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31/03/1999 | FRANCE | N°96-84162

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 31 mars 1999, 96-84162


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- ROUSSEL François,

- C... Francis,

- DA A...
E... Maria, épouse C...,

- H... Silvio,

- LA SOCIETE MEDAFRET,

prévenus, d'une part,

- LA SOCIETE FMT PRODUCTIONS,

- LA SOCIETE SABIM,

- LA SOCIETE VIVICO,

- LA SOCIETE BIF ARMOR,

- LA SOCIETE SOVICO,

- LA SOCIETE SELVI,

parties civiles, d'autre

part,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 24 septembre 1996, qui, dans les poursuites exercées contre les préven...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- ROUSSEL François,

- C... Francis,

- DA A...
E... Maria, épouse C...,

- H... Silvio,

- LA SOCIETE MEDAFRET,

prévenus, d'une part,

- LA SOCIETE FMT PRODUCTIONS,

- LA SOCIETE SABIM,

- LA SOCIETE VIVICO,

- LA SOCIETE BIF ARMOR,

- LA SOCIETE SOVICO,

- LA SOCIETE SELVI,

parties civiles, d'autre part,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 24 septembre 1996, qui, dans les poursuites exercées contre les prévenus pour escroquerie, faux et usage et infractions douanières,

- a condamné François ROUSSEL, Francis et Maria C..., pour complicité d'usage de faux et fausses déclarations douanières, à 2 ans d'emprisonnement avec sursis, Silvio H..., pour intéressement à une fraude douanière, à 8 mois d'emprisonnement avec sursis,

- a condamné solidairement l'ensemble des prévenus et la société MEDAFRET à une amende douanière de 36 554 366 francs et au paiement d'une somme d'égal montant pour tenir lieu de confiscation de la marchandise de fraude,

- a relaxé les prévenus des chefs d'escroquerie et de faux ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 février 1999 où étaient présents : M. Gomez président, M. de Mordant de Massiac conseiller rapporteur, MM. Milleville, Schumacher, Martin, Pibouleau, Grapinet, Farge, Roger, Mme Mazars, M. Palisse, Mme Ponroy conseillers de la chambre, Mmes de la Lance, Caron, M. Samuel conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Cotte ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire de F... de MASSIAC, les observations de Me Y..., de Me X..., de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle Guy LESOURD et de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que, faisant suite à de nombreux achats réalisés de 1984 à 1986, en qualité de courtier de l'armée égyptienne, la société suisse Secogest a passé commande en septembre et décembre 1986, auprès de huit grossistes français, de 7 500 tonnes de viande bovine congelée, dont le prix a été évalué, sur la seule base du cours mondial de la viande bovine, eu égard au fait que l'exportation vers l'Egypte donnait droit à une aide de la Communauté européenne ;

Qu'après avoir déclaré l'exportation de leur marchandise à destination de l'Egypte et avoir reçu par la suite, par l'intermédiaire de la société Secogest, des attestations de mise à la consommation au lieu de destination, émanant d'un service administratif de ce pays, les vendeurs ont sollicité de l'office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'agriculture, chargé de la gestion des aides communautaires accordées dans le cadre de la politique agricole commune, les restitutions auxquelles l'exportation de la viande ouvrait droit ;

Que, cependant, à l'issue d'une enquête douanière, il est apparu qu'à l'insu des exportateurs, la société Secogest avait donné ordre, au moment du départ, à la société Medafret chargée de l'affrètement, de modifier la destination des navires et de livrer la marchandise, non en Egypte, mais au Brésil, pays n'ouvrant pas droit aux restitutions à l'exportation, où elle avait été vendue à une société Sola, le paiement ayant été effectué auprès d'une filiale panaméenne de la société Secogest ;

Que l'octroi des aides communautaires ayant été de ce fait suspendu, les exportateurs se sont constitués parties civiles du chef d'escroquerie, à l'encontre de François Roussel, Maria et Francis C..., dirigeants de la société Secogest, en faisant valoir qu'ils avaient été abusés par les manoeuvres de ces derniers et conduits à livrer à bas prix une marchandise qu'ils avaient eux-mêmes dû acquérir sur le marché national ou européen et pour l'exportation de laquelle ils avaient dû verser des cautions bancaires ;

Qu'à la diligence de l'administration des Douanes et du ministère public, François Roussel et les époux C... ont fait l'objet d'une information des chefs de "fausses déclarations de destination" ayant pour but ou pour effet d'obtenir des restitutions à l'exportation, de faux et usage de faux, pour avoir remis aux exportateurs de faux certificats de mise à la consommation, tandis que Silvio H..., dirigeant de la société de courtage maritime Medafret, a été poursuivi, comme intéressé à cette fraude, pour avoir accepté de détruire, peu après l'achèvement des opérations de transport, à la demande de François Roussel, les connaissements et chartes-parties relatifs à ces opérations ;

