La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/06/1999 | FRANCE | N°98-82922

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 juin 1999, 98-82922


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Charles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du

26 février 1998, qui, pour fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, l'a ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Charles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 26 février 1998, qui, pour fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 300 000 francs d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile ;

Vu les mémoires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741, 1742, 1743, 1745 et 1750 du Code général des impôts, de l'article 632 du Code de commerce et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Charles X... coupable des délits de passation d'écriture inexacte dans un livre comptable et de fraude fiscale et l'a condamné à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et à 300 000 francs d'amende tout en prononçant la contrainte par corps et en ordonnant, à ses frais, la publication et l'affichage d'extraits de sa décision ;

1) " aux motifs qu'il est établi par les éléments du dossier, tant fiscal que pénal, qu'entre le 29 novembre 1988 et le 22 juillet 1989, sur une période de huit mois, Charles X... a procédé à la cession, lui ayant rapporté de très importantes plus-values, de quinze tableaux ; que, si certaines de ces toiles avaient été achetées par Mme X..., la plupart d'entre elles avaient été acquises par Charles X... quelques années auparavant ; que, celui-ci les a revendues en Bretagne mais aussi à l'étranger en apposant sur les documents douaniers l'indication de son activité commerciale, le numéro d'identification et l'adresse de son entreprise, son cachet professionnel et sa signature ; que, selon lui, ces mentions lui permettaient de ne pas verser un cautionnement pour exporter les oeuvres d'art ; que, néanmoins, c'est bien sous le couvert de sa profession qu'il s'est livré ainsi aux transactions litigieuses, de sorte qu'il ne saurait sérieusement prétendre dans le même temps que les tableaux destinés à la vente faisaient partie de sa collection privée et non pas de l'actif de son entreprise, à défaut, du reste, d'une séparation des deux patrimoines nettement objectivée, par exemple par un registre des dépôts en galerie, les factures d'achat, de restauration et les attestations d'assurance étant insuffisantes à cet égard ; que, la thèse de Charles X... est d'autant moins solide qu'il a admis que les oeuvres en question ne se trouvaient pas dans sa résidence habituelle mais dans un lieu affecté à leur entreposage et que, d'après les investigations menées, plusieurs d'entre elles ont été revendues deux ou trois ans
seulement à peine après leur acquisition ; que, les opérations qui lui sont imputées sont présumées se rattacher à son activité commerciale ; que, cette présomption ne contrevient pas à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors qu'elle prend en compte la gravité de l'enjeu et qu'elle peut être renversée par une preuve libre, non rapportée en l'occurrence ;

" alors, d'une part, que les juges correctionnels ne peuvent retenir le caractère commercial d'un acte sans examiner les justifications avancées par le prévenu pour combattre la présomption de commercialité qui s'attache aux actes accomplis par les commerçants ; qu'en écartant le caractère privé des transactions incriminées sans s'expliquer sur les circonstances invoquées par Charles X... tirées de ce que la galerie X... n'avait pas acheté, exposé ou trouvé des clients ni a fortiori vendu les tableaux en cause, qui avaient tous été achetés par Charles X... ou son épouse en leur nom personnel comme l'attestaient les factures d'achat y afférentes et, à ce titre, avaient été assurés par leurs soins et à leurs frais, ce qui excluait que les ventes aient été effectuées pour les besoins de son commerce, la Cour a privé de base légale la déclaration de culpabilité ;

" alors, d'autre part, que Charles X... faisait valoir que l'apposition du cachet de la galerie X... sur les documents d'exportation des toiles vendues chez SOTHEBY'S, dont les relevés sont établis au nom personnel de Charles X..., n'avait eu d'autre finalité que de lui permettre de bénéficier de la dispense de cautionnement en douane accordé aux seules galeries ; qu'en omettant de répondre à ces conclusions péremptoires de nature à établir l'absence de caractère commercial des opérations incriminées et, par suite, l'absence de fraude, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

2) " aux motifs que, en toute hypothèse, les circonstances qui ont entouré les transactions intervenues, le nombre de celles-ci et le profit qui en a été retiré confèrent un caractère commercial certain à l'activité dont il s'agit, non contredit de façon efficace par une attestation de la galerie SOTHEBY'S selon laquelle, le produit de la vente aurait servi au remboursement d'un prêt contracté pour l'acquisition, au mois de juin 1989, d'un tableau ;

que, le prévenu invoque, à l'appui de sa bonne foi, les conditions de publicité dans lesquelles les ventes sont intervenues, ainsi que sa croyance dans une distinction, en l'espèce mal étayée, entre patrimoine privé et patrimoine commercial ; qu'en tant que professionnel du marché de l'art, il ne pouvait ignorer le contenu de ses obligations fiscales ; qu'à tout le moins, il devait s'en enquérir, s'il était embarrassé par la complexité de la situation ; que, le bénéfice de l'erreur excusable ne saurait lui être accordé ; qu'il est établi par la procédure et les débats que le prévenu a omis sciemment de passer les écritures comptables afférentes aux opérations en cause et a dissimulé volontairement des sommes sujettes à l'impôt direct ; que, par suite, il s'est rendu coupable des faits visés à la prévention ;

