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19/05/1999 | FRANCE | N°97-86648

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 mai 1999, 97-86648


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Gilbert,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 9 octobre 1997, qui, pour abus de biens sociaux, escroquerie et présentation de comptes annuels infidèles, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis et 40 000 francs d'amende ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 mars 1999 où étaient p

résents dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Gilbert,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 9 octobre 1997, qui, pour abus de biens sociaux, escroquerie et présentation de comptes annuels infidèles, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis et 40 000 francs d'amende ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 mars 1999 où étaient présents dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Martin conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

Sur le rapport de M. le conseiller MARTIN, les observations de Me COPPER-ROYER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 53, 247 et 437 de la loi du 24 juillet 1966, 8 du Code de procédure pénale, 593 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gilbert X... coupable d'abus de biens sociaux et de présentation de faux bilans et l'a condamné à diverses peines ;

"aux motifs, d'une part, que "il est établi et d'ailleurs reconnu par le prévenu que ce dernier a favorisé indûment la SARL au préjudice de la SA en faisant supporter par la SA des travaux d'une valeur de 521 844 francs au bénéfice de la SARL en juillet 1992 ; par ailleurs, la SA a facturé des produits à la SARL pour un montant de 210 000 francs qui n'ont jamais été réglés ; ensuite, la SA a mis à la disposition de la SARL son personnel au bénéfice de la SARL sans facturation réelle et ce, pour des sommes de 25 000 francs et 70 788 francs au cours de l'exercice 1993 ;

"le prévenu conteste les faits reprochés aux motifs que l'on serait en présence d'un groupe de sociétés ; la justification de l'abus de biens sociaux par l'appartenance d'une société à un groupe nécessite quatre conditions : il faut tout d'abord que les sociétés appartiennent au même groupe, il faut en second lieu qu'il y ait un intérêt économique commun apprécié au regard d'une politique élaborée pour l'ensemble du groupe, ce qui n'est absolument pas établi en l'espèce dès lors qu'aucun compte social consolidé n'est allégué ; il faut en troisième lieu que le concours financier ne soit ni démuni de contrepartie ni ne rompe l'équilibre entre les engagements respectifs des diverses sociétés concernées : en l'espèce, les absences de facturations et mises à dispositions de personnel ont été réalisées sans aucune convention et selon les impératifs du moment, la SARL n'honorant certaines dettes que par le versement providentiel d'une importante somme d'argent provenant d'une compagnie d'assurance qui avait couvert un sinistre ; enfin, l'opération dictée par l'intérêt du groupe ne doit pas excéder les possibilités financières de celle qui en supporte la charge ; les quatre conditions posées par la Cour de Cassation n'étant pas toutes réunies, la notion de groupe pour justifier les abus de biens sociaux sera rejetée en l'espèce" (arrêt attaqué page 3, 2 et 3) ;

"et aux motifs, d'autre part, que "le prévenu a reconnu la majoration artificielle et temporaire mais délibérée de son compte courant pour les exercices 1992/1993 et 1993/1994 au moyen de sommes prêtées par des tiers et restituées après la clôture afin que le compte courant atteigne une somme supérieure à un million de francs conformément aux souhaits de l'expert comptable ; les principes comptables étant sincérité, régularité et fidélité, peu importe que les comptes annuels, parmi lesquels le bilan, aient été certifiés par le commissaire aux comptes sans observations, cette mission étant sans incidence sur les faits délictueux que l'intéressé est tenu au contraire de dénoncer ; la présentation aux actionnaires n'exclut pas la publication aux tiers, banquiers ou créanciers qui doivent disposer d'une information sincère" (arrêt attaqué page 4, 1) ;

