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11/05/1999 | FRANCE | N°97-41505

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 mai 1999, 97-41505


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Parouest, société anonyme dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 24 janvier 1997 par la cour d'appel de Versailles (5e Chambre, Section B), au profit de M. Belgacem Z..., demeurant ...,

défendeur à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 17 mars 1999, où étaient présents : M. Carmet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Ransac, Chagny, conseillers, M. Frou

in, Mme Lebée, MM. Funck-Brentano, Leblanc, conseillers référendaires, M. de Caigny, avocat...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Parouest, société anonyme dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 24 janvier 1997 par la cour d'appel de Versailles (5e Chambre, Section B), au profit de M. Belgacem Z..., demeurant ...,

défendeur à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 17 mars 1999, où étaient présents : M. Carmet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Ransac, Chagny, conseillers, M. Frouin, Mme Lebée, MM. Funck-Brentano, Leblanc, conseillers référendaires, M. de Caigny, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Carmet, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Parouest, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que M. Z..., engagé en qualité de chauffeur de poids lourds par la société Parouest le 1er mars 1988, a été licencié pour faute grave le 24 août 1992 à la suite d'un congé annuel ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 24 janvier 1997) d'avoir décidé que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais non sur une faute grave, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en se prononçant de la sorte après avoir constaté que le salarié n'avait pas repris son travail à l'issue de ses congés payés, le 27 juillet 1992, qu'il n'avait pas justifié de son absence et s'était même abstenu d'en informer simplement son employeur, malgré les deux lettres recommandées avec demande d'avis de réception qui lui avaient été adressées, les 31 juillet et 7 août 1992, et qu'il n'avait reparu dans l'entreprise que le 20 août 1992, jour de l'entretien préalable auquel il avait été convoqué par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 12 août précédent, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société Parouest, qui ignorait, dès lors, durant toute cette période, s'il comptait reprendre ou non son emploi, ne s'était pas trouvée très rapidement dans la nécessité de le remplacer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du Code du travail ; et alors, d'autre part, et en toute hypothèse, qu'en ne répondant pas aux conclusions de la société Parouest dans lesquelles elle soutenait que le salarié n'avait fourni aucune justification de son absence prolongée au cours de l'entretien préalable à son licenciement, auquel il s'était rendu, et qu'il ne s'était prévalu de la maladie et du décès de sa mère, survenu, selon lui, le 13 août 1992, qu'au cours de l'audience de conciliation, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu que l'absence du salarié ne procédait pas d'une volonté délibérée de refuser de reprendre le travail ou de se soumettre aux directives de l'employeur, mais de la maladie et du décès de sa mère ; qu'en l'état de ces constatations et en relevant que ce retard n'avait pas affecté à l'excès le fonctionnement de l'entreprise, elle a pu décider que le comportement du salarié, s'il justifiait son licenciement, ne rendait pas impossible son maintien en fonction pendant la durée du préavis et ne constituait pas une faute grave ; qu'elle a ainsi, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer au salarié un arriéré de salaires pour des heures supplémentaires, alors, selon le moyen, d'une part, que les règles relatives à la charge de la preuve ne constituent pas des règles de procédure, applicables aux instances en cours, mais touchent le fond du droit ; que l'instance ayant été engagée le 22 septembre 1992, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 1992 ayant institué l'article L. 212-1-1 du Code du travail, celui-ci n'était pas applicable en la cause, de sorte qu'il appartenait au salarié d'apporter la preuve de l'existence et du nombre des heures supplémentaires qu'il prétendait avoir effectuées, conformément au droit commun ; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a violé le texte précité par fausse application, ensemble l'article 1315 du Code civil par refus d'application ;

alors, d'autre part, qu'en condamnant la société Parouest à payer à M. Z... un rappel de salaire pour heures supplémentaires portant sur la période 1989-1992 sans répondre aux conclusions de l'employeur dans lesquelles celui-ci faisait valoir qu'il avait versé aux débats, après l'avoir communiquée à l'expert, une attestation, rédigée et signée par le salarié le 6 juin 1991, dans laquelle ce dernier reconnaissait "avoir récupéré, du 8 juillet au 11 août 1991, la totalité des heures supplémentaires effectuées en 1989 et 1990", la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et aux motifs, 2 / que la société Parouest prétend que les opérations de l'expert sont entachées d'une irrégularité qui affecte la validité même du rapport, en ce que M. B..., expert désigné par la cour d'appel, a, en méconnaissant, selon elle, les prescriptions des articles 272 et suivants du nouveau Code de procédure civile, procédé à l'audition téléphonique d'un sachant ; qu'il ressort, sur ce point, tant des courriers échangés par l'expert avec la société Parouest au cours des opérations d'expertise que des énonciations du rapport que M. B..., constatant le refus de la société Parouest de lui communiquer certains documents qu'il estimait nécessaires à l'accomplissement de sa mission, à savoir les archives des documents de paie, et la réticence mise par elle à concourir loyalement à ses opérations, a décidé de procéder, en la présence d'un des dirigeants et du conseil de la société, à l'audition téléphonique d'un sachant, M. X..., ancien supérieur hiérarchique de M. Z... ; qu'une telle audition, dont la mise en oeuvre n'est prohibée par aucun texte, qui a été réalisée en présence des parties, ne peut

