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26/05/1999 | FRANCE | N°96-14371

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 mai 1999, 96-14371


Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Grenoble, 22 février 1996), que, par acte du 22 octobre 1990, la société Engelhard compagnie des métaux précieux (société Engelhard) a consenti à la société Bellon un prêt portant sur 30 kilogrammes d'or, garanti par le cautionnement solidaire, le 10 janvier 1991, de la Société marseillaise de crédit (la banque) à concurrence de 2 300 000 francs ; que l'emprunteur ayant été mis en redressement judiciaire le 3 juillet 1991, la société Engelhard a assigné la caution en exécution de ses engagements ;

Sur le premier moyen,

pris en ses deux branches :

Attendu que la banque reproche à l'arrêt de l'avo...

Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Grenoble, 22 février 1996), que, par acte du 22 octobre 1990, la société Engelhard compagnie des métaux précieux (société Engelhard) a consenti à la société Bellon un prêt portant sur 30 kilogrammes d'or, garanti par le cautionnement solidaire, le 10 janvier 1991, de la Société marseillaise de crédit (la banque) à concurrence de 2 300 000 francs ; que l'emprunteur ayant été mis en redressement judiciaire le 3 juillet 1991, la société Engelhard a assigné la caution en exécution de ses engagements ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la banque reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Engelhard la somme principale de 2 188 500 francs, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en relevant d'office que l'ordonnance, devenue définitive, ayant admis la créance de la société Engelhard, et que celle, également définitive, ayant rejeté l'action en revendication de cette société, révélaient que la créance de cette dernière sur la société Bellon était fondée et qu'il résulte des articles 2021 et 1200 du Code civil que la Société marseillaise de crédit, qui du reste n'a pas exercé tierce opposition à l'encontre de ces décisions, était représentée en qualité de caution solidaire à l'occasion des procédures ayant conduit à ces dernières, pour rejeter l'exception tirée de l'inexécution du prêt d'or soulevée par la SMC, sans provoquer les explications préalables des parties à cet égard, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; et, alors, d'autre part, qu'en s'abstenant de ce fait de répondre aux conclusions dans lesquelles la SMC contestait la réalité de la livraison des 30 kilogrammes d'or à la société Bellon, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que, dans ses conclusions, la société Engelhard invoquait, sans être contredite, le fait que sa créance avait été admise pour un montant de 2 188 500 francs ; que la société Bellon, soutenait, de son côté, qu'il résultait des pièces versées aux débats, notamment de l'inventaire du commissaire-priseur commis par le juge-commissaire, qu'à l'ouverture du redressement judiciaire, il existait un stock d'or fin de 52 476,57 grammes ; que le moyen tiré de l'inexistence de la créance sur le débiteur principal était donc dans les débats ;

Attendu, d'autre part, qu'en retenant d'abord, que la créance de la société Engelhard a été fixée par ordonnance devenue définitive et dès lors que la décision d'admission irrévocable de la créance au passif du débiteur principal était opposable à la caution tant en ce qui concerne l'existence que le montant de la créance, et, ensuite, que la procédure devant le juge-commissaire ainsi que l'action en revendication révèlent que cette créance était fondée sur le dépôt de 30 kilogrammes d'or destiné à être travaillé par la société Bellon, la cour d'appel a répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses sept branches :

