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07/04/1999 | FRANCE | N°99-80503

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 avril 1999, 99-80503


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de Me ROGER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Chahisse,

contre l'arrêt de la chambre d'accusation du tribunal supérieur d'appel de MAMOUDZOU (MAYOTTE), en date du 24 décembre 1998, q

ui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'escroquerie aggravée, a confirmé l'or...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de Me ROGER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Chahisse,

contre l'arrêt de la chambre d'accusation du tribunal supérieur d'appel de MAMOUDZOU (MAYOTTE), en date du 24 décembre 1998, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'escroquerie aggravée, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction le plaçant en détention provisoire ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 34 et 38 de la Constitution du 4 octobre 1958 et des articles 5 et 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

" en ce que l'ordonnance n° 92-1141 du 12 octobre 1992 portant modification de l'organisation judiciaire dans la collectivité territoriale de Mayotte et instituant une juridiction spéciale dénommée tribunal supérieur d'appel n'a pas fait l'objet d'une loi d'habilitation ;

" alors que, d'une part, les ordonnances prises en application de l'article 38 de la Constitution doivent être soumises à la ratification du parlement ; qu'à défaut elles ne sont pas élevées au rang de loi et conservent alors leur nature réglementaire ; qu'en l'espèce, l'ordonnance du 12 octobre 1992 n'ayant pas fait l'objet d'une loi d'habilitation elle revêt la nature d'un simple acte réglementaire insusceptible de modifier une disposition législative relative à des règles procédurales en matière pénale ou d'instituer de telle règles qui ressortissent exclusivement de la compétence du législateur ; qu'ainsi le tribunal supérieur d'appel statuant en chambre d'accusation était irrégulièrement constitué ;

" alors que, d'autre part, selon les dispositions de l'article 6 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi ; qu'en l'espèce, le tribunal supérieur d'appel n'ayant pas été régulièrement institué par la loi, les dispositions précitées ont été violées ;

" qu'en conséquence, Chahisse X... est détenu sur le fondement d'une décision rendue par un tribunal incompétent en violation de l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme " ;

Attendu que l'ordonnance n° 92-1141 du 12 octobre 1992, relative à l'organisation judiciaire de la collectivité territoriale de Mayotte, a été prise par le Gouvernement en vertu de la loi d'habilitation n° 91-1380 du 28 décembre 1991 et a été ratifiée par la loi n° 92-1441 du 31 décembre 1992, date à laquelle elle a acquis valeur législative ;

Que, dès lors, le moyen, qui prétend que l'ordonnance précitée, n'ayant pas fait l'objet d'une loi d'habilitation, n'est qu'un simple acte réglementaire et qu'en conséquence le tribunal supérieur d'appel statuant en chambre d'accusation, constitué conformément à cette ordonnance, était irrégulier, est inopérant ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, des articles L. 942-8, L. 942-9, L. 942-10, L. 942-11, L. 942-12 et L. 942-13 du Code de l'organisation judiciaire, manque de base légale et violation des droits de la défense ;

" en ce que le tribunal supérieur d'appel de Mayotte était constitué de M. Fahet, vice président au tribunal supérieur d'appel et de MM. Selemaniet Madjidi, assesseurs désignés en application de l'ordonnance n° 92-1141 du 12 octobre 1992 relative à l'organisation judiciaire à Mayotte ;

