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16/06/1999 | FRANCE | N°98-81940

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 juin 1999, 98-81940


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de Me BALAT, de Me LUC-THALER, de Me ODENT et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Robert,

- La compagnie GAN VIE,

- B... Gérard,>
- Y... Paul, partie civile,

- Y... Emilie, partie civile,

- A... Jean-Louis, partie civile,
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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de Me BALAT, de Me LUC-THALER, de Me ODENT et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Robert,

- La compagnie GAN VIE,

- B... Gérard,

- Y... Paul, partie civile,

- Y... Emilie, partie civile,

- A... Jean-Louis, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 5 mars 1998, qui, pour escroquerie et abus de confiance, a condamné Robert X... à 2 ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans, et Gérard B... à 30 mois d'emprisonnement dont 12 mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans, a prononcé, à leur encontre, l'interdiction d'exercer toutes activités d'assurances pendant 5 ans et a statué sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, présenté par Robert X..., pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que Robert X... fait grief à la cour d'appel de l'avoir condamné sur le fondement d'informations mensongères et à la suite d'une information incomplète ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le premier moyen de cassation, présenté pour Gérard B... et pris de la violation des articles 408 de l'ancien Code pénal, 314-1 du Code pénal, 388 et 593 du Code de procédure pénale, excès de pouvoirs, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gérard B... coupable d'abus de confiance commis au préjudice de Jean-Louis A... concernant notamment une somme de 500 000 francs remise par le versement d'un chèque daté du 12 janvier 1993 (D 307) ;

"alors que les juges ne peuvent légalement se prononcer que sur les faits dont ils sont régulièrement saisis, sauf s'il est constaté que le prévenu a accepté le débat sur les faits nouveaux ; que Gérard B... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel par ordonnance datée du 11 septembre 1995 aux termes de laquelle il lui était, entre autres, reproché "d'avoir à Toulouse, courant 1991 et 1992, détourné au préjudice de Jean-Louis A..., des fonds (...), en l'espèce, 1 117 000 francs qui lui avaient été remis à charge d'en faire un usage déterminé ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait déclarer le prévenu coupable d'avoir détourné le montant d'un chèque n° 4810211 d'un montant de 500 000 francs, daté du 12 janvier 1993 et émis à cette date par Jean-Louis A..., sans avoir au préalable recueilli l'accord de Gérard B... pour être jugé sur des faits dont elle n'était pas saisie comme commis en 1993 ;

qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a excédé sa saisine et n'a pas légalement justifié la déclaration de culpabilité" ;

Attendu qu'il ne résulte pas de l'arrêt ni des pièces de procédure que Gérard B..., déclaré coupable d'abus de confiance par le tribunal pour avoir, notamment, détourné une somme de 500 000 francs que Jean-Louis A... lui avait remise par un chèque en date du 13 janvier 1993, ait prétendu, devant la cour d'appel, qu'il n'était pas poursuivi pour ce fait ;

Attendu que, faute d'avoir été proposé devant les juges du fond, le moyen, mélangé de fait, est nouveau et, comme tel, irrecevable ;

Sur le second moyen de cassation, présenté pour Gérard B... et pris de la violation des articles 405 de l'ancien Code pénal, 313-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction et défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable d'avoir commis un délit d'escroquerie au préjudice de la compagnie Gan et l'a condamné de ce chef ;

"aux motifs qu'il est fait grief aux prévenus d'avoir trompé la compagnie Gan en effectuant des placements en primes annuelles et primes uniques (manoeuvres frauduleuses) et d'avoir déterminé ainsi la remise de commission majorée sur les dossiers Y..., Guirandies et A... pour un montant de 500 000 francs ; que c'est lors de la souscription du contrat qu'il convient de se placer pour apprécier l'existence de cette infraction ; qu'à cette époque, le Gan ne dispose d'aucun moyen de dépister le dévoiement mis en place de ces contrats, susdécrits ; que l'établissement frauduleux de ces contrats entraînait la remise de fonds à ses auteurs non seulement par les clients mais également par la compagnie à titre de rémunération ; que la présentation de contrats obtenus frauduleusement caractérise bien une manoeuvre frauduleuse à l'égard de la compagnie qui en est la victime dès lors qu'elle est, de ce seul fait, déterminée à remettre des commissions élevées ; que l'absence de contre-signature d'un agent n'est pas un vice significatif sachant que Robert X... n'aurait pas manqué de l'apposer si cela avait été demandé ;

