AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller MARTIN et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Fernande, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LIMOGES, chambre correctionnelle, en date du 24 juin 1998, qui, après condamnation définitive de Jean Y... du chef d'abus de biens sociaux, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Vu ledit article ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean Y..., gérant de la société ACGI et associé de celle-ci avec Fernande X..., partie civile, a été définitivement déclaré coupable d'abus de biens sociaux pour avoir eu, de décembre 1991 à juin 1994, un compte courant débiteur ;
Que, pour débouter la partie civile de sa demande d'indemnisation après l'avoir déclarée recevable à agir, la cour d'appel énonce que la liquidation judiciaire de la société ne résulte pas de l'utilisation par le gérant des fonds sociaux à des fins personnelles mais de la perte de son unique client, que le solde débiteur sur plusieurs exercices du compte courant du gérant a incontestablement privé la société de la trésorerie correspondante sans toutefois que celle-ci puisse être assimilée à des bénéfices partageables entre les associés et que, s'il est constant que Fernande X... a mis à la disposition de la société, fin 1993, une somme de 92 000 francs provenant d'un emprunt dont Jean Y... s'était porté caution, il n'est nullement établi que cet apport de trésorerie ait été justifié par le solde débiteur du compte courant du gérant d'un montant réel bien supérieur mais n'apparaissant pas suite au jeu d'écritures avec le compte "avances sur salaires";
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'elle ne pouvait, sans se contredire ou mieux s'en expliquer, relever tout à la fois que les prélèvements du gérant avaient privé la société de la trésorerie correspondante et que la partie civile, associée pour moitié et non remboursée intégralement de son prêt, n'avait subi aucun préjudice, la juridiction du second degré n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de s'assurer de la légalité de sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Limoges, en date du 24 juin 1998, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Agen, à ce designée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Limoges, sa mention en marge où à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Martin conseiller rapporteur, MM. Schumacher, Pibouleau, Challe, Roger conseillers de la chambre, Mme de la Lance, MM. Soulard, Samuel conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Lucas ;
Greffier de chambre : Mme krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;