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02/06/1999 | FRANCE | N°98-82017

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 juin 1999, 98-82017


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MARTIN, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, la société civile professionnelle BORE et XAVIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- B...Naama,

- A... Sadi,

- X... Emmanuel,

contre l'a

rrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, en date du 6 février 1998, qui, pour in...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MARTIN, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, la société civile professionnelle BORE et XAVIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- B...Naama,

- A... Sadi,

- X... Emmanuel,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, en date du 6 février 1998, qui, pour infractions à la législation sur les stupéfiants et importation de marchandises prohibées, a condamné notamment le premier à 5 ans d'emprisonnement avec maintien en détention et à l'interdiction définitive du territoire français, les deux autres à diverses peines, et a prononcé contre les trois des pénalités douanières ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I-Sur le pourvoi d'Emmanuel X... :

Attendu que ce demandeur n'a pas produit de mémoire à l'appui de son recours ;

II-Sur les autres pourvois :

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le second moyen de cassation présenté pour Naama B..., pris de la violation de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 131-30, 222-37 et 222-48 du Code Pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé à l'encontre de Naama B...l'interdiction définitive du territoire français ;

" aux motifs qu'aucune des quatre conditions prévues par l'article 131-30 du Code pénal n'est remplie en l'espèce : aussi faut-il confirmer l'interdiction définitive du territoire français de ce jeune marocain ;

" alors que l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui a valeur constitutionnelle, pose le principe de la proportionnalité des peines ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui constate que le prévenu est un " jeune marocain ", âgé de 24 ans et arrivé en France à l'âge de 11 ans, sans condamnation à son casier judiciaire, ne pouvait, sans entacher sa décision d'une disproportion manifeste entre l'infraction et la peine, et sans porter une atteinte très grave à la vie privée et familiale, condamner le prévenu à la peine complémentaire d'interdiction définitive du territoire, sans motiver sa décision ; qu'en statuant de la sorte, l'arrêt attaqué a violé les textes et principes susvisés " ;

Attendu qu'après avoir déclaré le demandeur coupable notamment du délit d'acquisition, détention, offre ou cession de stupéfiants, prévu et réprimé par l'article 222-37 du Code pénal, et l'avoir condamné à 5 ans d'emprisonnement avec maintien en détention au vu de la gravité de son comportement, ayant consisté à revendre des stupéfiants sur une échelle importante et à faire régner, par la violence, la terreur sur ses jeunes victimes, les juges ont prononcé à son encontre, en application de l'article 222-48 de ce Code, l'interdiction définitive du territoire français, en relevant que le condamné, de nationalité marocaine, ne remplissait aucune des conditions prévues par l'article 131-30, 4ème alinéa, dudit Code ;

Qu'en cet état, la cour d'appel, qui n'avait pas à motiver spécialement sa décision au regard de la gravité de l'infraction, a fait l'exacte application des textes précités sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le premier moyen de cassation présenté pour Naama B..., pris de la violation des articles 131-21, 132-2, 132-3, 222-37, alinéa 1, et 222-48 du Code pénal, L. 627 et L. 628 du Code de la Santé Publique, 215, 382, 392-1, 399, 414, 419 et 435 du Code des Douanes, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir confirmé la déclaration de culpabilité de Naama B...du délit d'infraction à la législation sur les stupéfiants et du délit douanier réputé importation en contrebande de marchandises prohibées et confirmé la peine d'emprisonnement de 5 ans ferme, a infirmé les dispositions du jugement ayant condamné le prévenu à la peine de 50 000 francs d'amende et débouté l'administration des Douanes de ses demandes, et, statuant sur l'action douanière, a condamné Naama B...à payer à l'administration des Douanes une somme de 134 000 francs pour tenir lieu de confiscation des produits stupéfiants et une amende de 134 000 francs ;

