La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/04/1999 | FRANCE | N°97-85834

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 avril 1999, 97-85834


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- ZIANE Mohamed,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 13 octobre 1997, qui, sur renvoi après cassation, l'a condamné pour exercice d'une activité d'agent de voyages sans licence, et obstacles au contrôle des conditions de travail dans les transports routiers, à 3 mois d'emprisonnement avec sursis, et une amende de 15 000 francs ;
>La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 mars 1999 où étaient présen...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- ZIANE Mohamed,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 13 octobre 1997, qui, sur renvoi après cassation, l'a condamné pour exercice d'une activité d'agent de voyages sans licence, et obstacles au contrôle des conditions de travail dans les transports routiers, à 3 mois d'emprisonnement avec sursis, et une amende de 15 000 francs ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 mars 1999 où étaient présents dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Karsenty conseiller rapporteur, M. Milleville conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Di Guardia ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle RYZIGER et BOUZIDI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 1er et de l'article 13, de la loi du 11 juillet 1975 fixant les conditions d'exercice des activites relatives à l'organisation de voyages et de séjours, de l'article 2 du Code civil, des articles 495, 593 du Code de procédure pénale :

"en ce que la décision attaquée a déclaré le demandeur coupable d'exercice d'une activité d'agence de voyages sans licence ;

"aux motifs qu'il est établi que la société Maroc-Europa-Bus dont le demandeur était président -directeur général, assurait, dans un but lucratif, au moyen de véhicules lui appartenant ou appartenant à des entreprises tierces, le transport de voyageurs entre la France et le Maroc, et qu'elle délivrait dans sa succursale d'Asnières pour ce faire des billets incluant le prix du transport par car et le coût de la réservation du transport par le ferry-boat assurant la liaison avec le Maroc ; qu'en conséquence le délit poursuivi est établi, l'exercice de l'activité incriminée n'entrant dans aucun des cas de dérogation prévu par la loi ; qu'il résulte, en effet, des dispositions de l'article 13 de la loi du 11 juillet 1975 fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation de voyages et de séjours, loi applicable lors de la commission des faits poursuivis, qu'est punie des peines prévues par ce texte toute personne qui, directement ou par personne interposée, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, se livre ou apporte son concours à l'une des activités mentionnées à l'article 1er de la loi sans être titulaire d'une licence ; que les opérations visées audit article 1er sont : l'organisation de voyages ou de séjours, la prestation de services pouvant être fournis à l'occasion de voyages ou de séjours, notamment la délivrance de titres de transport, la réservation de places pour les moyens de transport de voyageurs, la mise à la disposition ou la location, même partielle, de ces moyens de transport ; qu'il ressort des dispositions de la loi du 13 juillet 1992 à ce jour en vigueur que doivent être titulaires d'une licence d'agence de voyages les personnes physiques ou morales qui se livrent ou apportent leur concours, quelles que soient les modalités de leur rémunération, aux opérations consistant en l'organisation ou la vente de voyages ou de séjours individuels ou collectifs, de services pouvant être fournis à l'occasion de voyages ou de séjours, notamment de la délivrance de titres de transports ; que sont exclues des dispositions de ces textes les personnes qui n'effectuent que des opérations de prestation de services qu'elles assurent elles-mêmes, celles qui effectuent la délivrance de billets de transport ou de voies ferrées pour le compte de transporteurs, celles qui fournissent des prestations à l'occasion de voyages effectués avec leur propre matériel à condition que ces prestations ne représentent qu'une partie accessoire de leur activité ; que l'exercice de l'activité incriminée n'entre dans aucun des cas de dérogations ci-dessus visés ;

"alors que, d'une part, les dispositions de la loi du 11 juillet 1975 ne s'appliquent pas en vertu de l'article 2-1d de ladite loi aux transports de voyageurs par route ou voie ferrée qui délivrent des titres de transports par route ou voie ferrée pour le compte d'autres transporteurs ou qui fournissent les prestations mentionnées à l'article 1er à l'occasion de voyages effectués avec leur propre matériel à condition que ces voyages ne représentent qu'une partie accessoire de leur activité ; que les juges du fond ne pouvaient décider que Mohamed Ziane, en tant que président de la société Maroc-Europa-Bus, qui exploitait une ligne d'autocars entre la France et le Maroc exerçait une activité d'agence de voyages par le motif qu'elle délivrait des billets incluant le prix du transport par car et le coût de la réservation du transport par le ferry-boat sans rechercher si la réservation du transport par le ferry-boat ne constituait pas une partie accessoire de l'activité de la société Maroc-Europa-Bus (rendue au surplus indispensable par la nature du transport entre la France et le Maroc) ;

