AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Serge X..., demeurant Les Amandiers, n° ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 13 novembre 1996 par la cour d'appel de Besançon (1re Chambre civile), au profit :
1 / du Groupe Azur, société anonyme, dont le siège est ...,
2 / de M. Thierry Z..., demeurant ...,
défendeurs à la cassation ;
Le Groupe Azur a sollicité sa mise hors de cause sur le second moyen ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 30 mars 1999, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Bouscharain, conseiller rapporteur, Mme Y..., M. C..., Mme B..., MM. Aubert, Cottin, conseillers, Mmes A..., Verdun, conseillers référendaires, M. Roehrich, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Bouscharain, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de M. X..., de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. Z..., de Me Parmentier, avocat du Groupe Azur, les conclusions de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Met hors de cause, sur sa demande, le Groupe Azur ;
Attendu que M. X..., qui était garanti par une police "multirisque habitation" auprès de la société Groupe Azur, a donné à bail à M. Z... une maison d'habitation, entreposant du mobilier dans un des garages de celle-ci ; qu'après le départ du locataire le 30 avril 1991, la maison a été partiellement détruite par un incendie survenu la nuit suivante ; qu'après avoir obtenu en référé, le 11 juin 1991, la désignation d'un expert, M. X... a assigné, par actes des 20 et 23 août 1993, l'assureur et le locataire pour obtenir leur condamnation in solidum à l'indemniser ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Besançon, 13 novembre 1996) d'avoir déclaré irrecevable son action dirigée contre la société Groupe Azur, alors que la désignation d'un expert a pour effet non seulement d'interrompre la prescription biennale mais encore d'en suspendre les effets pendant toute la durée des opérations d'expertise et qu'en décidant que l'action en référé engagée par lui le 31 mai 1991 avait eu pour seul effet d'interrompre la prescription jusqu'au 11 juin 1991, date de l'ordonnance nommant l'expert, quand les opérations expertales s'étaient terminées le 20 janvier 1993, soit moins de deux ans avant la délivrance de l'assignation, la cour d'appel aurait violé l'article L. 114-2 du Code des assurances ;
Mais attendu que, contrairement à ce qu'affirme le moyen, la désignation de l'expert a pour seul effet d'interrompre la prescription prévue par l'article L. 114-1 du Code des assurances et non d'en suspendre les effets pendant la durée des opérations d'expertise ;
qu'ayant constaté que postérieurement à la désignation d'expert, aucune cause d'interruption ou de suspension de la prescription n'était justifiée avant la délivrance des assignations ayant engagé l'action en paiement de l'indemnité d'assurance, plus de deux ans après cette désignation, la cour d'appel a exactement décidé que l'action dirigée contre l'assureur était prescrite ;
Et sur le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande dirigée contre M. Z... alors que seule une occupation des lieux par le propriétaire dans les mêmes conditions qu'un locataire peut caractériser une communauté de jouissance des lieux loués exclusive de la présomption de responsabilité édictée par l'article 1733 du Code civil et qu'en déduisant la communauté de jouissance de la seule conservation par le propriétaire d'un double des clés de la maison et de la possibilité d'accéder à son garage, circonstances impropres à caractériser une occupation de la maison dans les mêmes conditions qu'un locataire, la cour d'appel aurait violé le texte précité en se déterminant par des motifs inopérants ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel, qui a relevé que M. X... avait entreposé des effets mobiliers dans un garage dépendant de la maison, ce dont il résultait qu'il occupait une partie de l'immeuble loué dans les mêmes conditions qu'un locataire, a ainsi justifié sa décision d'écarter l'application de la présomption de responsabilité édictée par l'article 1733 du Code civil ;
que le grief n'est pas fondé ;
Mais, sur la seconde branche du même moyen :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt attaqué a statué ainsi qu'il a fait sans répondre aux conclusions par lesquelles M. X... faisait valoir qu'il résultait de l'expertise que l'incendie avait pris naissance dans les lieux occupés par le locataire et que la présomption de l'article 1733 du Code civil ne pouvait être écartée, en quoi il a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions rejetant la demande de M. X... dirigée contre M. Z..., l'arrêt rendu le 13 novembre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon, autrement composée ;
Fait masse des dépens et les laisse pour moitié à la charge de M. X... et pour moitié à celle de M. Z... ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de M. X..., du Groupe Azur et de M. Z... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.