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01/06/1999 | FRANCE | N°98-80866

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 juin 1999, 98-80866


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- D... Georges-François,

- X... Pierre,

- le COMITE D'ENTREPRISE de L'OPERA DE PARIS,

partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, du 6 février 1998, qui, pour homicide et blessures involontaires, a condamné le premier à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 francs d'amende, le second à 6 mois d'emprisonnemen

t avec sursis et 10 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- D... Georges-François,

- X... Pierre,

- le COMITE D'ENTREPRISE de L'OPERA DE PARIS,

partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, du 6 février 1998, qui, pour homicide et blessures involontaires, a condamné le premier à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 francs d'amende, le second à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 avril 1999 où étaient présents dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Mistral conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Di Guardia ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

Sur le rapport de M. le conseiller MISTRAL, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, de la société civile professionnelle DEFRENOIS et LEVIS, Me BERTRAND, et de la société civile professionnelle Jean-Jacques GATINEAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires ampliatif et personnel produits en demande, les mémoires en défense et en réponse ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour Georges D..., pris de la violation des articles 121-3, 221-6 et 222- 19 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Georges D... coupable d'homicide et blessures involontaires, et l'a condamné pénalement et civilement ;

"aux motifs que destinataire du rapport de Rémy Z..., il l'a annoté de sa main et renvoyé à l'intention de Jean-Michel B... avec la mention suivante : "je suis très inquiet de tout cela ;

il va falloir voir très précisément les choses" ; même si cette formule était très générale, elle incluait le problème des accès au lointain, expressément évoqué dans le rapport ; Georges D..., préoccupé à juste titre des difficultés techniques que soulevait la tournée à Séville, aurait dû demander à ses collaborateurs de lui rendre compte de manière précise des solutions préconisées, notamment au regard des exigences de sécurité ; cette vigilance s'imposait d'autant plus que l'Opéra de Paris n'avait pas effectué de tournée à l'étranger depuis une longue période ; Georges D... a fait preuve de négligence dans l'exercice de sa mission de contrôle, durant les mois qui ont précédé l'installation du décor à Séville ;

"alors que, d'une part, l'article 121-3 du Code pénal excluant qu'une faute d'imprudence puisse être retenue à l'encontre de celui ayant accompli les diligences normales compte tenu de la nature de ses missions, de ses fonctions, de ses compétences comme du pouvoir et des moyens dont il disposait, la Cour, qui après avoir constaté que l'accident était dû à une succession de carences imputables tout à la fois à la direction technique de l'Opéra et à la société Manudecors chargée de la fabrication et de la modification du décor, retient néanmoins la responsabilité pénale de l'administrateur général de l'Opéra sur le fondement d'un prétendu défaut de vigilance bien qu'en vertu du statut et des attributions qui étaient les siennes aux termes de dispositions tant réglementaires que contractuelles il n'avait, ainsi qu'il le faisait valoir dans ses écritures, aucune autorité sur le service technique regroupant 600 salariés sous la responsabilité d'un directeur placé sous l'autorité directe du directeur général de l'Opéra et que les missions qui étaient les siennes étaient totalement étrangères aux questions de faisabilité et de réalisation des décors et à propos desquelles il n'avait de fait aucune compétence, n'a pas en l'état tout à la fois de ce défaut de réponse à conclusions et de cette insuffisance de motifs légalement justifié sa décison au regard du texte sus-visé ;

"alors que, d'autre part, la Cour, qui a prétendu ainsi déduire de l'inquiétude exprimée par Georges D... en marge d'un rapport établi par le directeur technique adjoint sur les difficultés techniques restant à résoudre pour l'implantation du décor sur la scène de la Maestranza et la nécessité de modifier les accès au lointain, un défaut de vigilance quant au respect des règles de sécurité en lui faisant grief de ne s'être soit disant pas tenu informé, auprès de ses collaborateurs des solutions préconisées en la matière, n'a pas en l'état de ses motifs totalement entachés d'insuffisance établi l'existence d'une négligence commise par l'administrateur général dans l'exercice de ses fonctions ayant contribué à la réalisation de l'accident" ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour Pierre X..., pris de la violation des articles 121-3, 221-6 et 222-19 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre X... coupable des délits d'homicide et blessures involontaires et condamné celui-ci à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 10 000 francs ;