"alors, d'autre part que, la loi du 13 juillet 1992, qui n'a aucun caractère interprétatif et qui n'a pas un caractère plus doux que la loi du 11 juillet 1975 n'est pas applicable aux faits de l'espèce, antérieurs à sa publication" ;

Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que Mohamed Ziane, président d'une société de droit marocain qui exploitait une ligne d'autocars entre le Maroc et la France et avait ouvert à cet effet une succursale à Asnières, a été poursuivi notamment pour avoir en 1990, exercé une activité d'agence de voyages sans licence ;

Attendu que, pour retenir la culpabilité du prévenu, la cour d'appel, après avoir rappelé les dispositions de la loi du 11 juillet 1975 fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation de voyages ou de séjours, applicable aux faits de la cause, retient que la société Maroc-Europa-Bus assurait, dans un but lucratif, au moyen de véhicules lui appartenant ou appartenant à des entreprises tierces, le transport de voyageurs entre la France et le Maroc, et qu'elle délivrait dans sa succursale d'Asnières, des billets incluant le prix du transport par car et le coût de la réservation par le "ferry-boat" assurant la liaison avec le Maroc, cette réservation étant effectuée à la diligence de ladite succursale ; qu'elle en conclut que l'exercice de l'activité incriminée n'entrait dans aucun des cas de dérogation prévus par l'article 2 de la loi précitée ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que les voyages effectués par la société en cause et comprenant des prestations d'agent de voyages, au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1975, représentaient la partie principale de son activité, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être rejeté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 3-2 de l'ordonnance n 58-1310 du 23 décembre 1958 de l'article 3 bis de la même ordonnance de l'article 14-2 du règlement n 3821/85 du Conseil de la Communauté économique européenne ;

"en ce que la décision attaquée a déclaré le demandeur coupable d'obstacle au contrôle des conditions de travail dans les transports routiers, délit prévu par les articles 3-2 et 3 bis de l'ordonnance du 23 décembre 1958 modifîée, s'agissant des salariés MM. D..., A..., Y... et Z... ;

"aux motifs que le 26 septembre 1990 à Gennevilliers, MM. Y... et Z... chauffeurs employés par la société Maroc-Europa-Bus au Maroc n'étaient pas en mesure de présenter les disques de chronotachygraphe des sept jours précédant le contrôle en méconnaissance des prescriptions de l'article 7 du règlement du Conseil des Communautés européennes mais seulement ceux des 22, 23 et 26 septembre 1990 ;

"et aux motifs également qu'il est établi que le 26 septembre 1990 également au siège de la succursale de la société ..., Abdelazziz C... n'a pas été en mesure de présenter les disques de chronotachygraphe sur la période d'une année en ce qui concerne l'activité de Messieurs B... Outouia, El Moktar A... et Boudjemai X... en méconnaissance des dispositions de l'article 14 du règlement des Communautés européennes n 3821/85 du 20 décembre 1985 et de l'ordonnance 58-1310 du 23 décembre 1958 modifiée ; que l'article 14-2 du règlement précité dispose que l'entreprise conserve en bon ordre les feuilles d'enregistrement pendant au moins un an après leur utilisation et que ces feuilles sont présentées ou remises à la demande des agents chargés du contrôle ; qu'Abdelaziz C... a précisé qu'aucun disque n'était conservé à l'agence d'Asnières ; que Mohamed Ziane a déclaré que les enregistrements étaient conservés environ trois semaines par les chauffeurs eux-mêmes et qu'ils étaient ensuite archivés au siège de la société à Rabat ; que devant la Cour Mohamed Ziane a indiqué qu'il aurait produit ces disques s'il avait reçu injonction de le faire de la part des services de contrôle ;

qu'il ne saurait être fait droit à cette argumentation, que la communication des disques de contrôlographe devait se faire sans aucune mise en demeure au siège de la succursale d'Asnières, s'agissant des modalités du contrôle des conditions de travail des salariés sur le sol français ; que les dispositions de l'article 14 du règlement du Conseil des Communautés européennes obligent en effet l'entreprise à collecter et à conserver les disques utilisés à son siège en vue d'un éventuel contrôle ; que les agissements incriminés traduisent là encore, de la part de la société Maroc-Europa-Bus, la volonté d'échapper à toute vérification effective des conditions de travail des salariés et constituent également le délit de refus de contrôle prévu par les articles 3-2 et 3 bis de l'ordonnance 58-1310 du 23 décembre 1958 modifiée ;