" aux motifs que les faits de la cause ne s'analysent pas comme un cumul idéal d'infractions ; qu'en ce qui concerne l'élément légal, en droit commun, il s'agira de l'article 222-37 du Code pénal qui incrimine le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition et l'usage de stupéfiants, réprimés par le Code de la santé publique, alors que l'article 419 du Code des douanes tend à combattre l'importation en contrebande, c'est-à-dire le fait de ne pas avoir fourni aux agents des Douanes les documents justificatifs prévus à l'article 215 ou 215 bis du Code des douanes ; que les éléments matériels des deux fondements de poursuites dérivent de cette différenciation de l'élément légal puisque l'élément matériel de l'infraction douanière consiste dans le fait de ne pas fournir au service les documents justificatifs prévus tandis que l'élément matériel de l'infraction de droit commun est le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi illicite de stupéfiants ou encore l'importation ; que, quant à l'élément intentionnel, c'est la protection de la santé publique et de l'ordre public qui inspire les textes de droit commun, alors que celui qui est à la base du Code des douanes s'inscrit dans le maintien du contrôle douanier ;

" et que les personnes poursuivies qui ont été déclarées coupables seront donc condamnées à verser, chacune, une somme pour tenir lieu de confiscation des produits stupéfiants, et une amende du même montant ;

" alors, d'une part, que, pour énoncer que le délit douanier d'importation en contrebande et les délits pénaux d'importation et détention illicites de stupéfiants étaient constitués par un fait unique et identique, à savoir l'introduction sur le territoire français d'un produit prohibé en vue de sa commercialisation, le tribunal avait constaté que le fait de ne pas fournir aux agents des Douanes les documents justificatifs prévus (article 215 du Code de douanes) n'était que la conséquence de l'importation d'un produit illicite et que les deux délits avaient pour but la protection de la santé publique et de l'ordre public, d'où il résultait que les deux infractions se trouvaient en situation de cumul idéal ; qu'en infirmant ces motifs, sans mieux s'en expliquer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

" alors, d'autre part, que la sanction du concours idéal de qualifications est, en vertu de la règle non bis in idem, l'application d'une peine principale unique, la plus forte ; que, dès lors, en l'espèce, en combinant la peine d'emprisonnement prévue par l'article 222-37 du Code pénal et les peines d'amende et confiscation prévues par l'article 414 du Code des douanes, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

" alors, enfin, que la confiscation douanière, prévue aux articles 412 et 414 du Code des douanes, qu'elle soit ordonnée réellement ou qu'elle donne lieu, en application de l'article 435 du même Code, à condamnation au paiement d'une somme pour en tenir lieu, ne peut être prononcée qu'une seule fois pour un même objet de fraude ; qu'il résulte des pièces du dossier, notamment du jugement et des conclusions des Douanes, que Naama B...a été déclaré coupable du délit douanier réputé importation en contrebande de marchandises prohibées pour avoir vendu à Stéphane Z... 7 kg de résine de cannabis et donc détenu sans justificatifs d'origine au minimum 7 kg de résine de cannabis ; que, dès lors, la cour d'appel, qui a condamné Naama B...et le co-prévenu, chacun au paiement d'une somme tenant lieu de confiscation de la même quantité de produits stupéfiants, a violé les textes susvisés " ;

Sur le moyen unique de cassation présenté pour Sadi A..., pris de la violation des articles 7. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 131-21, 132-2, 132-3, 222-36 et 222-37, alinéa 1, du Code pénal, L. 627 et L. 628 du Code de la santé publique, 215, 382, 392-1, 399, 414, 419 et 435 du Code des douanes, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué, statuant sur l'action douanière, a condamné Sadi A... à payer à l'administration des Douanes une somme de 48 000 francs pour tenir lieu de confiscation des produits stupéfiants et une amende de 48 000 francs ;