Qu'à la suite de leur renvoi devant le tribunal correctionnel, seuls François Roussel et Silvio H... ont été reconnus coupables de fraude douanière, le premier comme auteur, le second comme intéressé à la fraude, l'ensemble des prévenus ayant été relaxé des chefs d'escroquerie, de faux et d'usage de faux ;

Que, statuant sur les appels des parties civiles, du ministère public, de l'administration des Douanes, de François Roussel et de Silvio H..., la cour d'appel a confirmé la relaxe de l'ensemble des prévenus des chefs de faux et d'escroquerie ainsi que la condamnation de François Roussel et de Silvio H... du chef de fraude douanière, mais infirmant le jugement entrepris, elle a déclaré les époux C... également coupables de fraude douanière et François Roussel, Francis C..., Maria C..., coupables de complicité d'usage de faux ;

En cet état,

I - Sur le pourvoi des prévenus :

Sur le cinquième moyen de cassation, présenté au nom des époux C..., pris de la violation des articles 121-1, 121-7, 441-1 nouveaux, 150 et 151 anciens du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les époux C... coupables de complicité d'usage de faux ;

"aux motifs qu'il est établi que ces documents (faux certificats de mise à la consommation des viandes en Egypte) ont été transmis de Genève par la société Secogest aux exportateurs de viande français ; que s'il n'est pas possible de déterminer avec certitude la personne qui a procédé à cette transmission, il est, en revanche, indéniable que cet envoi n'a pu être effectué que sur instruction des dirigeants de l'entreprise, organisateurs de la fraude ;

"alors qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que les trois co-prévenus animaient seuls la société Secogest et qu'ils en étaient tous trois les dirigeants ; que ces seules constatations excluent que l'un ait pu agir sur instruction de l'autre ; que, dès lors, l'arrêt attaqué ne pouvait, sans priver sa décision de motifs et violer le principe de la personnalité des délits, retenir globalement la responsabilité pénale des trois prévenus au motif que l'envoi avait été effectué sur "instruction des dirigeants"" ;

Attendu que, pour déclarer les époux C... coupables de complicité d'usage de faux, au même titre que François Roussel, les juges du fond, après avoir observé que les prévenus prenaient de concert toutes les décisions au sein de la société Secogest, relèvent que, si l'auteur des faux certificats de mise à la consommation, établis au nom de l'armée égyptienne, n'a pu être identifié, les dirigeants de cette société, qui connaissaient la fausseté de ces documents pour avoir eux-mêmes mis la marchandise à la consommation au Brésil, en ont, cependant, sciemment fait usage en les adressant aux exportateurs français pour couvrir leurs agissements ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, loin de se borner à relever une responsabilité collective des prévenus, la cour d'appel a caractérisé la part personnelle prise par chacun d'eux aux faits de l'espèce et l'usage de faux reproché à la prévention ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le premier moyen de cassation, présenté au nom de François Roussel, pris de la violation des articles 414, 417 et 426,4 , du Code des douanes, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné François Roussel, pour fausse déclaration ou manoeuvre ayant eu pour objet, ou pour effet, d'obtenir, en tout ou en partie, un remboursement attaché à l'exportation de marchandises, d'une part, à deux années d'emprisonnement avec sursis, et, d'autre part, à payer à l'administration des Douanes et des droits indirects la somme de 36 554 366 francs pour tenir lieu de la confiscation des marchandises de fraude, ainsi qu'une amende du même montant ;

