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08/06/1999 | FRANCE | N°98-83904

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 juin 1999, 98-83904


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de Me FOUSSARD, de la société civile professionnelle ROUVIERE et BOUTET et de Me Olivier de NERVO, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE DES TRAVAILLEURS SALAR

IES (CNAMTS),

- LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA

CHARENTE MARITIME...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de Me FOUSSARD, de la société civile professionnelle ROUVIERE et BOUTET et de Me Olivier de NERVO, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE DES TRAVAILLEURS SALARIES (CNAMTS),

- LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA

CHARENTE MARITIME,

parties civiles, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de LYON, en date du 20 février 1998, qui, dans l'information suivie contre Emile Z..., André X... et Jean-Claude Y... pour escroqueries et complicité d'escroqueries, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;

Vu les mémoires en demande et le mémoire en défense produits ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé pour la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et pris de la violation des articles 121-7, 313-1 et suivants du Code pénal, 405 du Code pénal ancien, ensemble les articles 575, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a décidé qu'il n'y avait lieu de suivre des chefs d'escroquerie et de complicité d'escroquerie imputés à Emile Z..., André X... et Jean-Claude Y... ;

"aux motifs que l'information, qui a été menée de manière complète, n'a pas établi que des escroqueries aient été commises au préjudice des caisses primaires d'assurance maladie ;

qu'en l'espèce, il est reproché au Docteur Z..., médecin-orthopédiste, d'avoir, de 1989 à 1991, facturé aux caisses primaires d'assurance maladie les prothèses qu'il implantait sur ses patients à un prix surévalué et d'avoir perçu en contrepartie des fournisseurs de prothèses, notamment les sociétés CLIMO et SERF, des commissions encaissées par la société SPMC dont il était le gérant ; que jusqu'au mois de mars 1992, date à laquelle a été mis en application le Tarif interministériel des prestations sanitaires (TIPS, les factures de prothèse étaient réglées aux fournisseurs par les organismes sociaux en même temps que les autres frais engagés lors des opérations et sans référence à un barème indicatif ;

qu'ainsi, les médecins orthopédistes disposaient d'une totale liberté quant au choix et au prix des prothèses, sous la seule réserve de l'obligation d'économie édictée par l'article L. 162-4 du Code de la sécurité sociale ; que Jean-Claude Y..., P.D.G. de la société CLIMO à l'époque des faits, et André X..., dirigeant de la société SERF, tous les deux fournisseurs de prothèses, ont contesté avoir émis au profit des chirurgiens orthopédistes des factures surévaluées mais ont admis que, soit en raison d'études et de recherches effectuées par ces médecins pour leur permettre d'améliorer leur production, soit en raison de l'exploitation de brevets, ils avaient versé des sommes d'argent aux chirurgiens auxquels ils fournissaient des prothèses ; qu'ils ont justifié en outre de ce que l'intégralité des sommes ainsi versées avaient fait l'objet d'une prise en compte comptable et d'une déclaration à l'administration fiscale selon le formulaire DAS-2 "Etat des honoraires, vacation, commissions, courtages, ristournes et jetons de présence, droit d'auteur et d'inventaire" ; qu'à l'appui de ses dires, Jean-Claude Y... a produit 170 dossiers concernant des médecins orthopédistes répartis sur l'ensemble du territoire national qui avaient été liés pour la plus grande majorité à la société CLIMO par un contrat d'étude et de recherche (annexes I à VI) ; que parmi ces médecins, a figuré le Docteur Z... qui a remis copie de deux brevets déposés et des travaux effectués pour la société CLIMO (D. 41 à 46) ; que, pour sa part, André X... a déposé entre les mains du magistrat instructeur les copies des pièces justifiant les sommes versées à certains médecins soit au titre de recherches, soit au titre de licences ou brevets (annexes IX) ;

qu'il ressort des investigations effectuées que nombre de médecins entendus ont confirmé la réalité des contrats d'étude et de recherche tant pour le compte de la société CLIMO (D. 52, 58, 84, 114, 133, 156, 205, 207, 211, 215-5, 243, 253, 277, 285, 305, 308) que pour le compte de la société SERF (D. 85, 226, 234, 244), cette dernière exploitant par ailleurs des licences ou brevets (D. 177, 178, 215-3, 215-4) ; qu'au cours de leurs différentes vérifications, les enquêteurs des services régionaux de police judiciaire de Toulouse et de Strasbourg ont relevé, pour les premiers, que "si l'enquête a pu démontrer que des travaux avaient été bien exécutés par les médecins dont ils avaient la maîtrise, le rapport entre travail effectué et importance des honoraires perçus des fournisseurs reste subjectif quant à son appréciation" (D. 15), et les seconds, qu' "il n'apparaît pas d'éléments de délit dans le cadre de la présente enquête" (D. 34) ;