"alors que l'arrêt attaqué n'a pu, sans contradiction, tout à la fois, déclarer qu'au jour de la souscription des contrats établis par le prévenu, le Gan ne disposait d'aucun moyen pour dépister le dévoiement mis en place de ces contrats, à savoir la simultanéité entre des contrats à prime unique et ceux à prime annuelle et avait donc été victime de l'établissement frauduleux de ces contrats et, par ailleurs, expressément constater que seule la signature de Gérard B..., dépourvu de toute qualité de mandataire ou de salarié du Gan, figurait sur les contrats litigieux et qu'il manquait la contre-signature de l'un des deux agents, circonstance qui démontrait par là même que cet élément constituait, en soi, un indice permettant de s'interroger sur l'absence de qualité de signataire et sur le caractère ambigu desdits contrats ;

qu'en se prononçant comme elle l'a fait, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs qui prive l'arrêt attaqué de toute base légale" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'escroquerie commis au préjudice de la compagnie Gan, dont elle a déclaré Gérard B... coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le premier moyen de cassation, présenté pour la compagnie Le Gan Vie et pris de la violation des articles 1384 du Code civil, L. 511-1, R. 511-1 et R. 511-2 du Code des assurances, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la compagnie d'assurances Le Gan Vie civilement responsable des agissements commis au préjudice des parties civiles par Gérard B... ;

"aux motifs propres qu'aux termes de l'article L. 511-1, alinéa 2, du Code des assurances, lorsque la présentation d'une opération d'assurances est effectuée par une personne habilitée, l'employeur ou mandant est civilement responsable, dans les termes de l'article 1384 du Code civil, du dommage causé par sa faute, l'imprudence ou la négligence de ses employées ou mandataires agissant en cette qualité, lesquels sont considérés, pour l'application du présent article, comme des préposés, nonobstant toute convention contraire ;

qu'aux termes de l'article R. 511-1 du Code des assurances, est considérée comme présentation d'une opération d'assurances le fait de solliciter ou recueillir la souscription d'un contrat d'assurances ou de capitalisation ou l'adhésion à un tel contrat ou d'exposer oralement ou par écrit à un souscripteur ou adhérent éventuel, en vue de cette souscription ou adhésion, les conditions de garantie d'un tel contrat ;