"aux motifs que l'une des causes de l'accident est l'absence, dans le dossier technique fourni par l'Opéra de Paris à la société Manudecors, d'instructions précises sur la résistance des éléments du décor, notamment sur la résistance du péristyle ; que Pierre X... a signé, le 20 août 1990, le marché avec la société Manudecors ; qu'il a expliqué que ses fonctions l'amenaient à signer de nombreux documents, qu'il n'avait pas la compétence pour examiner les aspects purement techniques de la construction de décor, qu'il accordait une entière confiance aux services de l'Opéra, et qu'au surplus, le marché avait reçu l'aval du contrôleur financier ;

que malgré ces explications, la Cour estime que Pierre X... a fait preuve de négligence à l'occasion de la passation de ce marché ;

qu'en effet, son attention aurait dû être appelée sur deux éléments : le fait que ce marché était le premier conclu entre l'Opéra et Manudecors, ce qui justifiait des précautions particulières, et surtout l'absence, à l'époque, d'un comité d'hygiène et de sécurité qui aurait pu donner un avis sur la solidité de l'édifice ; qu'il incombait à Pierre X..., avant d'engager sa signature, d'effectuer un minimum de vérifications auprès de ses collaborateurs afin de s'assurer que le dossier technique prenait pleinement en compte la sécurité des artistes, et que des instructions claires et précises étaient données sur ce point à Manudecors avec en particulier la remise d'un véritable cahier des charges ; que Pierre X... ne saurait se retrancher derrière l'aval du contrôleur financier, qu'en effet, le contrôleur financier n'intervient pas dans le domaine strictement technique ; que le défaut de vigilance de Pierre X... quant aux impératifs de sécurité s'agissant de la construction d'un décor par une entreprise extérieure, notamment l'absence de toute interrogation de sa part auprès des services techniques de l'Opéra constitue une négligence qui a contribué à la réalisation de l'accident ; que Pierre X... a commis une négligence en ne vérifiant pas, au moment de la signature du marché avec Manudecors, le 20 août 1990, que le dossier technique prenait pleinement en compte la sécurité des personnes appelées à évoluer sur un dispositif scénique de proportions monumentales et dont la construction avait été confiée à une entreprise extérieure ;

"1) alors que dans des conclusions d'appel "complémentaires aux conclusions déposées le 21 novembre 1997", Pierre X... faisait valoir que la plus grande partie des pouvoirs habituellement attribués à un chef d'entreprise était statutairement déléguée, qu'ainsi, en vertu de la répartition des pouvoirs organisée par les statuts de l'Opéra, il fixait les grandes orientations de l'établissement, ne signait les contrats soumis à sa signature qu'en sa qualité d'ordonnateur des dépenses, conformément aux règles de la comptabilité publique et après avoir reçu les visas ou les signatures des différents services intervenus dans leur élaboration, notamment, en l'espèce, le visa du directeur général de l'époque, Dominique Y..., par ailleurs signataire d'une note de présentation du marché à l'attention du contrôleur d'Etat datée du 1er août 1990 et n'avait pas pour mission de monter un spectacle, ni de veiller aux conditions de sa réalisation, une telle mission étant dévolue au directeur général et aux administrateurs généraux ; que la cour d'appel, qui impute à Pierre X... le fait de n'avoir pas vérifié, au moment de la signature du marché, le 20 août 1990, que le dossier technique prenait pleinement en compte la sécurité des personnes appelées à évoluer sur le dispositif scénique, ne pouvait s'abstenir de répondre aux conclusions susvisées sans violer les textes visés au moyen ;

"2 ) alors que la cour d'appel a admis que Pierre X... n'avait pas compétence quant aux problèmes techniques et de sécurité relatifs à la construction du décor ; qu'en s'abstenant de tirer les conséquences d'une telle constatation d'où il résultait que Pierre X..., qui s'en était remis, à cet égard, aux services techniques ayant visé le contrat, conformément à la répartition statutaire des pouvoirs au sein de l'Opéra, ne pouvait se voir reprocher de ne pas avoir interrogé ces mêmes services techniques de l'Opéra pour s'assurer que la sécurité des artistes avait été prise en compte, la cour d'appel n'a pas justifié légalement l'arrêt attaqué ;