qu'au soutien de leur affirmation quant à l'absence de surfacturation, Jean-Claude Y... comme André X... ont expliqué que la mise en place du TIPS en 1992 n'avait provoqué ni hausse ni baisse du prix des prothèses ; qu'André X... a produit à titre d'exemple un tableau comparatif du coût d'une prothèse de la hanche entre 1989 et 1991 avec le prix fixé depuis 1992 par le TIPS et d'où il ressort que les tarifs pratiqués par la société SERF se sont avérés souvent inférieurs (annexes IX, pièce II-1) ; que de son côté, la société CLIMO a produit le catalogue de ses tarifs pour les années 1990 et 1991 ainsi que le relevé des factures des trente établissements les plus importants parmi ses clients pour justifier du respect des prix annoncés (annexes IV) ; que, par ailleurs, les caisses primaires d'assurance maladie parties civiles n'ont pas apporté d'éléments précis démontrant la réalité d'une surfacturation ; que, bien plus, certaines caisses, contactées dans le cadre d'une commission rogatoire du 11 septembre 1995, n'ont pu que confirmer leur impossibilité d'établir une telle surfacturation faute de posséder encore les pièces justificatives (CPAM de SAONE-ET-LOIRE, de HAUTE-GARONNE et de HAUTE-SAVOIE) ; que la CPAM de la SARTHE a expliqué qu'il "était délicat de calculer un quelconque préjudice financier" car, en 1991, le coût moyen du matériel de prothèse de la hanche sur l'ensemble des praticiens s'élevait à 23 122 francs alors que, pour la même période, le coût moyen des prothèses similaires fournies par la société SERF était de 11 600 francs ; qu'il n'est donc pas établi par ces éléments que des factures émises par la société CLIMO et SERF aient comporté une augmentation injustifiée du prix que les organismes sociaux auraient réglé ; que dès lors, il ne résulte pas de l'information de charges suffisantes à l'encontre des personnes mises en examen d'avoir commis les délits d'escroquerie et de complicité d'escroquerie au préjudice des caisses primaires d'assurance maladie ; qu'il convient, en conséquence, de confirmer l'ordonnance déférée ;

"alors que, premièrement, la chambre d'accusation doit se prononcer sur tous les faits visés dans la plainte avec constitution de partie civile, spécialement lorsque ces faits sont invoqués par la partie civile dans le mémoire qu'elle produit à l'appui de son appel ; qu'au cas d'espèce, les parties civiles invoquaient dans leurs mémoires d'appel un certain nombre de circonstances susceptibles de caractériser à la charge du Docteur Z... et des sociétés CLIMO et SERF une escroquerie ; que, notamment, elles demandaient à la chambre d'accusation de s'expliquer sur l'existence ou l'absence de contrepartie aux commissions versées par les deux sociétés ainsi que sur l'assiette des sommes ainsi versées ; que pour répondre à cette argumentation, les juges du fond se sont contentés de relever que l'information avait fait apparaître que les sociétés CLIMO et SERF étaient liées avec de nombreux praticiens par des contrats d'étude et de recherche ; que faute d'avoir recherché, au regard des données concrètes de l'espèce, si ces sociétés étaient liées avec le Docteur Z... par un contrat d'étude et de recherche et si, dès lors, les commissions versées avaient une contrepartie, réelle née de la remise de travaux par le Docteur Z..., les juges du fond ont, à cet égard déjà, entaché leur décision d'un défaut de motifs ;

"alors que, deuxièmement, et en tout cas, l'obligation imposée à la chambre d'accusation de se prononcer sur tous les faits invoqués par la partie civile s'impose d'autant plus lorsque la partie civile sollicite sur ces faits un complément d'information ;

qu'au cas d'espèce, dans leur mémoire complémentaire, les parties civiles sollicitaient un complément d'information en demandant à la chambre d'accusation de rechercher les raisons qui pouvaient justifier la différence importante qui existait entre d'une part les prix pratiqués à la Polyclinique de Saint-Georges-les-Didonne et, d'autre part, ceux facturés par les autres cliniques de la région, pour la pose des mêmes prothèses de hanche ; qu'en effet, une telle recherche aurait permis d'établir que la société CLIMO et la société SERF, avec la complicité d'Emile Z..., surfacturaient, consciemment, le prix des prothèses de hanche, afin de compenser le coût que représentait pour elles le versement des commissions et que ces manoeuvres frauduleuses avaient porté préjudice aux organismes de sécurité sociale ; que la chambre d'accusation qui n'a pas examiné ce moyen, fût-ce pour l'écarter, a entaché sa décision d'une omission de statuer" ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé pour la caisse primaire d'assurance maladie de la charente maritime et pris de la violation des articles 313-1 et 2, 121-2, 121-6, 121-7 du Code pénal, 405 ancien du Code pénal, 162-4 du Code de la sécurité sociale, 2, 3, 175, 177, 183, 184, 485, 575-2-6, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu du 28 mai 1997 disant que les infractions d'escroquerie et de complicité d'aucune qualification pénale, que dans ces conditions, il n'existe pas de charges suffisantes contre le Docteur Emile Z..., André X... et Jean-Claude Y... d'avoir commis les infractions dénoncées ;