" alors, d'une part, qu'il résulte de la combinaison des articles L. 942-9 à L. 942-12 du Code de l'organisation judiciaire que le tribunal supérieur d'appel est composé par des magistrats du siège du tribunal supérieur d'appel et, en cas d'absence ou d'empêchement de son président par un magistrat du siège de ce tribunal ; qu'en cas d'absence ou d'empêchement des assesseurs du tribunal supérieur d'appel il est recouru aux magistrats du siège du tribunal de première instance ; que ce n'est que dans la mesure où le tribunal supérieur d'appel ne peut pas être composé de la sorte qu'il peut être complété par des assesseurs choisis parmi des personnes présentant des garanties de compétence et d'impartialité par ordonnance du président du tribunal supérieur d'appel ; qu'en se bornant à mentionner que la chambre d'accusation du tribunal supérieur d'appel était composée par M. Fahet, vice président du tribunal supérieur d'appel et par deux assesseurs ne revêtant pas la qualité de magistrats du siège du tribunal supérieur d'appel ou du tribunal de première instance sans indiquer que le président était absent ou empêché et les raisons pour lesquelles aucun magistrat du siège du tribunal supérieur d'appel ou du tribunal de première instance ne pouvait siéger, ni même mentionner l'ordonnance par laquelle le président du tribunal supérieur d'appel avait désigné ces assesseurs, la chambre d'accusation du tribunal supérieur d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de s'assurer de la régularité de sa composition au regard des textes visés au moyen ;

" alors que, d'autre part, les dispositions des articles L. 942-12 et L. 942-13 du Code de l'organisation judiciaire prévoient que les assesseurs du tribunal supérieur d'appel peuvent être désignés par ordonnance du président du tribunal supérieur d'appel parmi des personnes présentant des garanties de compétence et d'impartialité ; qu'en vertu de ces dispositions le président du tribunal supérieur d'appel préside tant la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel que la chambre d'accusation ; qu'ainsi le président du tribunal supérieur d'appel choisit ses propres assesseurs sur la base de critères vagues et subjectifs et au risque d'une confusion entre ses différentes fonctions présidentielles contrairement aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme " ;

Sur la première branche du moyen :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que la chambre d'accusation du tribunal supérieur d'appel était composée de M. Jacques Fahet, vice-président de ce tribunal et de MM. Ali Selemaniet Abdou Madjidi, désignés comme assesseurs de ce même tribunal par arrêt du 7 avril 1997 du Garde des Sceaux, ministre de la justice, " en application de l'ordonnance n° 92-1141 du 12 octobre 1992 relative à l'organisation judiciaire à Mayotte " ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que le fait qu'un magistrat et des assesseurs siègent en remplacement des titulaires implique l'empêchement de ces derniers, la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer de la régularité de la composition de la juridiction qui a statué, au regard des articles L. 942-9 à L. 942-17 du Code de l'organisation judiciaire ;

Sur la seconde branche du moyen :

Attendu qu'il est vainement fait grief à la juridiction d'instruction du second degré, composée conformément aux dispositions spéciales des articles L. 942-4 et suivants du Code de l'organisation judiciaire, de ne pas satisfaire aux conditions d'impartialité et d'indépendance exigées par l'article 6. 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Qu'en effet, d'une part, les incompatibilités résultant de ladite Convention, comme des articles 49 et 253 du Code de procédure pénale, interdisent seulement que siège à la juridiction de jugement, dans la même cause, un magistrat ayant participé à l'instruction de l'affaire ;

que tel n'est pas le cas en l'espèce ;

Que, d'autre part, n'est pas contraire au principe conventionnel invoqué, le fait qu'en application des articles L. 942-11 à L. 942-17 du Code de l'organisation judiciaire résultant d'une ordonnance ayant valeur législative depuis sa ratification, les assesseurs d'une juridiction, qui, avant d'entrer en fonctions, prêtent devant celle-ci le serment des magistrats, soient désignés par une autorité judiciaire indépendante et régulièrement établie ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 137, 138-11, 140, 141-2, 144, 179, 275 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant placé Me X... en détention provisoire pour violation des obligations du contrôle judiciaire ;