"aux motifs que "François Roussel, Francis C... et Maria C... étaient, tous trois, dirigeants de fait de la société Secogest, dont les décisions relatives à la gestion et à l'activité commerciale étaient prises en commun" (cf. arrêt attaqué, page 12, 5ème considérant) ; "que l'information a mis en évidence que la société Secogest était seule à l'origine du détournement de destination" (cf. arrêt attaqué, page 12, 6ème considérant) ; "qu'en effet, les prévenus n'ont jamais établi qu'ils auraient passé contrat avec le Nspo pour les marchandises en cause ; que, tout au contraire, l'enquête effectuée en Egypte par les douanes dans le cadre de la mission officielle de la Communauté européenne, a fait apparaître que le NSPO avait, certes, passé, en 1986, avec la société Secogest, représentée par François Roussel ou par Maria C..., un contrat pour l'achat de 6 000 tonnes de viande bovine désossée congelée, mais que les attestations d'arrivée à destination concernant les viandes transportées par les navires "Akebono Reefer" et "Chios Pride" étaient fausses, la marchandise ainsi transportée ne correspondant à aucun achat du NSPO auprès de Secogest ; que le directeur du département des affaires financières et administratives du NSPO a, au surplus, indiqué aux enquêteurs qu'averti en décembre 1986 que le navire "Chios Pride" faisait route sur l'Egypte avec un chargement de viande destinée au NSPO et expédié par la société Secogest, il avait interrogé par télex cette société, et que Maria C... lui avait répondu, par téléphone, que ce bateau ne le concernait pas, et qu'il n'avait pas à s'en occuper ; que ce témoignage est en parfaite conformité avec les éléments précédemment retenus pour établir le rôle d'autorité et de responsabilité rempli par Maria C..." (cf. arrêt attaqué, page 13, 1er considérant) ; "que François Roussel ou Maria C... n'ont pas plus justifié, par des documents bancaires, que les égyptiens auraient été leurs clients, et que, après payement, ils seraient devenus les maîtres du transport ; que, dès lors, propriétaire des marchandises de fraude, la société Secogest avait seule la possibilité de donner des ordres de changement de destination ;

qu'elle avait intérêt à agir, la fausse déclaration de destination lui ayant permis d'obtenir, à un tarif particulièrement bas, la livraison, par les exportateurs français, de très importantes quantités de viande bovine, et, donc, de poursuivre son activité de négoce international" (cf. arrêt attaqué, page 13, 2ème considérant) ; "que Mme G..., assistante de direction de la société Medafret, a déclaré que, pour tous les affrètements liés, directement ou indirectement, à NSPO, elle traitait avec Secogest, n'ayant jamais eu d'interlocuteur chez NSPO, précisant qu'elle connaissait la voix de ses interlocuteurs de Secogest qui intervenaient à tour de rôle (Francis ou Maria C... ou François Roussel) ; que, s'agissant du premier transport, la société Medafret a adressé, le 27 septembre 1986, à la société Secogest à Genève, pour le compte de l'armateur, une facture de fret de 235 600 dollars, correspondant au payement d'un fret au taux de 62 dollars la tonne, sans mention de la destination du navire, tarif applicable à l'option destination Brésil ; que Secogest a réglé ladite facture sans faire, à l'époque, la moindre observation ;

que, s'agissant du deuxième transport, les documents saisis chez Medafret démontrent que, pour les problèmes survenus à Rio de Janeiro pour le "Chios Pride", l'armateur, l'agent de l'armateur et le destinataire des marchandises au Brésil, la société Sola, se sont mis en rapport avec la société Secogest en Suisse" (cf. arrêt attaqué, page 13, 13ème considérant) ; "qu'enfin, M. D... a affirmé qu'en février 1987, il avait été mis au courant de l'affaire par les époux C..., lesquels lui avaient laissé sous-entendre que Secogest était impliqué dans une opération de changement de destination, mais qu'ils allaient se débrouiller" (cf. arrêt attaqué, page 14, 1er considérant) ; "qu'il s'en déduit que les trois prévenus, animateurs de la société Secogest, sont personnellement impliqués dans le montage frauduleux qui, grâce aux déclarations souscrites par les exportateurs français sur les instructions conventionnelles données par la société suisse, a permis la perception d'avantages communautaires indus" (cf. arrêt attaqué, page 14, 2ème considérant) ;

"alors que le délit prévu par l'article 426,4 , du Code des douanes n'est constitué que si l'auteur de la fausse déclaration ou de la manoeuvre a obtenu, en tout ou en partie, un remboursement, une exonération, un droit réduit ou un avantage quelconque attaché à l'importation ou à l'exportation ; que la cour d'appel constate que les restitutions qui ont été obtenues par la fausse déclaration imputée à François Roussel ont été perçues, non pas par celui-ci ou par la société qu'il dirigeait en fait, mais par les exportateurs français de viande bovine, lesquels n'ont pas fait l'objet d'une poursuite douanière ; qu'en énonçant, dans ces conditions, que François Roussel a commis le délit prévu par l'article 426,4 , du Code des douanes, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors que François Roussel faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (page 14), qu'il n'avait, ni directement, ni indirectement, participé aux restitutions qui ont été versées en conséquence des fausses déclarations ou des manoeuvres qui lui sont imputées, et qui, dans leur intégralité, ont été perçues par les exportateurs français de viande bovine ; qu'en se bornant à énoncer que la fausse déclaration de destination a permis à la société Secogest, dont François Roussel était le dirigeant de fait, de continuer son activité de négoce international, la cour d'appel, qui ne s'explique pas sur le moyen que soulevait François Roussel, a privé sa décision de motifs" ;