"alors qu'en matière d'abus de biens sociaux et de présentation de faux bilans, la prescription de l'action publique court, sauf dissimulation, à compter de la présentation des comptes annuels et des faux bilans ; qu'en l'espèce, Gilbert X... a été cité à comparaître par devant le tribunal correctionnel de Laval par un exploit en date du 27 janvier 1997 pour y répondre de travaux effectués au bénéfice de la SARL Rodel en juillet 1992 et pris en charge par la SA X..., pour avoir mis à la disposition de la SARL Rodel le personnel de la SA X... sans facturation réelle au cours de l'exercice 1993 et pour avoir présenté un bilan inexact pour l'exercice 1992/1993 ; qu'à la date de la citation, ces faits étaient prescrits ; que, faute d'avoir recherché si la prescription n'était pas acquise pour ces faits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Attendu que, si l'exception de prescription est d'ordre public et peut, à ce titre, être présentée pour la première fois devant la Cour de Cassation, c'est à la condition que se trouvent, dans les constatations des juges du fond, les éléments nécessaires pour en apprécier la valeur ; qu'à défaut de telles constatations, qui manquent en l'espèce et qu'il appartenait au demandeur de provoquer, le moyen, mélangé de fait et de droit, ne peut qu'être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 425, 437 de la loi du 24 juillet 1966, 121-3 et 313-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gilbert X... coupable des faits lui étant reprochés et l'a condamné à diverses peines ;

"alors qu'il n'y a point de délit sans intention de le commettre ; que les juges du fond n'ont pas établi l'intention délictueuse de Gilbert X... ; que leur décision est donc entachée d'un défaut de base légale au regard des textes susvisés" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 425-4 et 437-3 de la loi du 24 juillet 1966, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gilbert X... coupable du délit d'abus de biens sociaux ;

"aux motifs des premiers juges que "il résulte, tant de l'enquête que des débats à l'audience, que Gilbert X... a opéré en 1992, 1993 et 1994, une confusion entre les sociétés SA X..., la SARL Rodel, les patrimoines de ces sociétés et son compte personnel ;

"Gilbert X... ne peut justifier son attitude en arguant que les mêmes actionnaires se retrouvaient dans les deux sociétés dont la caractère familial entraînait la nécessaire transparence ;

"les deux sociétés ont une personnalité juridique distincte et Gilbert X..., gérant de chacune des sociétés, devait tenir une comptabilité distincte et préserver les intérêts de chaque société ;

"en finançant par la SA X... les travaux de la SARL Rodel, société dans laquelle il avait 20 % des parts sociales, il a commis des abus de biens sociaux qui n'ont été que partiellement couverts par la prime d'assurance versée à la suite du sinistre qui a détruit les locaux de la SA Rodel ;

"de même, en ce qui concerne la mise à la disposition de la SARL Rodel de personnel de la SA X..., les factures de régularisation ne révèlent en outre qu'une prise en compte partielle ;

"à l'inverse, la SARL Rodel a favorisé la SA X... en mettant à la disposition de cette dernière ses locaux de mars 1992 à novembre 1993 à titre gracieux, sans perception de loyers ;

"le délit d'abus de biens sociaux est en conséquence constitué" (jugement page 2, dernier , et page 3 1 à 6) ;

"et aux motifs propres que "il est établi et d'ailleurs reconnu par le prévenu que ce dernier a favorisé indûment la SARL au préjudice de la SA en faisant supporter par la SA des travaux d'une valeur de 521 844 francs au bénéfice de la SARL en juillet 1992 ; par ailleurs, la SA a facturé des produits à la SARL pour un montant de 210 000 francs qui n'ont jamais été réglés ; ensuite, la SA a mis à la disposition de la SARL son personnel au bénéfice de la SARL sans facturation réelle et ce, pour des sommes de 25 000 francs et 70 788 francs au cours de l'exercice 1993 ;

