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08/06/1999 | FRANCE | N°98-82320

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 juin 1999, 98-82320


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, et de la société civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... Patrick,

contre l'arrêt de l

a cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, du 4 février 1998, qui, pour injures p...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, et de la société civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... Patrick,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, du 4 février 1998, qui, pour injures publiques envers un fonctionnaire public, l'a condamné à 10 000 francs d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision et a prononcé sur l'action civile ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 412-8 du Code du travail, 2 du décret n° 86-692 du 18 mars 1986 portant Code de déontologie de la Police Nationale, 54, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de l'enquête préliminaire ;

"aux motifs que, le 2 mai 1997, vers 13 heures 50, le commissaire X... a constaté la présence sur le panneau syndical CGT de l'affichage litigieux ; qu'il a immédiatement diligenté une enquête qui, bien qu'elle ne vise pas l'article 54 du Code de procédure pénale, est une enquête de flagrant délit ouverte en présence d'une infraction qui était en train de se commettre ; que, dans ces conditions, le commissaire X... était en droit de procéder à la saisie du document qui constituait le corps du délit, comme il a été procédé à 16 heures 30, après que le procureur de la République et les supérieurs hiérarchiques du commissaire X... aient été informés des faits ; que la loi du 29 juillet 1881 n'est pas exclusive de l'application des dispositions des articles 54 et suivants du Code de procédure pénale ;

"alors que les pouvoirs conférés aux officiers de police judiciaire par les articles 54 et suivants du Code de procédure pénale en cas de crimes ou délits flagrants n'ont vocation à s'exercer que dans le respect de la loi et ne sauraient autoriser la commission d'actes constitutifs d'infractions pénales comme le fait pour un officier de police judiciaire responsable d'un service de police de procéder à l'enlèvement, sous prétexte de flagrance, d'un tract apposé sur les panneaux syndicaux et considéré par lui comme injurieux à son égard, fait constitutif d'une atteinte manifeste au libre exercice du droit syndical et notamment à la liberté d'affichage consacrée par l'article 412-8 du Code du travail et dont la sanction d'éventuels abus relève de la seule autorité judiciaire garante des libertés ; qu'il s'ensuivait en l'espèce que la saisie par le commissaire X... d'un tract affiché sur le panneau syndical étant manifestement illégale au regard des règles précédemment rappelées, ne pouvait qu'entraîner la nullité de l'enquête préliminaire" ;

Attendu que, pour rejeter l'exception tirée de la nullité de l'enquête préliminaire les juges du fond retiennent que l'affiche litigieuse constituant le corps du délit, sa saisie par les enquêteurs agissant dans le cadre d'une procédure de délit flagrant entrait dans les prévisions de l'article 54 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 48 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a admis la recevabilité des poursuites intentées contre Patrick Sabre du chef d'injures publiques envers un fonctionnaire public sur plainte déposée par le commissaire divisionnaire responsable des services de police de Z..., X..., à raison de propos contenus dans un tract visant les responsables du service de police ;

"alors que les propos en cause ne visant aucun responsable de services personnellement désigné mais au contraire l'ensemble de ceux-ci, il s'ensuit que par application des dispositions d'ordre public de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881, les propos injurieux, à les supposer établis, visant une fraction d'un des corps énumérés par l'article 30 de la même loi, les poursuites ne pouvaient être engagées sur plainte du ministère de l'Intérieur ou de son représentant et ce, à peine de d'irrecevabilité" ;

Attendu qu' X..., commissaire divisionnaire, directeur départemental de la sécurité publique de l'Allier chef du commissariat de police de Z..., a porté plainte contre Patrick Sabre pour injures publiques envers un fonctionnaire public à la suite de l'affichage le 30 avril 1997 dans les locaux de ce commissariat d'un tract syndical comprenant notamment les termes "nous ferons assigner les responsables du service pour avoir employé des méthodes SS vis-à-vis de notre camarade..." "nous sollicitons la condamnation de ces derniers pour abus de pouvoir, procédure mensongère abusive et harcèlement au suicide" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que X... étant personnellement visé dans le tract litigieux en sa qualité de premier responsable du service mis en cause et ayant lui-même engagé la procédure disciplinaire dénoncée par le syndicat CGT, sa plainte pour injure publique envers un fonctionnaire public était recevable en application de l'article 48, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a fait l'exacte application de la loi ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 9 du décret n° 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique, 23 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, pour déclarer Patrick Y... coupable d'injures publiques envers un fonctionnaire public et le condamner pénalement et civilement, a déclaré établie la publicité de l'infraction ;

"aux motifs que cet affichage a été réalisé dans un couloir du commissariat de police de Z... ; que ce lieu était accessible au public, même s'il ne constitue pas l'accès principal du commissariat de police, puisque ce couloir est emprunté par les personnes faisant l'objet d'une interpellation conduite du lieu de stationnement des véhicules de police jusqu'aux locaux de garde à vue ; que de surcroît, ce panneau est situé à proximité immédiate de toilettes susceptibles d'être fréquentées par le public ou les personnes en garde à vue, et à proximité d'un distributeur de boissons ; qu'enfin, ainsi que l'a relevé le tribunal, ce lieu est également fréquenté par des femmes de ménage qui n'ont pas la qualité de fonctionnaires de police, qui ne peuvent manquer de remarquer l'affichage et d'en rapporter à l'extérieur du commissariat le contenu ;

"alors que, d'une part, l'article 8 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique imposant que les panneaux d'affichage des documents d'origine syndicale soient placés dans des locaux auxquels le public, autrement dit les usagers, n'a pas normalement accès, la Cour, qui, pour considérer que tel n'était pas le cas en l'espèce, en imputant ainsi implicitement mais nécessairement au chef de service une inobservation des dispositions réglementaires, a retenu que le couloir où étaient apposés lesdits panneaux était emprunté pour conduire les personnes faisant l'objet d'une interpellation dans les locaux de garde à vue ainsi que par les femmes de ménage du service, n'a pas, en l'état de ses considérations, établi que le lieu ait été ouvert au public, lequel ne saurait être constitué par des salariés travaillant dans le lieu ou encore des personnes amenées sous la contrainte et n'ayant aucunement la faculté de stationner dans ledit endroit ;

"alors que, d'autre part, la circonstance relevée par l'arrêt que le panneau ait été situé à proximité des toilettes ainsi que d'un distributeur de boissons n'impliquant pas pour autant la possibilité d'accéder au panneau s'avère dès lors tout aussi inopérante à établir le caractère public du lieu où étaient apposés les panneaux d'affichage des communications syndicales ;

"et alors, enfin, que la Cour ne pouvait s'abstenir de répondre à l'argument péremptoire des conclusions de Patrick Y... faisant valoir, en le justifiant par le versement au dossier des procès-verbaux afférents, que les plaintes déposées par le Syndicat CGT Police à diverses reprises à raison d'affichages diffamatoires sur les panneaux syndicaux avaient systématiquement été enregistrées comme injures non publiques" ;

Attendu que, pour caractériser l'élément de publicité et déclarer le prévenu coupable du délit d'injures publiques envers un fonctionnaire public, les juges du fond, qui apprécient les faits à la date à laquelle ils ont été commis, relèvent que le tract incriminé était affiché dans un lieu de passage accessible à des personnes étrangères au service ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Chanet conseiller rapporteur, M. Milleville conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. le Foyer de Costil ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-82320
Date de la décision : 08/06/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, 04 février 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 jui. 1999, pourvoi n°98-82320


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.82320
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