Sur le premier moyen de cassation, présenté au nom de Francis et Maria C..., pris de la violation des articles 426,4 , 414, 435 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Francis et Maria C... coupables, en qualité de coauteurs, d'exportation sans déclaration ;

"aux motifs que l'information a mis en évidence que la société Secogest était seule à l'origine du détournement de destination ; qu'en effet, les prévenus n'ont jamais établi qu'ils auraient passé contrat avec le NSPO pour les marchandises en cause, que François C..., Francis ou Maria C... n'ont pas plus justifié, par des documents bancaires, que les égyptiens auraient été leurs clients et que, après paiement, ils seraient devenus les maîtres du transport ; que, dès lors, propriétaire des marchandises de fraude, la société Secogest avait seule la possibilité de donner des ordres de changement de destination ;

"alors que la Cour ne pouvait, sans méconnaître la présomption d'innocence et renverser ainsi la charge de la preuve, reprocher aux prévenus de ne pas établir l'existence des contrats avec le NSPO et de ne pas rapporter la preuve que les égyptiens seraient devenus maîtres du transport après le paiement des marchandises, pour en déduire que la société Secogest était seule à l'origine du détournement de destination" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, présenté au nom de Francis et Maria C..., pris de la violation des articles 121-1 du Code pénal, 426,4 , 414, 435 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Francis et Maria C... coupables, en qualité de coauteurs, d'exportation sans déclaration ;

"aux motifs que les trois prévenus avaient mis en place une organisation où chacun avait un rôle, mais qui impliquait la connaissance par chacun de ce qui était fait par les autres ; que François Roussel, Francis et Maria C... étaient tous trois dirigeants de fait de la société Secogest dont les décisions relatives à la gestion et à l'activité commerciale étaient prises en commun, que chacun des trois prévenus avait le pouvoir de représenter l'entreprise ; que l'information a mis en évidence que la société Secogest était seule à l'origine du détournement de destination ;

que, propriétaire des marchandises de fraude, la société Secogest avait seule la possibilité de donner des ordres de changement de destination ; que s'agissant du premier transport, la société Medafret a adressé, le 27 septembre 1986 à la société Secogest à Genève, une facture de fret de 235 600 dollars, tarif applicable à l'option destination Brésil ; que Secogest a réglé ladite facture sans faire, à l'époque, la moindre observation ; que s'agissant du deuxième transport, l'armateur, l'agent de l'armateur et le destinataire des marchandises au Brésil, la société Sola, se sont mis en rapport avec la société Secogest en Suisse ; qu'il est établi que les faux certificats de mise à la consommation en Egypte ont été transmis de Genève par Secogest aux exportateurs de viande ; que le directeur du NSPO a indiqué qu'averti, en décembre 1986, que la navire Chios Pride faisait route sur l'Egypte avec un chargement de viande destiné au NSPO et expédié par la société Secogest, il avait interrogé, par télex, cette société, que Maria C... lui a répondu, par téléphone, que ce bateau ne le concernait pas et qu'il n'avait pas à s'en occuper ;

"alors, d'une part, que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; que la responsabilité pénale de l'auteur principal d'une infraction douanière suppose une participation matérielle et personnelle de celui-ci aux actes de fraude ; que la simple qualité de gérant de fait de la société qui serait à l'origine du détournement de destination, ne suffit pas à caractériser une telle participation ; que la cour d'appel, qui se fonde sur cette qualité de Francis et Maria C... pour entrer en voie de condamnation, sans relever aucun acte de participation personnelle et matérielle à leur encontre, a violé le principe énoncé et ensemble les textes précités ;

"alors, d'autre part, que la Cour, qui se borne à constater de façon générale et imprécise que les trois prévenus représenteraient indifféremment la société Secogest et que les décisions sont prises en commun, sans relever la participation personnelle de chacun d'eux aux faits de fraude qui leur sont reprochés, a encore violé les textes précités et privé sa décision de base légale ;

"alors, de troisième part, que la simple connaissance, en tant que gérant de fait, des actes délictueux, ne suffit pas, en l'absence de participation matérielle à ceux-ci, établie personnellement à l'encontre des prévenus, à caractériser le délit de fraude douanière ; que la Cour, qui se borne à relever que Francis et Maria C... ne pouvaient ignorer les décisions prises par François Roussel pour les déclarer coupables de fraude douanière, a privé sa décision de base légale et violé le principe énoncé ;

"alors, enfin, que le simple fait que Maria C... ait répondu au directeur du NSPO que le navire Chios Pride ne le concernait pas et qu'il n'avait pas à s'en occuper ne saurait suffire à caractériser une participation de sa part et de Francis C... aux manoeuvres qui leur sont reprochées" ;