" aux motifs que, que pour faire application des dispositions de l'article 144, dernier alinéa du Code de procédure pénale susvisées, il y a lieu de rechercher d'abord la réalité de la soustraction volontaire aux obligations du contrôle judiciaire ; qu'il est constant que la chambre d'accusation du tribunal supérieur d'appel a placé Chahisse X... sous contrôle judiciaire avec notamment l'obligation de verser un cautionnement de 300 000 francs ; qu'il est constant que l'intéressé a bénéficié d'un délai de paiement accordé par le premier juge ; que, par arrêt du 3 novembre 1998, la chambre d'accusation du tribunal supérieur d'appel a confirmé le refus de modification du contrôle judiciaire décidé par le premier juge ; qu'aucune somme d'argent n'a été consignée par le prévenu en exécution du contrôle judiciaire institué le 18 mai 1998 ; que le manquement à cette obligation est patent ;

que le prévenu s'est donc soustrait volontairement à une obligation du contrôle judiciaire qu'il avait lui-même proposé à la juridiction d'appel pour être élargi ; que le prévenu qui s'est délibérément soustrait à son obligation principale doit être placé en détention provisoire ;

" alors que, si le montant et les délais du cautionnement auquel peut être subordonné le placement sous contrôle judiciaire d'un mis examen sont appréciés souverainement par la juridiction d'instruction, il n'en demeure pas moins que, selon les termes de l'article 138-11 du Code de procédure pénale, ce montant et ces délais doivent être fixés, compte-tenu des ressources de ce dernier ;

que la décision par laquelle la juridiction d'instruction, après avoir refusé de lever ce cautionnement, décide de placer le mis en examen en détention provisoire en raison de l'absence de versement dudit cautionnement doit être spécialement motivée au regard des ressources et des nécessités du placement en détention provisoire à raison des nécessités de l'instruction au jour de la décision ;

" que ne satisfait pas à ces exigences l'arrêt de la chambre d'accusation qui se borne à rappeler les raisons ayant conduit la chambre d'accusation à ordonner la mise en liberté sous caution, puis le magistrat instructeur à placer Me X... en détention provisoire pour violation du contrôle judiciaire sans s'expliquer sur les éléments intervenus après son arrêt et, notamment que Me X... était dessaisi de l'administration de ses biens et ne disposait d'aucune fortune personnelle, dont il résultait que Me X... se trouvait dans l'impossibilité matérielle de verser un cautionnement de 300 000 francs, hors de proportion avec ses ressources, et que cette obligation n'était pas nécessaire pour garantir sa représentation ainsi qu'il le faisait valoir dans ses écritures demeurées sans réponse ;

" que la chambre d'accusation ne s'est pas expliquée sur les arguments déterminants tirés de ce que Me X... avait respecté toutes les obligations résultant du contrôle judiciaire à l'exception du versement de la caution, ce qui démontrait que cette abstention était involontaire mais résultait de l'impossibilité juridique de recouvrer les créances qu'il détenait sur ses clients et révélait l'inadéquation de la mesure à son objet " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Chahisse X..., après avoir été placé sous mandat de dépôt par le juge d'instruction, a été remis en liberté sous contrôle judiciaire par arrêt de la chambre d'accusation du 18 mai 1998, que, par arrêt du 3 novembre 1998, la même juridiction a confirmé une ordonnance du juge d'instruction rejetant une requête en modification de ce contrôle judiciaire et que, par ordonnance du 7 décembre suivant, le juge d'instruction a placé l'intéressé en détention provisoire en raison du manquement à une obligation principale du contrôle judiciaire ;

Attendu que le moyen, en ses deux premières branches, est irrecevable en ce qu'il remet en cause des dispositions d'arrêts antérieurs de la chambre d'accusation relatifs au contrôle judiciaire ordonné avec obligation de verser un cautionnement et devenus définitifs ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction plaçant Chahisse X... en détention provisoire, la juridiction du second degré retient qu'aucune somme d'argent n'a été consignée par celui-ci en exécution du contrôle judiciaire institué le 18 mai 1998, malgré un délai de paiement accordé par le premier juge, que " le manquement à cette obligation est patent ", que l'intéressé " s'est donc soustrait volontairement à une obligation du contrôle judiciaire qu'il avait lui-même proposée à la juridiction d'appel pour être élargi " et que " cet acquiescement s'est révélé illusoire " ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la chambre d'accusation, qui a répondu aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 141-2 du Code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme de la Lance conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Di Guardia ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-80503
Date de la décision : 07/04/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 avr. 1999, pourvoi n°99-80503


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:99.80503
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