qu'il résulte de l'article L. 511-2 du Code des assurances que ces opérations ne peuvent être présentées que par 2 ) les personnes titulaires d'un mandat d'agent général, 4 ) les personnes physiques non salariées mandatées à cet effet soit par l'entreprise d'assurances soit par l'agent général d'assurances ; que de ces règles, il se déduit, pour la situation du cas d'espèce, en premier lieu, que la compagnie Gan est tenue des fautes de son agent Robert X..., en second lieu, qu'elle n'est pas tenue des fautes de Gérard B... si celui-ci est seulement considéré comme sous-agent non salarié mandaté par Robert X... ; que les dispositions de l'article 1384 du Code civil auquel renvoie l'article L. 511-1 sont insérées dans le livre III, titre IV, chapitre II du Code civil dans les termes de l'article 69 du Code pénal applicable au moment des faits, article qui n'est pas repris dans le nouveau Code pénal ; que le mandat apparent ne tend qu'à l'application, au bénéfice du tiers de bonne foi, des règles du mandat sur l'engagement du mandant par les actes du mandataire dans le cas où celui-ci est démuni de pouvoirs réels, y compris de l'habilitation ; qu'en matière d'assurances, il tend donc à l'application de l'article L. 511-1 en présence d'un mandat ; qu'il appartient, en toute hypothèse, à la juridiction pénale de qualifier les relations contractuelles des parties dès lors qu'en dépend la solution du litige qu'il lui revient de trancher sur les responsabilités découlant de l'infraction ; que c'est ainsi à tort que la compagnie Gan objecte de l'irrecevabilité devant la juridiction pénale des demandes présentées sur ce fondement ; qu'en outre, le fondement juridique de la responsabilité civile du fait d'autrui susceptible d'être engagée à l'occasion des faits donnant lieu à poursuites pénales n'est plus, au jour où les juridictions du fond sont appelées à statuer, limité par une disposition légale spéciale, l'article 69 du Code pénal ayant été abrogé ; qu'il ressort de l'analyse des faits que Gérard B... ne remplissait pas le rôle d'un simple indicateur d'assurances mais bien celui d'une personne non salariée mandatée pour présenter des opérations d'assurances dans les termes susvisés du Code des assurances, sauf l'habilitation ; que, usant des formulaires de la compagnie dont il représentait les intérêts, recueillant lui-même les signatures des propositions de contrat dans tous les cas, signant lui-même et remettant aux clients les notes de couvertures du Gan, toutes opérations se présentant ainsi en conformité aux usages en la matière, il agissait bien en la qualité apparente pour les tiers de mandataire direct et habilité de la compagnie ; qu'en outre, d'une part, il était installé dans les bureaux de l'agence générale où les clients étaient reçus et disposait de son personnel, d'autre part, son intervention était systématiquement confirmée auprès de la clientèle par Robert X... ; que, de la sorte, la croyance des clients en la régularité de ses pouvoirs était particulièrement excusable et légitime, et l'ensemble de ces circonstances autorisait les tiers à ne pas vérifier la réalité des pouvoirs réellement détenus, sans qu'aucune faute ne puisse être retenue à leur charge ; que, par ailleurs, s'il est effectivement établi que Paul Y... comme Jean-Louis A... ont pu, de façons différentes, entretenir avec Gérard B... des relations qui étaient étrangères aux contrats souscrits avec le Gan, de nature

personnelle, cela n'exclut nullement qu'ils aient pu croire légitimement qu'il agissait en qualité de mandataire de la compagnie lorsqu'ils traitaient ensemble de ces contrats ; que c'est ainsi par une exacte application des règles de droit à une situation de fait exactement appréciée que le tribunal a retenu que la compagnie se trouvait engagée sur le fondement d'un mandat apparent pour tous les actes accomplis par Gérard B... sous le couvert de celui-ci, lesquels n'exigent pas la démonstration d'un lien de subordination, que cette responsabilité soit appréciée par le seul recours du mandat apparent, ou au travers de l'article 1384 par renvoi de l'article L. 511-1 du Code des assurances qui répute préposé le mandataire ;

qu'au surplus, les conditions fautives dans lesquelles il a pu se présenter comme mandataire du Gan, ainsi qu'il résulte des motifs du présent arrêt sur l'action publique, sont directement imputables à la faute de Robert X..., qui connaissait Gérard B... de longue date, lui avait donné tous pouvoirs d'agir en ses lieu et place avec des instructions frauduleuses tant au niveau du dévoiement des contrats qu'au niveau du détournement de la clientèle de ses anciens employeurs, et lui avait confié l'apparence de l'ensemble de ses pouvoirs, en lui confiant les supports matériels des contrats du Gan et en l'installant même dans les bureaux de l'agence générale et mettant son personnel à sa disposition, faute personnelle de l'agent général qui couvre l'ensemble des agissements frauduleux commis dans ce contexte, et qui, en tant que telle, engage du chef de Robert X... la responsabilité civile de la compagnie à raison de l'ensemble des agissements de Gérard B... commis sous le couvert de son mandat ; que, si les dispositions de l'article L. 511-1, d'interprétation stricte, ne peuvent pas engager directement la responsabilité du mandant à raison des fautes d'un sous-mandataire, il en est autrement lorsque les fautes du sous-mandataire ne font que révéler celles du mandataire lui-même qui les a directement induites ou provoquées (arrêt, pages 33 et 36) ;

"1 ) alors que la responsabilité du commettant prévue par l'article 1384 du Code civil, auquel renvoie l'article L. 511-1 du Code des assurances, ne peut naître sans qu'il existe entre le commettant et le préposé des rapports d'autorité et de subordination qui doivent être réels et ne peuvent résulter d'une situation de pure apparence ;