Sur le troisième moyen de cassation, présenté au nom de Francis et Maria C..., pris de la violation des articles 426,4 , 414, 435, 398 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Francis et Maria C... coupables d'exportation sans déclaration ;

"aux motifs que, propriétaire des marchandises de fraude, la société Secogest avait seule intérêt à agir, la fausse déclaration de destination lui ayant permis d'obtenir à un tarif particulièrement bas la livraison par les exportateurs français de très importantes quantités de viande bovine et donc de poursuivre son activité de négoce international ;

"alors que le fait que la société Secogest soit propriétaire des marchandises de fraude et qu'elle ait un intérêt à celle-ci est inopérant pour caractériser une participation personnelle et matérielle de Francis et Maria C... - fussent-ils dirigeants de fait de la société - aux manoeuvres ou un intéressement de leur part à la fraude reprochée ; que, dès lors, la déclaration de culpabilité et les condamnations prononcées personnellement contre eux ne sont pas légalement justifiées" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, présenté au nom de Francis et Maria C..., pris de la violation des articles 426,4 , 414, 435 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les époux C... coupables, en tant que coauteurs, d'exportation sans déclaration ;

"alors que le délit d'exportation sans déclaration, prévu par l'article 426,4 , du Code des douanes, suppose que les auteurs des manoeuvres cherchent à obtenir un avantage quelconque attaché à l'exportation ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les restitutions à l'exportation étaient destinées aux sociétés exportatrices de viande et non aux époux C... ; qu'en entrant néanmoins en voie de condamnation à leur encontre, sans constater l'avantage qu'ils en retiraient, l'arrêt attaqué a violé le principe énoncé et les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que François Roussel, Francis C... et Maria C... ont été poursuivis, sur le fondement de l'article 426,4 , du Code des douanes, comme auteurs de fausses déclarations de destination ayant eu pour but d'obtenir 102 422 411 francs de restitutions à l'exportation ;

Attendu que, pour déclarer François Roussel, Francis C... et Maria C..., dirigeants de fait de la société Secogest, coupables des faits visés à la prévention, la cour d'appel énonce que, contrairement à ce que les prévenus soutiennent, la marchandise a été acquise, non par l'armée égyptienne, mais par eux et que c'est donc eux seuls qui, à l'insu des exportateurs, ont pris la décision de détourner la marchandise vers le Brésil, après qu'elle eut été déclarée à l'exportation, livrée et chargée sur des navires, dans le but de réaliser, pour leur propre compte, une opération de négoce intéressante, eu égard au prix auquel ils avaient acquis la marchandise et que tous trois sont personnellement impliqués dans cette opération qui, grâce aux déclarations souscrites par les exportateurs sur les instructions conventionnelles données par leur société, a permis la perception, par ces derniers, d'avantages communautaires indus ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a, sans encourir les griefs allégués, caractérisé l'infraction reprochée et la part prise par chacun des prévenus à la commission de celle-ci ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le premier moyen de cassation de cassation, présenté aux noms de Silvio H... et de la société Medafret, pris de la violation des articles 399-2, 426,4 , du Code des douanes, 3 de l'ancien Code pénal, 121-5 et 434-13 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Silvio H... coupable, comme intéressé à la fraude, de fausses déclarations de destination ayant pour but d'obtenir un remboursement ou un avantage quelconque attaché à l'exportation et l'a condamné, sur l'action publique, à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et, sur l'action douanière, solidairement avec les autres parties, à payer 36 554 366 francs pour tenir lieu de confiscation et 36 554 366 francs à titre d'amende ;

"aux motifs adoptés du tribunal que, s'il minimisait l'intérêt financier qu'aurait trouvé la société Medafret dans les changements de destination, Silvio H... reconnaissait avoir détruit des documents susceptibles de permettre des poursuites à l'encontre de François Roussel ; que, pour avoir couvert les agissements de celui-ci et tenté de lui procurer l'impunité, il devait également être retenu comme responsable de cette infraction en qualité d'intéressé à la fraude au sens de l'alinéa 2 de l'article 399 du Code des douanes ;

"aux motifs propres de l'arrêt attaqué que c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le tribunal a retenu Silvio H... dans les liens de la prévention en qualité d'intéressé à la fraude au sens de l'alinéa 2 de l'article 399 du Code des douanes ;

que ce prévenu avait, en effet, couvert les agissements des fraudeurs par des affirmations inexactes sur une intervention prétendue des autorités égyptiennes et par la destruction des correspondances révélant la véritable destination des cargaisons et l'origine des ordres donnés ; que cette destruction ne pouvait être effacée par le fait que le prévenu soit revenu par la suite sur ses déclarations ;

