AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de Me BOUTHORS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Cafer,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 4ème chambre, en date du 4 novembre 1997, qui, pour infractions à la législation sur les stupéfiants, l'a condamné à 3 ans d'emprisonnement et a prononcé, à son encontre, 10 ans d'interdiction du territoire français ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 3, 6, 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 66 de la constitution du 4 octobre 1958, 131-30, 132-17, 132-24 nouveaux du Code pénal, 222-37 du même Code, ensemble les articles L. 628 et suivants du Code de la santé publique, 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé la peine d'interdiction du territoire français de dix ans prononcée contre le prévenu reconnu coupable d'infractions à la législation sur les stupéfiants ;
" aux motifs que nonobstant les dispositions de l'article 131-30 du Code pénal définissant les catégories d'étrangers protégés, il convient néanmoins de prononcer à l'encontre de Cafer X..., dont le comportement entre bien dans le champ d'application de l'alinéa 2 de l'article 8 de la Convention susvisée et de l'article 2 3 du protocole additionnel n 4, une mesure d'interdiction du territoire national pendant dix ans, seule mesure susceptible de mettre fin de façon durable à son activité délinquante particulièrement nocive et perturbatrice pour le maintien de l'ordre, sans que celle-ci porte une atteinte disproportionnée aux droits que cet étranger, qui s'est délibérément adonné pendant plusieurs années à des fins spéculatives à la vente d'héroïne, tient des articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette mesure d'éloignement est également nécessaire pour la préservation de l'ordre public ;
1) " alors que, d'une part, la définition législative des catégories d'étrangers protégés par l'alinéa 3 de l'article 131-30 nouveau du Code pénal ne dispense pas le juge répressif qui prononce une peine d'interdiction du territoire attachée à une incrimination déterminée, d'exercer un contrôle de proportionnalité entre les exigences de l'ordre public et la garantie des droits prévus par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la cour d'appel a méconnu en l'espèce sa compétence, dès lors qu'elle s'est bornée à relever la gravité de l'incrimination sans autre examen concret et effectif de la situation personnelle et familiale du requérant au regard de l'article 8 de la Convention européenne ;
2) " alors que, d'autre part, au nombre des intérêts nécessairement protégés par l'article 8 de la Convention européenne figurent les risques spécifiques encourus par l'intéressé en cas de retour dans son pays d'origine au regard notamment de l'article 3 de ladite Convention ; qu'il appartenait dans ces conditions à la cour d'appel de s'interroger sur le sort réservé en Turquie aux prévenus condamnés pour trafic de stupéfiants ;
3) " alors, enfin, que méconnaît le principe de la personnalité des peines, la cour d'appel qui prononce à l'encontre d'un prévenu étranger une peine d'interdiction du territoire en se référant de manière abstraite et collective à la gravité de l'incrimination et des faits impliquant plusieurs coprévenus sans autre motif sur le degré d'implication du requérant " ;
Attendu que, pour prononcer l'interdiction du territoire français à l'encontre de Cafer X..., la cour d'appel relève que ce dernier, profitant des facilités que lui procurait sa domiciliation dans un quartier particulièrement criminogène, a acheté et revendu de l'héroïne, activité dont il a tiré un bénéfice substantiel, partagé avec les membres de sa famille, et qu'un tel comportement porte gravement atteinte à la santé des jeunes en situation de précarité ; qu'elle ajoute que l'interdiction du territoire national pendant 10 ans, seule mesure susceptible de mettre fin de façon durable à son activité délinquante particulièrement nocive et perturbatrice pour le maintien de l'ordre, ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits que l'intéressé, qui s'est délibérément adonné, pendant plusieurs années, à des fins spéculatives, à la vente d'héroïne, tient des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'enfin elle indique que Cafer X... a conservé des relations avec son pays d'origine ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision au regard de l'article 131-30 du Code pénal sans méconnaître l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Qu'ainsi le moyen, nouveau en ce qu'il invoque l'article 3 de ladite Convention, ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Soulard conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. le Foyer de Costil ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;