aurait pu être pratiquée à la suite de l'examen ; que, cependant, ils estiment que la lésion peut être curable avec un traitement chirurgical pratiqué par une équipe médicale entraînée, à condition qu'il ait lieu à temps ; qu'en conséquence, le retard pris par l'équipe médicale dans la réalisation des interventions chirurgicales en raison des négligences des docteurs X... et Z... a fait perdre à A... une importante chance de survie ;
qu'il sera accordé des circonstances atténuantes aux prévenus, compte tenu du fait que l'accouchement de A... s'est déroulé normalement, que rien ne pouvait laisser supposer qu'elle avait été profondément déchirée et que l'apparition de l'hématome était imprévisible (arrêt, p. 9 à 14) ;
" alors que le délit d'homicide involontaire suppose un lien certain de causalité entre la faute et le dommage, lequel consiste, non en une perte de chance de survie, mais dans le décès de la victime ;
" qu'ainsi, en reprochant au docteur X... d'avoir commis une négligence ayant retardé la réalisation des interventions chirurgicales pratiquées sur A..., pour en déduire que le demandeur devait être déclaré coupable d'homicide involontaire, tout en relevant, d'une part, que cette négligence avait seulement fait perdre à A... une importante chance de survie, d'autre part, que la Cour n'a certes pas la certitude que, si les examens avaient été pratiqués en temps utile, la malade aurait survécu, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme pour partie que B..., épouse A..., qui avait accouché à l'hôpital le 30 septembre 1993 d'un enfant en bonne santé, a présenté le lendemain un état d'anémie sévère avec malaises et tachycardie ; qu'au cours de sa visite, à 10 heures, le docteur X..., chef du service de gynécologie-obstétrique, a prescrit un bilan hématologique et a demandé à la sage-femme de faire appel à l'anesthésiste pour examiner la patiente et décider s'il fallait pratiquer une transfusion ;
Que, vers 15 heures 30, au vu de nouveaux examens ordonnés par l'anesthésiste et d'une forte baisse de tension, la malade a été transférée en réanimation pour subir une transfusion ; que, le 2 octobre vers 1 heure, l'interne a procédé à une révision utérine, au cours de laquelle a été décelé un thrombus vaginal ;
Que la patiente, dont l'état ne s'est pas amélioré malgré la poursuite des transfusions et malgré une intervention pratiquée le 2 octobre vers 22 heures 30, a été transférée le 4 octobre dans un autre hôpital, où elle a subi le 5 octobre une nouvelle opération chirurgicale, au cours de laquelle ont été découverts un hématome sous-péritonéal très important et une déchirure complète de la paroi postérieure du vagin, et où elle est décédée le 13 novembre 1993 ;
Que les experts commis par le juge d'instruction ont conclu que A... présentait dès le matin du 1er octobre les signes cliniques d'un thrombus vaginal et que cette lésion, malgré sa gravité, pouvait être curable avec un traitement chirurgical pratiqué par une équipe entraînée, à condition qu'il eût lieu à temps ;
Attendu que, pour déclarer X... coupable d'homicide involontaire, l'arrêt retient qu'il n'a pas procédé à un examen clinique approfondi de la patiente et que sa négligence, qui l'a empêché de diagnostiquer la lésion et a retardé l'intervention chirurgicale, a causé la mort de A... ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, procédant de son appréciation souveraine, d'où il résulte que le prévenu n'a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient, compte tenu de sa mission et des moyens dont il disposait, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.