"alors, en premier lieu, que, aux termes de l'alinéa 2 de l'article 399 du Code des douanes, "sont réputés intéressés à la fraude : "a) les entrepreneurs, membres d'entreprises, assureurs, assurés, bailleurs de fonds, propriétaires de marchandises, et, en général, ceux qui ont un intérêt direct à la fraude ;

"b) ceux qui ont coopéré d'une manière quelconque à un ensemble d'actes accomplis par un certain nombre d'individus agissant de concert, d'après un plan de fraude arrêté pour assurer le résultat poursuivi en commun ;

"c) ceux qui ont, sciemment, soit couvert les agissements des fraudeurs ou tenté de leur procurer l'impunité, soit acheté ou détenu même en dehors du rayon, des marchandises provenant d'un délit de contrebande ou d'importation sans déclaration ;

"que Silvio H... n'ayant aucun intérêt direct à la fraude, et n'ayant pas coopéré à un ensemble d'actes accomplis par ses co-prévenus d'après un plan arrêté pour assurer le résultat poursuivi en commun, sa culpabilité ne pouvait être retenue que s'il avait sciemment couvert les agissements des fraudeurs ou tenté de leur procurer l'impunité ; que, en l'espèce où il n'est pas reproché à Silvio H... d'avoir acheté des marchandises de fraude, l'intérêt à la fraude prévue par le c) de l'alinéa 2 de l'article 399 ne pouvait être constitué que s'il avait, en connaissance de cause, soit cherché à couvrir les agissements des fraudeurs, soit tenté de leur procurer l'impunité ; que, pour que l'intérêt à la fraude soit retenu, il faut que la personne intéressée à la fraude ait su que ses agissements étaient destinés à couvrir une fraude douanière ou qu'elle ait su que les personnes auxquelles elle tentait de procurer l'impunité avaient commis une fraude douanière ; qu'à propos des destructions de documents, Silvio H... avait, dans ses conclusions demeurées sans réponse, fait valoir que celles-ci avaient eu lieu peu après les expéditions et avant le déclenchement de l'enquête des douanes à une époque où il ignorait tout du problème de François Roussel qui, ayant fait subitement irruption dans les bureaux de la société Medafret à Paris en invoquant "un coup monté par les concurrents qui, voulant se conserver la destination du Brésil, les avaient déjà écartés de cette destination", avait demandé la destruction de certains documents ; que la Cour, qui n'a pas constaté que Silvio H... savait, lorsqu'il a procédé ou fait procéder aux destructions demandées, que les consorts I... s'étaient livrés à un changement de destination des marchandises vers le Brésil à l'effet d'obtenir des restitutions indues de la CEE et qui ne s'est pas expliquée sur ce moyen des conclusions, n'a donné aucune base légale à sa décision ;

"alors, en deuxième lieu, que, dans ses conclusions également délaissées, Silvio H... avait fait valoir qu'entendu par les douanes le 28 avril 1987, il s'était borné à déclarer qu'il ferait des recherches pour éclaircir cette affaire et qu'il avait, spontanément, le 12 juin 1987, manifesté le souhait d'apporter aux enquêteurs douaniers des éclaircissements et qu'il avait essentiellement, au cours de l'audition, laissé s'exprimer ses collaborateurs ; qu'en retenant, sans autrement s'en expliquer, que Silvio H... avait couvert les agissements des fraudeurs par des "affirmations inexactes sur une intervention prétendue des autorités égyptiennes", cependant qu'il ne résulte d'aucun des éléments du dossier que Silvio H..., absent de Paris à l'époque de l'enquête des douanes et ignorant tout de cette enquête, ait fait des déclarations inexactes, la cour d'appel s'est mise en contradiction avec les pièces du dossier et a privé sa décision de toute base légale ;