Attendu que la caution fait encore le même grief à l'arrêt alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en relevant d'office que la Société marseillaise de crédit ne peut alléguer la perte d'une possibilité de subrogation dans une hypothèque ou un privilège du créancier pour écarter l'application de l'article 2037 du Code civil, sans provoquer les explications des parties à cet égard, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de deuxième part, qu'en affirmant qu'" il est constant que la dette de la société Bellon n'était pas garantie par une autre sûreté que la caution de la SMC ", pour écarter l'application de l'article 2037 du Code civil, la cour d'appel a dénaturé les termes du contrat de prêt de métal selon lequel " à titre de garantie de la société Engelhard, le stock-outil sera en permanence maintenu à son niveau d'origine " en violation de l'article 1134 du Code civil ; alors, de troisième part, que la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, prévue par l'article 2037 du Code civil, concerne les droits qui comportent un droit préférentiel conférant au créancier un avantage particulier pour le recouvrement de sa créance ; qu'en limitant la portée de l'article 2037 du Code civil aux seuls privilèges et hypothèques du créancier, pour occulter la garantie que celui-ci tenait de son droit à la restitution, en qualité de propriétaire de l'or mis à la disposition du débiteur principal, à titre de stock-outil, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ; alors, de quatrième part, qu'en ne s'expliquant pas sur le refus de la société Engelhard de former recours à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire ayant rejeté sa requête en revendication de l'or prêté à la société Bellon, alors même, comme le relevait le Tribunal, dans des motifs adoptés, que cette société justifiait d'un stock d'or fin de 52 476,57 grammes au moment de l'ouverture de son redressement judiciaire sur lequel la société Engelhard était en mesure de faire valoir son droit à restitution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2037 du Code civil ; alors, de cinquième part, qu'en relevant que la SMC, caution de la société Bellon, aurait été représentée par celle-ci lors de la procédure ayant conduit à l'ordonnance de rejet de la requête en revendication, alors même qu'en contradiction manifeste avec les intérêts de cette société, la SMC avait intérêt à l'aboutissement de cette requête, dont du reste elle n'avait pas été informée, la cour d'appel a violé les articles 2021 et 1200 du Code civil ; alors, de sixième part, que la cour d'appel ne saurait reprocher à la SMC, simple caution, de n'avoir pas formé tierce-opposition à l'encontre de cette ordonnance, alors même qu'à la supposer recevable à cet égard, elle n'avait pas été mise en demeure par la société Engelhard d'exercer cette voie de recours dans les délais utiles, sans violer l'article 156 du décret du 27 décembre 1985 ; et, alors, enfin, qu'en relevant d'office les moyens tirés de la représentation de la caution et de son absence de tierce opposition, du reste contradictoires entre eux, sans recueillir les observations préalables des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que la caution soutenant être déchargée sur le fondement de l'article 2037 du Code civil, les juges du fond, tenus de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui étaient applicables, n'ont relevé aucun moyen d'office en appréciant si la société Engelhard était titulaire d'une sûreté au sens de ce texte ;

Attendu, en second lieu, que, si le contrat de prêt prévoyait que la société Engelhard se réservait le droit de propriété sur le métal prêté, ce dont il résulte que ladite société bénéficiait d'un droit préférentiel au sens de l'article 2037 du Code civil, lui conférant un avantage particulier pour le recouvrement de sa créance c'est-à-dire un droit à restitution dans lequel la caution avait vocation à être subrogée, l'arrêt relève, par motifs adoptés, que le juge-commissaire n'a pas pu donner une suite favorable à la requête en revendication exercée par la société Engelhard en raison de l'impossibilité d'établir l'origine de propriété sur des marchandises retrouvées, soit en nature mais de fournisseurs différents, soit transformées par incorporation dans des pièces de bijouterie et ne pouvant plus de ce fait être appréhendées par le créancier prétendument " privilégié " ; que de ces constatations, la cour d'appel a pu déduire que, nonobstant l'absence de recours contre la décision du juge-commissaire, la société Engelhard n'avait commis aucune faute portant préjudice à la caution ; que, par ces seuls motifs, elle a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen auquel la Société marseillaise de crédit a déclaré renoncer :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 96-14371
Date de la décision : 26/05/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CAUTIONNEMENT - Extinction - Subrogation rendue impossible par le fait du créancier - Article 2037 du Code civil - Créancier bénéficiant d'une clause de réserve de propriété - Requête en revendication rejetée par le juge-commissaire - Rejet fondé sur l'impossibilité d'établir l'origine de propriété des marchandises - Absence de recours contre l'ordonnance de rejet - Effet .

Si le créancier qui s'est réservé le droit de propriété sur un bien mis à disposition d'un emprunteur bénéficie d'un droit préférentiel lui conférant un avantage particulier, c'est-à-dire un droit à restitution dans lequel la caution a vocation à être subrogée, au sens de l'article 2037 du Code civil, il ne peut lui être reproché d'avoir laissé perdre ce droit en négligeant d'exercer un recours contre la décision du juge-commissaire ayant rejeté sa requête en revendication en raison de l'impossibilité d'établir l'origine de propriété des marchandises provenant de fournisseurs différents, ou de les retrouver en nature compte tenu de leur transformation.


Références :

Code civil 2037

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 22 février 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 mai. 1999, pourvoi n°96-14371, Bull. civ. 1999 IV N° 108 p. 87
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1999 IV N° 108 p. 87

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Lafortune.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Graff.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Célice, Blancpain et Soltner, la SCP Boré et Xavier, M. Guinard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:96.14371
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