"qu'en l'espèce, il est constant que Gérard B... n'était pas habilité, en qualité d'agent général du Gan, à faire souscrire des contrats d'assurances pour cette compagnie ;

"qu'ainsi, en estimant que la responsabilité civile de cette dernière était engagée sur le fondement du mandat apparent par tous les actes frauduleux accomplis par Gérard B... sous le couvert de celui-ci, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

"2 ) alors que seuls peuvent engager la responsabilité civile de l'agent général, et en cas de faute de ce dernier, celle de la compagnie d'assurances, le sous-mandataire de l'agent, tenu de rendre compte de sa gestion à ce dernier, ou le salarié de l'agent, lié par un rapport de subordination ;

"qu'en l'espèce, il résulte des propres motifs de l'arrêt attaqué que Gérard B... agissait grâce aux moyens mis à sa disposition par Robert X..., agent général, qui, loin de lui donner des ordres et instructions pour la conduite des affaires et, notamment, la souscription des contrats d'assurances, lui avait donné tous pouvoirs d'agir en ses lieu et place auprès des clients, de sorte qu'en cet état, Gérard B..., nonobstant l'apparence, n'intervenait ni en qualité de subordonné de Robert X..., ni comme sous-mandataire de ce dernier auquel il n'était pas tenu de rendre compte de sa gestion et ne pouvait donc, par ses agissements frauduleux, engager la responsabilité civile de la compagnie sur le fondement des textes susvisés ;

"qu'ainsi, en estimant, pour juger le contraire, que Gérard B... agissait comme sous-mandataire de Robert X... dont les fautes engageaient la compagnie, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Sur le second moyen de cassation, présenté pour la compagnie Le Gan Vie et pris de la violation des articles L. 511-1, R. 511-1 et R. 511-2 du Code des assurances, 1384 du Code civil, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la compagnie d'assurances Le Gan Vie civilement responsable des agissements commis au préjudice des parties civiles par Gérard B... ;

"aux motifs que, en application des articles L. 511-1, R. 511-1 et R. 511-2 du Code des assurances, la compagnie Gan n'était pas tenue des fautes de Gérard B... si celui-ci était seulement considéré comme sous-agent non salarié mandaté par Robert X... ; que le mandat apparent ne tendait qu'à l'application, au bénéfice du tiers de bonne foi, des règles du mandat sur l'engagement du mandant par les actes du mandataire dans le cas où celui-ci était démuni de pouvoirs réels, y compris l'habilitation et que, par voie de conséquence, en matière d'assurances, il tendait donc à l'application de l'article L. 511-1 en présence d'un mandat ; qu'il ressortait de l'analyse des faits que Gérard B... ne remplissait pas le rôle d'un simple indicateur d'assurances, mais bien celui d'une personne non salariée mandatée pour présenter des opérations d'assurances dans les termes susvisés du Code des assurances, sauf l'habilitation ; que, usant des formulaires de la compagnie dont il représentait les intérêts, recueillant lui-même et remettant aux clients les notes de couverture du Gan, toutes opérations se présentant ainsi en conformité aux usages en la matière, il agissait bien en la qualité apparente, pour les tiers, de mandataire direct et habilité de la compagnie ; qu'en outre, d'une part, il était installé dans les bureaux de l'agence générale où les clients étaient reçus et disposait de son personnel, d'autre part, son intervention était systématiquement confirmée auprès de la clientèle par Robert X... ; que, de la sorte, la croyance des clients en la régularité de ses pouvoirs était particulièrement excusable et légitime, et l'ensemble de ces circonstances autorisait les tiers à ne pas vérifier la réalité des pouvoirs réellement détenus, sans qu'aucune faute ne puisse être retenue à leur charge ; que, s'il était effectivement établi que Paul Y... comme Jean-Louis A... avaient pu, et de façons différentes, entretenir avec Gérard B... des relations qui étaient étrangères aux contrats souscrits avec le Gan, de nature personnelle, cela n'excluait nullement qu'ils eussent pu croire légitimement qu'il agissait en qualité de mandataire de la compagnie lorsqu'ils traitaient ensemble de ces contrats ; que le tribunal avait, à bon droit, retenu que la compagnie se trouvait engagée sur le fondement d'un mandat apparent par tous les actes accomplis par Gérard B... sous le couvert de celui-ci, lesquels n'exigeaient pas la démonstration d'un lien de subordination, que cette responsabilité soit appréciée par le seul recours du (sic) mandat apparent, ou au travers de l'article 1384 par renvoi de l'article L. 511-1 du Code des assurances qui répute préposé le mandataire ;

