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21/06/1999 | FRANCE | N°99-81927

France | France, Cour de cassation, Assemblee pleniere, 21 juin 1999, 99-81927


ASSEMBLEE PLENIERE.

LA COUR,

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

1° Sur les pourvois de Mme Y... et de M. Z... :

Vu les mémoires personnels produits ;

Attendu que les demandeurs sont étrangers à la procédure ; qu'ils sont donc sans qualité pour se pourvoir ;

2° Sur le pourvoi de Mme X... :

Vu les mémoires produits en demande par la SCP Boré et Xavier et en défense par la SCP Monod et Colin pour M. Hervé ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces produites, que M. Laurent Fabius, Mme Georgina Duf

oix et M. Edmond Hervé ont été renvoyés devant la Cour de justice de la République pour avoir notamment, alors ...

ASSEMBLEE PLENIERE.

LA COUR,

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

1° Sur les pourvois de Mme Y... et de M. Z... :

Vu les mémoires personnels produits ;

Attendu que les demandeurs sont étrangers à la procédure ; qu'ils sont donc sans qualité pour se pourvoir ;

2° Sur le pourvoi de Mme X... :

Vu les mémoires produits en demande par la SCP Boré et Xavier et en défense par la SCP Monod et Colin pour M. Hervé ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces produites, que M. Laurent Fabius, Mme Georgina Dufoix et M. Edmond Hervé ont été renvoyés devant la Cour de justice de la République pour avoir notamment, alors qu'ils étaient respectivement Premier ministre, ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale et secrétaire d'Etat à la Santé, causé involontairement la mort de Sarah A... et une incapacité de travail pendant plus de 3 mois à Mme X... ; qu'au cours des débats, l'avocat de cette dernière a déposé des conclusions de constitution de partie civile, sans former de demande de réparation pécuniaire ; que le président lui a alors rappelé les termes de l'article 13 de la loi organique du 23 novembre 1993, excluant toute constitution de partie civile devant la Cour de justice de la République ; qu'ensuite Mme X... a été entendue comme témoin ;

En cet état :

Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 26 de la loi organique du 23 novembre 1993, 2, 418, 419, 423, 591 à 593 du Code de procédure pénale, déni de justice, excès de pouvoir :

" en ce qu'il résulte de l'arrêt attaqué (p. 16 in fine) qu' "à la reprise de l'audience publique, le 16 février 1999 à 10 heures 05, maître Honnorat, du barreau de Paris, demande à se constituer partie civile au nom de Mme Sylvie X... et le président lui rappelle les termes de l'article 13 de la loi organique du 23 novembre 1993 qui exclut toute constitution de partie civile devant la Cour de justice de la République", et que Mme X... a ainsi été écartée des débats sans que la Cour statue sur la recevabilité de sa constitution de partie civile ;

" alors que toute personne qui s'est constituée partie civile, sa constitution serait-elle irrecevable, a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal établi par la loi ; qu'en écartant des débats Mme Sylvie X..., contaminée par le virus du SIDA le 2 août 1985 par un don du sang prélevé le 13 juillet 1985 et non testé, alors que celle-ci s'était constituée partie civile, sans que la Cour ait statué sur la recevabilité de son action, monsieur le président de la Cour de justice de la République a commis un déni de justice et a privé Mme X... de son droit à un procès équitable ; que la cassation est encourue de ce chef ;

" alors qu'aux termes de l'article 26 de la loi organique du 23 novembre 1993, "dans la mesure où il n'y est pas dérogé par le présent chapitre, les règles fixées par le Code de procédure pénale concernant les débats et les jugements en matière correctionnelle sont applicables devant la Cour de justice de la République" ; qu'aux termes de l'article 419 du Code de procédure pénale, "la déclaration de constitution de partie civile se fait... pendant l'audience par déclaration consignée par le greffier" ; qu'en l'espèce, l'existence de cette déclaration résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué (p. 16 in fine) ; qu'en conséquence, Mme Sylvie X... s'est constituée partie civile à l'audience ; qu'aux termes de l'article 423 du Code de procédure pénale, "le tribunal apprécie la recevabilité de la constitution de partie civile et, s'il échet, déclare cette constitution irrecevable" ; qu'aucune disposition de la loi organique n'écarte l'application de ce texte ; qu'à supposer même que la constitution de partie civile de Mme X... ne soit pas recevable, il appartenait à la seule Cour de justice de la République de la déclarer irrecevable ; qu'en écartant des débats Mme Sylvie X... sans que la Cour ait jugé irrecevable son action, monsieur le président de la Cour de justice de la République a excédé ses pouvoirs ; que la cassation est encourue de ce chef " ;

Sur le second moyen, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 13 et 26 de la loi organique du 23 novembre 1993, 2, 418, 419, 423, 591 à 593 du Code de procédure pénale :

" en ce qu'il résulte de l'arrêt attaqué (p. 16 in fine) qu' "à la reprise de l'audience publique, le 16 février 1999 à 10 heures 05, Maître Honnorat, du barreau de Paris, demande à se constituer partie civile au nom de Mme Sylvie X... et le président lui rappelle les termes de l'article 13 de la loi organique du 23 novembre 1993 qui exclut toute constitution de partie civile devant la Cour de justice de la République" ;

