AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société La Voix du Nord, société anonyme dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 31 octobre 1996 par la cour d'appel de Douai (Chambre sociale), au profit de M. Jean-Claude X..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 7 avril 1999, où étaient présents : M. Le Roux-Cocheril, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Texier, Lanquetin, conseillers, Mme Bourgeot, conseiller référendaire, M. Duplat, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Le Roux-Cocheril, conseiller, les observations de la SCP Le Bret et Laugier, avocat de la société La Voix du Nord, les conclusions de M. Duplat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X..., journaliste à "La Voix du Nord", affecté depuis le mois d'août 1976 à l'agence de Dunkerque, prétendant que la société La Voix du Nord avait modifié son contrat de travail, a réclamé le retour à ses fonctions antérieures ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Douai, 31 octobre 1996) d'avoir fait droit à cette demande, alors, selon le moyen, d'une part, que le journaliste professionnel, qui apporte une collaboration intellectuelle et permanente à son employeur, est soumis à un lien de subordination consacré par l'article L. 761-1 du Code du travail, exclusif d'un exercice indépendant au regard de la publication périodique ; que, contrairement aux allégations de M. X..., La Voix du Nord n'a jamais modifié la qualification de rédacteur principal assimilé accordée par lettre du 26 janvier 1982 avec un indice de rémunération 180, ni demandé à l'intéressé, maintenu à Dunkerque selon son souhait, d'accomplir la moindre tâche incombant à une catégorie de personnel autre que la sienne ; qu'en l'absence de toute "déqualification" ou de méconnaissance de la convention collective nationale de travail des journalistes, les énonciations de l'arrêt attaqué sont insuffisantes à permettre au juge de cassation d'exercer son contrôle sur la réalité, contestée, d'une modification substantielle du contrat de travail litigieux au travers de la déqualification prétendue par M. X... ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué n'a pas légalement justifié sa décision de retour aux tâches énumérées par la note, non signée, du 28 mars 1978, au regard des dispositions des articles L. 761-1 et suivants du Code du travail et 1134 du Code civil, régissant la loi des parties ; et alors, d'autre part, que la renonciation à un droit ne se présume pas et doit ressortir d'actes manifestant une volonté non équivoque du titulaire de ce droit ; que, s'étant attaché les services de M. X... dans le cadre légal de l'article L. 761-1 précité, ce qui impliquait, avec un lien de subordination, une collaboration intellectuelle et permanente, exclusive d'un exercice de journaliste indépendant ayant le choix des événements à couvrir comme du contenu
de ses articles, La Voix du Nord n'a jamais renoncé à la polyvalence s'attachant à la qualification de rédacteur principal assimilé accordée à M. X... par la lettre du 26 janvier 1982, du reste postérieure à la note du 28 mars 1978 concernant des tâches de reporter local, polyvalence plus particulièrement rappelée dans la lettre de mise en garde du 26 février 1991 ; que l'arrêt attaqué, dont aucune des énonciations ne vise un acte quelconque de La Voix du Nord manifestant sa volonté de renoncer à la polyvalence des tâches afférentes à la fonction de rédacteur principal assimilé attribuée à M. X... et maintenue par elle, a méconnu les effets légaux de ses propres constatations et opposé à La Voix du Nord une renonciation au prix d'une violation des articles L. 761-1 du Code du travail et 1134 du Code civil, régissant la loi des parties ;
Mais attendu que les juges du fond ont constaté que le journaliste avait, aux termes d'une note de service du 28 mars 1978, été chargé de tâches précises se rattachant toutes au domaine économique et social de l'information et qu'il avait exercé ces fonctions exclusivement dans cette matière jusqu'à la fin de l'année 1990, date à partir de laquelle l'employeur lui avait imposé une activité polyvalente entraînant une déqualification ainsi que des astreintes le dimanche ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a souverainement décidé que le contrat de travail avait été modifié ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société La Voix du Nord aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.