"alors, d'une part, que l'article L. 511-1, alinéa 2, du Code des assurances ne pose le principe de la responsabilité civile de l'assureur pour les présentations d'opérations d'assurances qu'à raison des fautes commises par les employés ou mandataires agissant en cette qualité, c'est-à-dire spécialement habilités par la compagnie à effectuer lesdites opérations ; que, par conséquent, ce texte exclut que l'assureur puisse voir sa responsabilité civile engagée à raison d'agissements de personnes qu'il n'aurait pas lui-même employées ou mandatées ; qu'en l'espèce, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que Gérard B... n'a jamais été employé ni mandaté par le Gan pour présenter des opérations d'assurances ; que, dès lors, cette compagnie n'avait pas à répondre des agissements de Gérard B... ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 511-1, alinéa 2, ensemble les articles R. 511-1 et R. 511-2 du Code des assurances ;

"alors, d'autre part, que, dans la mesure où un texte spécial a été édicté pour limiter la responsabilité civile de l'assureur du fait de ses mandataires aux seuls cas où ceux-ci ont été spécialement habilités par lui à présenter des opérations d'assurances, cela implique qu'en aucun cas, la responsabilité civile de l'assureur puisse être recherchée et, a fortiori, engagée, à raison de faits commis par une personne avec laquelle il n'a établi aucun lien réel ou apparent ; que la Cour, qui constate que Gérard B... n'avait aucune habilitation du Gan (p. 35, 1er) et qu'il était mandaté par Robert X... (p. 34, 6), a donc, à tort, mis à la charge de la compagnie Le Gan la réparation des dommages causés par Gérard B... à raison de ses agissements ; qu'ainsi, la Cour a violé l'article L. 511-1, alinéa 2, ensemble les articles R. 511-1 et R. 511-2 du Code des assurances ;

"alors, de troisième part, que l'apparence ne peut engager la responsabilité de l'assureur à raison des agissements d'une personne non habilitée par lui que si l'apparence créée est son fait et qu'il a lui-même considéré le sous-agent comme son mandataire ; qu'en l'espèce, il ne résulte d'aucune des énonciations de l'arrêt attaqué que le Gan eût jamais considéré Gérard B... comme son mandataire ; qu'il n'en résulte pas non plus qu'il ait mis celui-ci en mesure d'exercer son activité et de le représenter en lui fournissant les moyens matériels de le faire ; qu'en retenant, néanmoins, la responsabilité du Gan sur le fondement de l'apparence, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 511-1, alinéa 2, ensemble les articles R. 511-1 et R. 511-2 du Code des assurances" ;

Sur le premier moyen présenté pour Paul et Emilie Y... et pour Jean-Louis A..., pris de la violation des articles L. 511-1 du Code des assurances, 1384, alinéa 5, du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a refusé de prononcer la condamnation solidaire de la compagnie Gan Vie au titre de la condamnation solidaire de 500 000 francs retenue à l'encontre de Gérard B... et Claire Z... au profit de Jean-Louis A... ;