"alors, en tout état de cause, que les personnes poursuivies comme intéressées à la fraude pour avoir couvert les agissements des fraudeurs ou tenté de leur procurer l'impunité ne peuvent être sanctionnées au titre de l'article 399 2. c) du Code des douanes que si, avant la décision mettant fin à la procédure rendue par la juridiction d'instruction ou par la juridiction de jugement, elles n'ont pas elles-mêmes spontanément dénoncé la fraude aux autorités de poursuite ; qu'en l'espèce, il est constant que, au cours de l'enquête douanière - et donc avant l'ouverture de l'information - Silvio H..., qui ignorait, à la date à laquelle les destructions lui ont été demandées, qu'elles avaient pour but de couvrir la fraude de François Roussel et des époux C..., n'a, non seulement, fait lui-même aucune déclaration fausse ou inexacte pour égarer les enquêteurs et couvrir les fraudeurs ou tenter de leur assurer l'impunité, mais qu'il a spontanément, après son audition du 28 avril 1987, et après avoir éclairci l'affaire dans sa société, demandé à l'administration des Douanes de l'entendre à nouveau et d'entendre ses collaborateurs - qui, seuls, avaient fait un témoignage inexact - auquel il a imposé de dire la vérité ; qu'il est tout aussi constant que c'est cette aide spontanée apportée aux enquêteurs avant le début de l'information qui a permis d'établir les infractions douanières commises par François Roussel, les époux C... et la société Secogest ; qu'ainsi, à supposer qu'il y ait eu de la part des collaborateurs de la société Medafret, dans un premier temps, tentative de couvrir les agissements de fraudeurs ou de leur assurer l'impunité, c'est en définitive grâce à la collaboration de Silvio H... que les infractions ont pu être poursuivies et sanctionnées ; qu'il s'ensuit que, même si, à l'origine, la responsabilité de Silvio H... pouvait être recherchée en sa qualité de responsable de la société Medafret, les faits qui lui étaient reprochés ne pouvaient s'analyser en une infraction punissable en raison du concours spontané par lui apporté aux enquêteurs pour la recherche de la vérité avant même l'ouverture de l'information ; qu'il s'ensuit que la sanction prononcée est illégale" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, présenté aux noms de Silvio H... et de la société Medafret, pris de la violation des articles 399-2, 426,4 , du Code des douanes, 339 de la loi d'adaptation du 16 décembre 1992, 121-1, 121-3, 121-4, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Silvio H... coupable, comme intéressé à la fraude, de fausses déclarations de destination ayant pour but d'obtenir un remboursement ou un avantage quelconque attaché à l'exportation, et l'a condamné, sur l'action publique, à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et, sur l'action douanière, solidairement avec les autres parties à payer 36 544 366 francs pour tenir lieu de confiscation et 36 544 366 francs à titre d'amende ;

"alors qu'aux termes des articles 121-1, 121-3 et 121-4 du Code pénal, nul n'est responsable que de son propre fait, qu'est auteur de l'infraction celui qui commet les faits incriminés et qu'il n'y a point de délit sans intention de le commettre ; qu'en vertu de ces textes, le dirigeant d'une personne morale n'est responsable que des infractions qu'il a lui-même commises pour le compte de cette dernière ; qu'en l'espèce où il résulte des éléments du dossier que Silvio H... était en déplacement à l'étranger aux dates où se sont produits les faits incriminés, et que, par conséquent, il n'a pu en aucun cas y participer, sa responsabilité pénale ne pouvait être recherchée au titre d'un quelconque intérêt à la fraude" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer Silvio H..., en qualité de dirigeant de la société Medafret, coupable d'intéressement à la fraude, la cour d'appel relève qu'en acceptant de détruire, peu après les opérations, à la demande de François Roussel, les connaissements et chartes-parties relatifs aux deux transports litigieux vers le Brésil, l'intéressé a tenté de couvrir les agissements frauduleux de ce dernier et que cette destruction volontaire implique la volonté d'entraver l'action de l'Administration, laquelle ne peut être effacée par le concours qu'il a apporté par la suite à l'enquête ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le deuxième moyen de cassation, présenté au nom de François Roussel, pris de la violation des articles 36 et 40 du traité de Rome, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 414 et 430 du Code des douanes, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné François Roussel à payer à l'administration des Douanes et des droits indirects une somme de 36 554 366 francs pour tenir lieu de confiscation des marchandises de fraude et une amende de 36 554 366 francs ;

"aux motifs que "l'administration des Douanes et droits indirects demande (...) de condamner solidairement François Roussel, Francis C..., Maria Da B..., épouse C..., Silvio H... et la société Medafret, civilement responsable, à lui payer : 1) pour tenir lieu de la confiscation des marchandises de fraude, la somme de 36 554 366 francs ; 2) et une amende de 73 108 732 francs égale au double de cette valeur" (cf. arrêt attaqué, page 16, 1er considérant) ; "que l'action de l'administration des Douanes est fondée à l'encontre des prévenus retenus dans les liens de la prévention du chef de fausses déclarations de destination ayant pour but d'obtenir un remboursement ou un avantage quelconque attaché à l'exportation, ainsi qu'à l'égard de la société Medafret, civilement responsable ; qu'en tenant compte du caractère organisé de la fraude, la Cour fera droit à la demande de l'Administration au titre de la confiscation, mais limitera l'amende à une fois la valeur des marchandises de fraude" (cf. arrêt attaqué, page 16, 3ème considérant) ;