"3 ) alors que la cour d'appel a constaté qu'au jour de la signature du marché, soit le 20 août 1990, date à laquelle le projet d'une tournée à Séville n'était pas encore envisagé, la configuration du décor commandé à la société Manudecors était telle qu'une concentration massive d'artistes sur le péristyle était impossible et que le problème de résistance du péristyle ne se posait pas, un tel problème n'étant devenu effectif, pour les services de l'Opéra et la société Manudecors, qu'à compter du mois d'octobre 1991, après la prise de décision de découper la muraille du décor, ce qui avait eu pour effet de permettre la circulation des artistes entre le péristyle et la grande pente ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait que la sécurité des artistes n'était pas en jeu dans la configuration du décor commandé à la société Manudecors pour des représentations devant se dérouler à l'Opéra Bastille et, par suite, que le défaut de vigilance reproché à Pierre X... était sans relation de causalité avec l'accident survenu du fait de l'adaptation du décor en vue de la tournée à Seville, le péristyle construit pour résister à une charge de 26 personnes de 75 kg chacune n'ayant pas supporté la présence simultanée de 35 à 50 personnes, au lieu des quatre artistes devant stationner selon la mise en scène prévue pour le décor commandé, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par le comité d'entreprise de l'Opéra de Paris, pris de ce que l'arrêt partiellement infirmatif attaqué a renvoyé Pierre X..., ancien président du conseil d'administration de l'Opéra de Paris, des fins de la poursuite exercée sur le fondement des articles L. 236-1 et L. 263- 2-2 du Code du travail et par voie de conséquence, débouté le comité d'entreprise de L'Opéra national de Paris de sa demande de dommages-intérêts ;

"aux motifs que le délit n'est pas caractérisé pour la période comprise entre le 12 avril 1991 et le mois de décembre 1992, date de constitution du CHSCT ; qu'en effet, Pierre X... avait désigné un nouveau directeur du personnel en lui assignant la mission d'organiser les élections professionnelles ; qu'au surplus les divergences syndicales et les procédures judiciaires engagées par les syndicats ont pu constituer des causes de ralentissement du processus électoral ; qu'il n'est pas démontré que la non-constitution du CHSCT soit imputable à une faute caractérisée de Pierre X... ;

"alors que la Cour, qui s'est bornée à estimer que le processus électoral des délégués du personnel et du comité d'entreprise avait pu être retardé par des procédures diligentées par les organisations syndicales, se devait d'examiner la question de savoir si ce retard dans le processus électoral justifiait l'absence de CHSCT de mai 1992 jusqu'en décembre 1992 et en tout état de cause à la date de l'accident 16 Juillet 1992" ;

Attendu que, pour relaxer Pierre X... du chef d'omission de constitution d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et débouter la partie civile de ses demandes, l'arrêt attaqué énonce que le prévenu avait désigné un nouveau directeur avec mission d'organiser les élections professionnelles, que les divergences syndicales et les procédures judiciaires engagées ont retardé la mise en place du comité et qu'aucune faute n'est caractérisée à l'encontre du prévenu ;

Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des dispositions des articles L. 236-1 et L. 263-2, 2 du Code du travail ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de ce que l'arrêt partiellement infirmatif attaqué a réduit les peines (notamment lespeines d'amende) prononcées par le tribunal, sans indiquer les raisons de ces réductions, violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, contradiction de motifs et manque de base légale ;

"alors que les premiers juges avaient estimé que la responsabilité civile de l'entreprise Manudecors était de 40 % dans la survenance de l'accident (60 % pour l'Opéra de Paris) et condamnait Emmanuel de A... à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et 30 000 francs d'amende, Raoul Gomez à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et 30 000 francs d'amende, Claude C... à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 30 000 francs d'amende, la Cour, tout en portant à 50 % la part de responsabilité de Manudecors dans l'accident, réduit les peines de ses dirigeant et préposés et prononce même la relaxe de Claude C..." ;

Attendu qu'il résulte des articles 2 et 567 du Code de procédure pénale que la partie civile est sans qualité pour contester la décision de condamnation rendue sur l'action publique ;

D'où il suit que le moyen est irrecevable ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-80866
Date de la décision : 01/06/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11ème chambre, 06 février 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 jui. 1999, pourvoi n°98-80866


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.80866
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