"alors, d'une part, que le refus de communiquer ou de laisser communiquer les renseignements et de laisser effectuer les contrôles prévus par les règlements d'administration publique définissant les obligations relatives à la sécurité de la circulation routière, la conduite et l'exploitation de tout véhicule de transport de voyageurs ; que ce délit, qui est du reste un délit intentionnel suppose un acte positif et non pas une simple omission ; qu'en l'espèce actuelle les faits constatés par la décision attaquée consistent en de simples omissions ;

"alors, d'autre part, que l'article 3 et l'article 3 bis de l'ordonnance n 58-1310 du 23 décembre 1958 sanctionnent des infractions aux règlements d'administration publique émanant du gouvernement français ; que si les règlements de l'Union Européenne (anciennement CEE ) sont exécutoires de plein droit sur le territoire de tous les Etats membres de la Communauté, ils ne sont pas assimilés à des règlements d'administration publique et ne sont sanctionnés par des dispositions pénales qu'à condition que des dispositions de droit interne le précisent ;

"alors de troisième part que, si l'article 14-2 du règlement 3821/85 du 20 décembre 1985 impose aux sociétés qui effectuent des transports sur le territoire d'un Etat membre de la Communauté de conserver les feuilles d'enregistrement des appareils de contrôle installés et utilisés notamment sur les véhicules affectés au transport par route de voyageurs, aucune disposition du règlement n'impose de conserver ces feuilles de contrôle en France ; qu'en l'espèce actuelle la société Maroc-Europa-Bus pouvait parfaitement conserver les feuilles de contrôle au siège de la société à Rabat ;

"alors de quatrième part que, seul le refus de présenter des documents dont la tenue est imposée par l'ordonnance 58-1310 du 23 décembre 1958 constitue l'infraction prévue par l'article 3-2 de l'ordonnance ; que, dès lors, ce n'est qu'à condition qu'une demande régulièrement adressée à l'entreprise ait été formulée que le refus de communication se trouve constitué ; que c'est donc par une violation de l'article 3-2 de l'ordonnance 58-1310 du 23 décembre 1958 à le supposer applicable aux documents dont la tenue est imposée par l'article 14 de la CEE 3821/81, que la décision attaquée a estimé qu'un refus de présenter des documents pouvait résulter de ce qu'ils ne se trouvaient pas au siège de la succursale de la société en France et non du fait que l'administration les avait réclamés en vain, c'est à dire avait adressé a l'entreprise une injonction de les présenter" ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable d'obstacle aux conditions de travail dans les transports, les juges retiennent que lors du contrôle effectué le 26 septembre 1990 par un contrôleur du travail, des chauffeurs, employés par la société Maroc-Europa-Bus, qui circulaient à bord d'un car de la société n'ont pas été en mesure de présenter toutes les feuilles d'enregistrement concernant la semaine en cours, en méconnaissance des prescriptions du règlement n 3821/85 du 20 décembre 1985, et qu'il est apparu impossible de décompter les heures de conduite et de repos de chacun des conducteurs en cause ;

qu'elle ajoute que le préposé de la succursale d'Asnières, au siège duquel devaient être conservées les feuilles d'enregistrement pendant un an, en application de l'article 14.2 du règlement précité, n'a pas été en mesure de les présenter, et que Mohamed Ziane s'est borné à indiquer qu'il aurait produit ces disques s'il en avait reçu l'injonction ; qu'elle en conclut que ces faits traduisent de la part du responsable de la société en cause, la volonté d'échapper à toute vérification effective des conditions de travail des salariés ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que l'article 1er du décret n 86-1130 du 17 octobre 1986 assimile les r glements communautaires n 3820/85 et 3821/85 du 20 décembre 1985 à des textes d'application de l'ordonnance n 58-1310 du 23 décembre 1958, qui réprime notamment en ses articles 3 et 3 bis le refus de communication de renseignement ou de laisser effectuer les contrôles et investigations prescrits par ces textes, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-85834
Date de la décision : 13/04/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(sur le premier moyen) AGENCE DE VOYAGES - Exercice de la profession - Conditions - Agrément exigé par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1975 - Dérogation - Cas - Activité principale (non).

(sur le second moyen) TRAVAIL - Inspection du travail - Délit d'obstacle au contrôle des conditions de travail dans les transports routiers - Refus de communication de renseignement ou de laisser effectuer les contrôles et investigations prescrits.


Références :

Décret 86-1130 du 17 octobre 1986 art. 1
Loi 75-627 du 11 juillet 1975 art. 1 et 2
Ordonnance 58-1310 du 23 décembre 1958 art. 3 et 3 bis
Règlements communautaire n° 3820/84 et 3821/85 du 20 décembre 1985

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11ème chambre, 13 octobre 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 avr. 1999, pourvoi n°97-85834


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.85834
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award