"aux motifs que le Gan se trouvait "engagé sur le fondement du mandat apparent pour tous les actes accomplis par Gérard B... sous le couvert de celui-ci, lesquels n'exigent pas la démonstration d'un lien de subordination ; que cette responsabilité soit appréciée par le seul recours du mandat apparent ou à travers de l'article 1384 par envoi de l'article L. 511-1 du Code des assurances qui répute préposé le mandataire" ; qu'au surplus, les conditions fautives dans lesquelles Gérard B... a pu se présenter comme mandataire du Gan sont imputables à Robert X..., agent général du Gan ; que la responsabilité de celui-ci est engagée tant pour les agissements de Robert X... que pour ceux de Gérard B..., même sans faute de sa part (arrêt p. 35, dernier alinéa et suivants) ; mais qu'en ce qui concerne la somme de 500 000 francs, "autant elle est à bon droit réclamée contre Gérard B..., auteur de son détournement, autant elle n'est pas susceptible d'engager la responsabilité civile du Gan dès lors qu'elle a manifestement été remise hors le contexte du mandat apparent puisqu'elle provenait précisément du rachat de l'ensemble des contrats souscrits au Gan, et ainsi d'une rupture avec cette compagnie au début du mois de janvier 1993 (...) et qu'elle tendait à un placement d'une nature différente sans que la moindre référence au Gan y apparaisse (...)" (arrêt p. 38, 4) ;

"alors que la cour d'appel, qui a retenu la responsabilité civile du Gan vis-à-vis des parties civiles pour les agissements de son mandataire apparent, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient en refusant de prononcer la condamnation solidaire du civilement responsable avec le prévenu et s'est contredite en énonçant que ledit mandataire apparent avait agi hors de ses fonctions dans le cadre du détournement constaté" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer le Gan civilement responsable des dommages résultant des infractions commises par Gérard B... à l'égard des clients de la compagnie, à l'exception de l'abus de confiance portant sur une somme de 500 000 francs, commis au préjudice de Jean-Louis A..., la cour d'appel relève que le prévenu exerçait son activité dans les bureaux du Gan et avec l'assistance de son personnel, qu'il usait des formulaires de cette compagnie, signait les contrats et remettait aux clients les notes de couverture du Gan, et que les tiers pouvaient ainsi légitimement croire qu'il avait la qualité de mandataire de la compagnie ; qu'en ce qui concerne le détournement de la somme de 500 000 francs, elle précise que cette infraction n'est pas susceptible d'engager la responsabilité civile du Gan, ladite somme, qui tendait à un placement d'une nature différente sans que la moindre référence au Gan y apparaisse, ayant manifestement été remise hors le contexte du mandat apparent ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui caractérisent l'existence d'un mandat apparent, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués, dès lors qu'en application des articles L. 511-1 du Code des assurances et 1384 du Code civil, l'assureur est responsable des dommages commis par son mandataire réel ou apparent agissant en cette qualité ;

Qu'ainsi, les moyens doivent être écartés ;

Sur le second moyen de cassation, présenté pour Paul et Emilie Y... et pour Jean-Louis A..., pris de la violation des articles 1153, 1996 du Code civil, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a refusé de confirmer le jugement entrepris sur le point de départ des intérêts légaux des sommes allouées aux parties civiles à titre de dommages-intérêts à compter des versements ;

"aux motifs que "s'agissant pour les époux Baylac et Jean-Louis A... des créances délictuelles, les intérêts au taux légal courent sur les sommes allouées par la Cour à compter du jugement pour la part qui en est confirmée par le présent arrêt" ;

"alors qu'en vertu de l'article 1996 du Code civil, le mandataire doit l'intérêt des sommes qu'il a employées à son usage, à dater de cet emploi ; qu'en fixant le point de départ des intérêts légaux à compter du jugement et non à compter des versements faits au mandataire apparent comme l'avaient retenu les premiers juges, et sans justifier cette réformation, la cour d'appel a violé le texte précité" ;

Attendu que la cour d'appel ayant relevé que les indemnités allouées à Paul et Emilie Y... et Jean-Louis A... avaient un caractère délictuel, c'est par l'application exacte de l'article 1153 du Code civil qu'elle les a assortis d'intérêts au taux légal à compter du jugement pour la part confirmée par l'arrêt ;

Que le moyen doit donc être rejeté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Soulard conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Cotte ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-81940
Date de la décision : 16/06/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

RESPONSABILITE CIVILE - Commettant préposé - Compagnie d'assurances - Sous-agent non salarié - Mandataire apparent - Eléments d'appréciation.


Références :

Code civil 1384
Code des assurances L511-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, 05 mars 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 jui. 1999, pourvoi n°98-81940


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.81940
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