"aux motifs que si trois praticiens ont dénoncé en 1992 les agissements du Docteur Emile Z..., PDG de la Polyclinique de Saint-Georges-les-Didonne qui aurait encaissé depuis plusieurs années des commissions des sociétés CLIMO (Jean-Claude Y... étant son PDG) et SERF (André X... étant son PDG) sur la pose de prothèses surfacturées par le fabricant, remboursés par la sécurité sociale puis objet d'une rétrocession de l'ordre de 15 % au Docteur Z..., il ressortait des différents documents remis par les parties que des conventions avaient été passées dans la majorité des cas entre les sociétés CLIMO et SERF et les médecins selon lesquels les fabricants de prothèses versaient des rémunérations ou des redevances selon les informations, études ou rapports établis ainsi que pour certain brevets ; que le Docteur Z... reconnaissait qu'il y avait eu des commissions non négligeables versées par CLIMO sans accord écrit mais qu'il s'agissait d'un contrat de recherche ; que les versements effectués par les sociétés CLIMO et SERF étaient réalisés ouvertement et apparaissaient tant dans les documents comptables que dans les déclarations fiscales ; que les praticiens ont produit des dossiers attestant de la réalité de contrats d'études et de recherches l'évaluation des honoraires perçus des fournisseurs restant subjective ; que les caisses primaires, parties civiles, n'ont pas apporté d'éléments précis démontrant la réalité d'une surfacturation ; qu'en bref, il n'est pas justifié d'une augmentation injustifiée du prix des prothèses que les organismes sociaux auraient réglée ;

"alors d'une part que la chambre d'accusation ne pouvait exclure la réalité des infractions d'escroquerie et de tentative d'escroquerie tout en constatant que le Docteur Z... avait perçu des commissions non négligeables de la société CLIMO, fabricant de prothèses, sans qu'aucun accord écrit le justifie (p. 5 4), cette pratique permettant de dissimuler les surfacturations rendues possibles par l'absence de Tarif interministériel sur les prothèses en cause ; qu'ainsi l'arrêt ne satisfait pas aux conditions de son existence légale ce qui rend le pourvoi recevable et fondé ;

"alors d'autre part que la chambre d'accusation doit prononcer sur chacun des faits dénoncés par la partie civile et qu'il ne pouvait être passé outre au mémoire de la CPAM de la Charente Maritime faisant valoir que si des commissions non justifiées par des contrats écrits étaient prétendument versées en contrepartie de recherches, il n'était pas établi que des travaux aient été remis en échange (p. 4 in fine) ; que les sommes versées à la Polyclinique dont Emile Z... était PDG par le canal de la SPMC dont Emile Z... était cette fois le gérant, avaient été calculées en fonction d'un "tarif" présenté par Emile Z... lui-même après application d'un pourcentage de l'ordre de 25 % du chiffre d'affaires réalisé (p. 5) ; que bien que la société de gestion SPMC ait été une société commerciale, elle s'était toujours présentée aux fournisseurs comme une association pour accréditer sa vocation de progrès social et de désintéressement (p. 5 in fine) que les factures adressées à la société CLIMO portaient en toutes lettres "commissions" et que calculées sur le chiffre d'affaires elles étaient en relation directe avec les sommes provenant de l'assurance maladie (p. 6 et 7) ; qu'Emile Z... avait dû reconnaître qu'en une dizaine d'années le prix des prothèses avait évolué jusqu'à représenter jusqu'à 5 à 6 fois le montant des honoraires des chirurgiens (p. 8) ;

"alors enfin que l'arrêt ne pouvait s'abstenir de répondre à la demande de complément d'information sollicitée par la CPAM postérieure au réquisitoire de M. le Procureur Général et concernant la nature des conventions, non écrites, passées entre le Docteur Z... et les sociétés CLIMO et SERF et l'absence d'un travail, contrepartie des commissions perçues, le délit étant constitué dès lors que, fût-ce une partie de la commission se trouvait répercutée sur le prix de vente soumis à la prise en charge par l'assurance maladie" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre d'accusation, après avoir analysé l'ensemble des faits dont elle était saisie et répondu aux articulations essentielles des mémoires produits par les parties civiles appelantes, a énoncé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le délit reproché, ni toute autre infraction ;

Que les demanderesses se bornent à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre d'accusation en l'absence de recours du ministère public ;

Que, dès lors, les moyens sont irrecevables, et qu'il en est de même du pourvoi, par application du texte susvisé ;

Par ces motifs ;

DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Paul Gomez président, M. Desportes conseiller rapporteur, M. Milleville conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Le Foyer de Costil ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-83904
Date de la décision : 08/06/1999
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre d'accusation de la cour d'appel de Lyon, 20 février 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 jui. 1999, pourvoi n°98-83904


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.83904
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