" aux motifs que les faits de la cause ne s'analysent pas comme un cumul idéal d'infractions ; qu'en ce qui concerne l'élément légal, en droit commun, il s'agira de l'article 222-37 du Code pénal qui incrimine le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition et l'usage de stupéfiants, réprimés par le Code de la santé publique, alors que l'article 419 du Code des douanes tend à combattre l'importation en contrebande, c'est-à-dire le fait de ne pas avoir fourni aux agents des Douanes les documents justificatifs prévus à l'article 215 ou 215 bis du Code des douanes ; que, les éléments matériels des deux fondements de poursuites dérivent de cette différenciation de l'élément légal puisque l'élément matériel de l'infraction douanière consiste dans le fait de ne pas fournir au service les documents justificatifs prévus tandis que l'élément matériel de l'infraction de droit commun est le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi illicite de stupéfiants ou encore l'importation ; que, quant à l'élément intentionnel, c'est la protection de la santé publique et de l'ordre public qui inspire les textes de droit commun, alors que celui qui est à la base du Code des douanes s'inscrit dans le maintien du contrôle douanier ;

" et que les amendes douanières présentent un caractère mixte, même si la Cour de Cassation a eu tendance, ces dernières années, à faire prédominer le caractère pénal, l'aspect de réparation du préjudice subi par l'Etat ne doit pas être négligé ;

" alors, d'une part, que, pour énoncer que le délit douanier d'importation en contrebande et les délits pénaux d'importation et détention illicite de stupéfiants étaient constitués par un fait unique et identique, à savoir l'introduction sur le territoire français d'un produit prohibé en vue de sa commercialisation, le tribunal avait constaté que le fait de ne pas fournir aux agents des Douanes les documents justificatifs prévus (article 215 du Code de douanes) n'était que la conséquence de l'importation d'un produit illicite et que les deux délits avaient pour but la protection de la santé publique et de l'ordre public, d'où il résultait que les deux infractions se trouvaient en situation de cumul idéal ; qu'en infirmant ces motifs, sans mieux s'en expliquer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

" alors, d'autre part, que, lorsque des infractions de droit commun sont poursuivies en même temps que des infractions douanières, la règle du non-cumul des peines de même nature, édictée par l'article 132-3 du Code pénal s'applique aux peines prononcées pour les infractions douanières ; que, dès lors, en l'espèce, en condamnant à une amende douanière de 48 000 francs le prévenu qui avait déjà été définitivement condamné par le tribunal à une peine d'amende de 30 000 francs en répression du délit d'infraction à la législation sur les stupéfiants, la cour d'appel a radicalement méconnu les texte et principe susvisés " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour infirmer le jugement entrepris qui, après avoir déclaré les prévenus coupables du délit douanier d'importation en contrebande de produits stupéfiants, avait débouté l'administration des Douanes de ses demandes, l'arrêt relève, tout d'abord, que les délits d'infraction à la législation sur les stupéfiants et d'importation en contrebande de marchandises prohibées, dont les éléments légaux, matériels et intentionnels sont différents, sont en concours réel et qu'il n'y a pas cumul idéal d'infractions ; qu'il rappelle, ensuite, que les pénalités douanières ont un caractère à la fois répressif et indemnitaire ; qu'il a condamné en conséquence chacun des prévenus à une amende douanière et à une somme de même montant pour tenir lieu de la confiscation des marchandises ;

Qu'en cet état, et dès lors que, d'une part, les pénalités douanières échappent à la règle du non-cumul des peines et que, d'autre part, les produits stupéfiants pour lesquels Naama B...et son coprévenu Stéphane Z... ont été condamnés sur le fondement de l'article 222-17 du Code pénal, étaient de nature et de quantités différentes de ceux visés dans la poursuite douanière, la cour d'appel a justifié, sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent qu'être rejetés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Martin conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Lucas ;

Greffier de chambre : Mme krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-82017
Date de la décision : 02/06/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, chambre correctionnelle, 06 février 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 jui. 1999, pourvoi n°98-82017


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.82017
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