" alors que si, aux termes de l'article 13 de la loi organique du 23 novembre 1993, les victimes ne peuvent pas se constituer partie civile pour mettre en mouvement l'action publique et ne peuvent demander la réparation de leurs dommages que devant les juridictions de droit commun, l'intervention de la partie civile peut n'être motivée que par le souci de corroborer l'action publique ; que les dispositions du chapitre III de la loi organique n'apportant aucune restriction à l'application des règles de la procédure correctionnelle touchant à la constitution de partie civile dans la phase de jugement, les victimes sont recevables à se constituer partie civile pour corroborer l'action publique alors même que la réparation du dommage causé par l'infraction échappe à la compétence de la Cour de justice de la République ; que la cassation est encourue de ce chef ;

" alors qu'à supposer même que la loi organique du 23 novembre 1993 interdise toute constitution de partie civile devant la Cour de justice de la République alors que l'action publique a déjà été mise en mouvement, cette disposition prive Mme X... de la possibilité de soutenir devant un tribunal que les ministres, poursuivis pour blessures involontaires, ont commis une faute qui lui a causé un dommage, puisqu'en matière de blessures involontaires, la faute civile est identique à la faute pénale ; que la relaxe dont ont bénéficié M. Fabius et Mme Dufoix prive ainsi Mme X... de la possibilité d'engager leur responsabilité devant un tribunal ; qu'en outre, la victime d'une atteinte corporelle d'une exceptionnelle gravité doit pouvoir avoir accès au tribunal qui juge les personnes poursuivies pénalement du fait de cette atteinte ; qu'en conséquence, l'article 13 de la loi organique du 23 novembre 1993 qui dispose qu'"aucune constitution de partie civile n'est recevable devant la Cour de justice de la République" est incompatible avec le principe du droit à un tribunal garanti par les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; que la cassation est encourue de ce chef " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'aux termes de l'article 13, alinéa 2, de la loi organique du 23 novembre 1993, aucune constitution de partie civile n'est recevable devant la Cour de justice de la République ;

Qu'en premier lieu, cette disposition déroge aux règles fixées par le Code de procédure pénale pour les débats en matière correctionnelle et applicables à la Cour de justice en vertu de l'article 26 de la loi précitée ;

Qu'en second lieu, si ce même article exclut toute constitution de partie civile, il réserve aux victimes la possibilité de porter l'action en réparation de leurs dommages devant les juridictions de droit commun et de faire ainsi trancher toute contestation sur leurs droits civils ;

Que le moyen tiré de la violation de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé ;

Attendu que, si c'est à tort que la Cour n'a pas statué sur la recevabilité de la constitution de partie civile, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure dès lors qu'il n'a pas été porté atteinte à un intérêt qui aurait été reconnu par la loi à Mme X... ;

Par ces motifs :

DÉCLARE IRRECEVABLES les pourvois de Mme Hélène Y... et de M. Peter Z... ;

REJETTE le pourvoi de Mme Sylvie X.


Sens de l'arrêt : Irrecevabilité et rejet

Analyses

ACTION CIVILE - Partie civile - Constitution - Cour de justice de la République - Irrecevabilité - Atteinte au principe du droit à un tribunal, garanti par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (non).

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6.1 - Action civile - Partie civile - Constitution - Cour de justice de la République - Irrecevabilité - Atteinte au principe du droit à un tribunal (non)

COUR DE JUSTICE DE LA REPUBLIQUE - Action civile - Partie civile - Constitution - Irrecevabilité - Article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - Atteinte au principe du droit à un tribunal (non)

Aux termes de l'article 13, alinéa 2, de la loi organique du 23 novembre 1993, aucune constitution de partie civile n'est recevable devant la Cour de justice de la République. Cette disposition déroge aux règles qui ont été fixées par le Code de procédure pénale pour les débats en matière correctionnelle et qui sont applicables à la Cour de justice en vertu de l'article 26 de la loi précitée. Si ce même article exclut toute constitution de partie civile, il réserve aux victimes la possibilité de porter l'action en réparation de leurs dommages devant les juridictions de droit commun et de faire ainsi trancher toute contestation sur leurs droits civils. Le moyen tiré de la violation de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est donc pas fondé.


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6.1
Loi organique du 23 novembre 1993 art. 13 alinéa 2, art. 26

Décision attaquée : Cour de justice de la République, 09 mars 1999


Publications
Proposition de citation: Cass. Ass. Plén., 21 jui. 1999, pourvoi n°99-81927, Bull. civ. criminel 1999 N° 139 p. 376
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles criminel 1999 N° 139 p. 376
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Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard, président doyen remplaçant le Premier président empêché
Avocat général : Avocat général : M. Di Guardia.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Milleville, assisté de Mme Tardif, auditeur.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Monod et Colin, la SCP Boré et Xavier.

Origine de la décision
Formation : Assemblee pleniere
Date de la décision : 21/06/1999
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 99-81927
Numéro NOR : JURITEXT000007071397 ?
Numéro d'affaire : 99-81927
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;1999-06-21;99.81927 ?
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