constituer la prétendue irrégularité invoquée pour justifier le rejet du rapport ; qu'après s'être livré à une analyse détaillée des fiches de travail qui lui étaient soumises par le salarié et avoir recueilli les observations de ses supérieurs hiérarchiques de l'époque, l'expert, tenant compte des salaires et annexes perçus par M. Z..., a pu fixer à 58 900,98 francs le montant, congés payés inclus, des rappels de salaire pour heures supplémentaires qui lui étaient dus ; qu'après déduction de l'acompte de 4 000 francs dont M. Z... reconnaît être redevable, et tenant compte de deux jours d'absence pour raisons familiales, la cour d'appel condamnera de ce chef la société Parouest au paiement d'une somme de 54 086,96 francs ;

alors, encore, qu'en estimant que l'expert avait valablement pu procéder à l'audition par téléphone de M. X..., ancien supérieur hiérarchique de M. Z..., à partir des locaux de la société Parouest, une telle "audition", n'étant "prohibée par aucun texte", ayant été "réalisée en présence des parties", la cour d'appel a violé les articles 16, 160, 242 et 244 du nouveau Code de procédure civile, de la combinaison desquels il résulte que l'audition par un expert d'un sachant doit être faite dans le respect du principe de la contradiction, dont la mise en oeuvre se révèle impossible lorsque l'expert s'entretien seul, par téléphone, avec celui-ci, les parties et leur conseil ne pouvant participer à la discussion, seraient-elles par ailleurs présentes dans les locaux d'où est passé l'appel téléphonique ; alors, en outre, qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si, dès avant cet appel téléphonique, l'expert ne s'était pas livré à une véritable perquisition dans les locaux de la société Parouest, s'emparant, d'autorité, d'un jeu de clefs qui se trouvait dans un meuble bureau après en avoir ouvert tous les tiroirs pour ouvrir, toujours de son propre chef, une armoire qui était fermée et la fouiller, comportement qui s'était révélé à l'origine d'un grave incident entre l'expert et le représentant légal de la société ainsi que son conseil, dont il s'était, de surcroît, abstenu de faire simplement état dans son rapport, ces faits, à les supposer avérés, pouvant se révéler de nature à laisser planer un doute sur son objectivité et son impartialité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 237 du nouveau Code de procédure civile ; alors, au surplus, qu'en retenant que la société Parouest avait refusé de communiquer à l'expert certains documents qu'il estimait nécessaires à l'accomplissement de sa mission, à savoir les archives de paie, et qu'elle s'était montrée réticente à concourir loyalement aux opérations d'expertise, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'attitude de la société ne s'expliquait pas par le comportement étrange que venait tout juste d'avoir l'expert, en pratiquant, ainsi, d'autorité, une véritable perquisition dans les locaux de l'entreprise, et par le sentiment de partialité qu'il avait pu donner à l'employeur, le représentant légal de la société Parouest ayant été profondément choqué par ces faits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 160 et 243 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article L. 212-1-1 du Code du travail ; et alors, enfin, qu'en ne répondant pas aux conclusions de la société Parouest dans lesquelles elle

soutenait, pour conclure à l'absence d'impartialité et d'objectivité de l'expert, celui-ci ayant rempli sa mission dans des conditions telles que ses conclusions ne pouvaient être que favorables au salarié, que l'expert s'était exclusivement fondé sur les déclarations qu'il avait recueillies, par téléphone, de M. X..., auquel il n'avait pas adressé les documents que lui avait remis M. Z... -ce qui aurait pourtant permis de mettre ce sachant en mesure de confirmer ou d'infirmer ses précédentes déclarations ou, à tout le moins, de les préciser, l'expert ayant lui-même indiqué avoir omis de lui faire préciser certains points- ainsi qu'il s'y était pourtant engagé, l'employeur l'y ayant ensuite invité à plusieurs reprises, qu'il avait fait en sorte de ne pas entendre M. A..., qui était le collègue de travail de M. Z..., affirmant, sans s'en expliquer, qu'il s'y serait "efforcé", malgré, là encore, les multiples demandes en ce sens de l'employeur, et qu'il ne lui avait communiqué les déclarations écrites de M. Y..., ancien cadre de la société -qui étaient favorables à la thèse de l'employeur- que près de huit mois après les avoir obtenues, bien que, là encore, la société ait de nombreuses fois réclamé ce document, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que les règles gouvernant les modes de preuve étant celles en vigueur le jour où le juge statue, la cour d'appel a exactement décidé que l'article L. 212-1-1 du Code du travail résultant de la loi du 31 décembre 1992 devait s'appliquer à la présente instance, bien qu'elle se soit ouverte antérieurement à la promulgation de la loi susvisée ;

Et attendu, ensuite, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation qu'examinant les éléments de fait qui lui étaient soumis au nombre desquels les constatations de l'expert n'avaient qu'une valeur d'avis, qu'elle a retenu que le salarié avait exécuté des heures supplémentaires qui ne lui avaient pas été payées ; qu'elle a ainsi, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Parouest aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 97-41505
Date de la décision : 11/05/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement - Faute du salarié - Faute grave (non) - Absence dû au décès d'un proche.

TRAVAIL REGLEMENTATION - Durée du travail - Heures supplémentaires - Preuve - Charge à l'employeur - Application dans le temps de la loi du 31 décembre 1992.


Références :

Code du travail L122-6 et L212-1-1
Loi du 31 décembre 1992

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (5e Chambre, Section B), 24 janvier 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 mai. 1999, pourvoi n°97-41505


Composition du Tribunal
Président : Président : M. CARMET conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.41505
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