" alors que, en dehors des actes accomplis par un commerçant pour les besoins de son commerce, la loi répute acte de commerce par nature les achats pour revendre ; qu'en s'attachant uniquement, pour retenir la qualification d'actes de commerce, au nombre des transactions intervenues et au profit en étant résulté sans rechercher ni a fortiori constater, si les oeuvres en cause avaient, dès l'origine, été achetées en vue de leur revente, la Cour a statué par des motifs inopérants et a derechef privé la déclaration de culpabilité de base légale " ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6. 1 et 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 1 du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 1741, 1742, 1743, 1745 et 1750 du Code général des impôts, de l'article 632 du Code de commerce et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Charles X... coupable des délits de passation d'écriture inexacte dans un livre comptable et de fraude fiscale et l'a condamné à la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis et à 300 000 francs d'amende tout en prononçant la contrainte par corps et en ordonnant, à ses frais, la publication et l'affichage d'extraits de sa décision ;

" aux motifs qu'il est établi par les éléments du dossier, tant fiscal que pénal, qu'entre le 29 novembre 1988 et le 22 juillet 1989, sur une période de huit mois, Charles X... a procédé à la cession, lui ayant rapporté de très importantes plus-values, de quinze tableaux ; que, si certaines de ces toiles avaient été achetées par Mme X..., la plupart d'entre elles avaient été acquises par Charles X... quelques années auparavant ; que, celui-ci les a revendues en Bretagne mais aussi à l'étranger en apposant sur les documents douaniers l'indication de son activité commerciale, le numéro d'identification et l'adresse de son entreprise, son cachet professionnel et sa signature ; que, selon lui, ces mentions lui permettaient de ne pas verser un cautionnement pour exporter les oeuvres d'art ; que, néanmoins, c'est bien sous le couvert de sa profession qu'il s'est livré ainsi aux transactions litigieuses, de sorte qu'il ne saurait sérieusement prétendre, dans le même temps, que les tableaux destinés à la vente faisaient partie de sa collection privée et non pas de l'actif de son entreprise, à défaut du reste d'une séparation des deux patrimoines nettement objectivée, par exemple par un registre des dépôts en galerie, les factures d'achat, de restauration et les attestations d'assurance étant insuffisantes à cet égard ; que, la thèse de Charles X... est d'autant moins solide qu'il a admis que les oeuvres en question ne se trouvaient pas dans sa résidence habituelle mais dans un lieu affecté à leur entreposage et que, d'après les investigations menées, plusieurs d'entre elles ont été revendues deux ou trois ans seulement à peine après leur acquisition ; que, les opérations qui lui sont imputées sont présumées se rattacher à son activité commerciale ; que, cette présomption ne contrevient pas à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors qu'elle prend en compte la gravité de l'enjeu et qu'elle peut être renversée par une preuve libre, non rapportée en l'occurrence ;

" alors, d'une part, que l'article 6. 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pose, sans réserver au législateur aucun domaine où il lui serait possible d'édicter une présomption inverse, le principe absolu de la présomption d'innocence dont doit bénéficier tout accusé et dont le corrolaire est, dans tous les cas, de faire bénéficier celui-ci du bénéfice du doute ; qu'en déduisant la culpabilité de Charles X... de la présomption de commercialité des actes accomplis par un commerçant, la Cour s'est fondée sur une présomption de culpabilité contraire à la présomption d'innocence édictée par la Convention européenne susvisée ;

" alors, d'autre part, que toute personne physique a droit au respect de ses biens ; qu'en décidant que les transactions litigieuses avaient un caractère commercial alors que les tableaux avaient tous été achetés par Charles X... ou son épouse en leur nom personnel comme l'attestaient les factures d'achat y afférentes et, à ce titre, avaient été assurés par leurs soins et à leurs frais, la Cour a méconnu le droit du prévenu au respect de ses biens en violation de l'article 1 du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, les infractions dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que les moyens, qui, sous le couvert d'une violation de la Convention européenne des droits de l'homme, se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme de la Lance conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Lucas ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-82922
Date de la décision : 02/06/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre, 26 février 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 jui. 1999, pourvoi n°98-82922


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.82922
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award