"le prévenu conteste les faits reprochés aux motifs que l'on serait en présence d'un groupe de sociétés ; la justification de l'abus de biens sociaux par l'appartenance d'une société à un groupe nécessite quatre conditions : il faut tout d'abord que les sociétés appartiennent au même groupe, il faut en second lieu qu'il y ait un intérêt économique commun apprécié au regard d'une politique élaborée pour l'ensemble du groupe, ce qui n'est absolument pas établi en l'espèce, dès lors qu'aucun compte social consolidé n'est allégué ; il faut en troisième lieu que le concours financier ne soit ni démuni de contrepartie ni ne rompe l'équilibre entre les engagements respectifs des diverses sociétés concernées : en l'espèce, les absences de facturation et mises à disposition de personnel ont été réalisées sans aucune convention et selon les impératifs du moment, la SARL n'honorant certaines dettes que par le versement providentiel d'une importante somme d'argent provenant d'une compagnie d'assurance qui avait couvert un sinistre ; enfin, l'opération dictée par l'intérêt du groupe ne doit pas excéder les possibilités financières de celle qui en supporte la charge ; les quatre conditions posées par la Cour de Cassation n'étant pas toutes réunies, la notion de groupe pour justifier les abus de biens sociaux sera rejetée en l'espèce" (arrêt attaqué page 3, 2 et 3) ;

"alors que les articles 425-4 et 437-3 de la loi du 24 juillet 1966 répriment les agissements des dirigeants sociaux qui, de mauvaise foi, auront fait des biens ou du crédit de la société un usage qu'ils savaient contraire à l'intérêt de celle-ci ; qu'en l'espèce, les juges du fond n'ont pas établi que Gilbert X... savait que, par les agissements lui étant reprochés, il faisait des biens ou du crédit des société X... et Rodel un usage contraire à leur intérêt ; que leur décision de condamnation est donc privée de base légale au regard des textes susvisés" ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 437 de la loi du 24 juillet 1966, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gilbert X... coupable de présentation de faux bilan ;

"aux motifs propres que "le prévenu a reconnu la majoration artificielle et temporaire mais délibérée de son compte courant pour les exercices 1992/1993 et 1993/1994 au moyen de sommes prêtées par des tiers et restituées après la clôture afin que le compte courant atteigne une somme supérieure à un million de francs conformément aux souhaits de l'expert comptable ; les principes comptables étant sincérité, régularité et fidélité, peu importe que les comptes annuels, parmi lesquels le bilan, aient été certifiés par le commissaire aux comptes sans observations, cette mission étant sans incidence sur les faits délictueux que l'intéressé est tenu au contraire de dénoncer ; la présentation aux actionnaires n'exclut pas la publication aux tiers, banquiers ou créanciers qui doivent disposer d'une information sincère" (arrêt attaqué page 4, 1) ;

"et aux motifs des premiers juges que "Gilbert X... a confirmé à l'audience sa pratique consistant, avant l'établissement du bilan annuel de la SA X..., de gonfler artificiellement le solde créditeur de son compte courant jusqu'à un million de francs par l'apport de prêts venant de tiers, juste avant la clôture de l'exercice, pour ensuite restituer à ces tiers les sommes prêtées ;

"le délit de présentation de bilan inexact pour les exercices 1992/1993 et 1993/1994, visant à dissimuler la véritable situation de la société est en conséquence constitué ; peu important que les actionnaires soient des membres de la famille de Gilbert X..., ces opérations visant à tromper les bailleurs de crédit" (jugement page 3 7 et 8) ;

"alors que le délit de présentation de faux bilan n'est constitué qu'autant que son auteur avait en vue de dissimuler la véritable situation de la société ; que les juges du fond doivent donc rechercher le mobile ayant animé le dirigeant social ; qu'en l'espèce, les premiers juges se sont bornés à une simple affirmation sans s'expliquer sur les raisons de leur conviction ; que la déclaration de culpabilité est donc entachée d'un défaut de base légale au regard des textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs propres et adoptés, exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, les délits d'abus de biens sociaux et de présentation de comptes annuels infidèles dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

Qu'il s'ensuit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Attendu que la peine étant justifiée par la déclaration de culpabilité des chefs précités, il n'y a pas lieu d'examiner le quatrième moyen de cassation discutant le délit d'escroquerie ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-86648
Date de la décision : 19/05/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(sur le premier moyen) CASSATION - Moyen - Moyen d'ordre public - Exception de prescription - Recevabilité - Conditions.


Références :

Code de procédure pénale 8

Décision attaquée : Cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, 09 octobre 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 mai. 1999, pourvoi n°97-86648


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.86648
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