"alors que les sanctions répressives ou civiles ne doivent pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché ; qu'en se bornant à relever, pour justifier le montant de la somme tenant lieu de confiscation et celui de l'amende qu'elle met à la charge de François Roussel, à faire état du "caractère organisé de la fraude", sans s'interroger sur la proportion existant entre les faits qu'elle réprime, la sanction qu'elle prononce et la gravité du dommage causé, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Sur le sixième moyen de cassation, présenté au nom de Francis et Maria C..., pris de la violation des articles 36 et 40 du traité de Rome, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 414 et 430 du Code des douanes, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné solidairement Francis C... et Maria C... à payer à l'administration des Douanes la somme de 36 554 366 francs pour tenir lieu de confiscation des marchandises de fraude, et une amende de 36 554 336 francs égale à une fois la valeur des marchandises ;

"aux motifs que l'action de l'administration des Douanes est fondée à l'encontre des prévenus retenus dans les liens de la prévention du chef de fausses déclarations de destination ayant pour but d'obtenir un remboursement ou un avantage quelconque attaché à l'exportation ainsi qu'à l'égard de la société Medafret, civilement responsable ; que tenant compte du caractère organisé de la fraude, la Cour fera droit à la demande de l'Administration au titre de la confiscation mais limitera l'amende à une fois la valeur des marchandises de fraude ;

"alors que les sanctions répressives ou civiles ne doivent pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché ; qu'en se bornant à relever pour justifier le montant de la somme tenant lieu de confiscation et celui de l'amende qu'elle met à la charge de Francis et Maria C... à faire état du caractère organisé de la fraude sans s'interroger sur la proportion existant entre les faits qu'elle réprime, la sanction qu'elle prononce et la gravité du dommage causé, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Sur le troisième moyen de cassation, présenté par Silvio H... et la société Medafret, pris de la violation des articles 36 et 40 du traité de Rome, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 414 et 430 du Code des douanes, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Silvio H... à payer à l'administration des Douanes et des droits indirects une somme de 36 554 366 francs pour tenir lieu de confiscation des marchandises de fraude et une amende de 36 554 366 francs ;

"aux motifs que l'administration des Douanes et des droits indirects demande de condamner solidairement François Roussel, Francis C..., Maria Da Z..., épouse C..., Silvio H... et la société Medafret, civilement responsable, à lui payer :

1) pour tenir lieu de confiscation des marchandises de fraude la somme de 36 544 366 francs, 2) et une amende de 73 108 732 francs égale au double de cette valeur (arrêt page 16, paragraphe 1er) ; que l'action de l'administration des Douanes est fondée à l'encontre des prévenus retenus dans les liens de la prévention du chef de fausse déclaration de destination ayant pour but d'obtenir un remboursement ou un avantage quelconque à l'exportation ainsi qu'à l'égard de la société Medafret, civilement responsable ; qu'en tenant compte du caractère organisé de la fraude, la Cour fera droit à la demande de l'Administration au titre de la confiscation, mais limitera l'amende à une fois la marchandise de fraude (arrêt page 16, paragraphe 3) ;

"alors que les sanctions répressives ou civiles ne doivent pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché ; qu'en se bornant, pour justifier le montant de la somme tenant lieu de confiscation et celui de l'amende qu'elle met à la charge de Silvio H... et de la société Medafret, à faire "du caractère organisé de la fraude", sans s'interroger sur la proportion existant entre les faits qu'elle réprime, la sanction qu'elle prononce et la gravité du dommage causé, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte du dispositif de l'arrêt attaqué que François Roussel, Francis C..., Maria C..., Silvio H... et la société Medafret ont été condamnés à payer solidairement à l'Administration la somme de 36 554 366 francs pour tenir lieu de confiscation de la totalité de la viande exportée et une somme d'égal montant au titre de l'amende douanière ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que les prévisions des articles 414 et 430 du Code des douanes ne méconnaissent aucune disposition du traité de Rome et des textes pris pour son application, ni le principe de proportionnalité, admis en droit communautaire, ni les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme et celles de la Déclaration des droits de l'homme visées au moyen, l'arrêt n'encourt pas le grief allégué ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

II - Sur le pourvoi des parties civiles :

Sur le pourvoi de la société FMT productions ;

Attendu qu'aucun moyen n'est produit à l'appui du pourvoi ;

Sur le pourvoi des autres parties civiles ;

Sur le second moyen de cassation, présenté aux noms des sociétés Sabim, Vivico, Bif Armor, Sovico, Selvi, parties civiles, pris de la violation des articles 405 de l'ancien Code pénal, 313-1 du nouveau Code pénal, 1382 du Code civil et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé les prévenus des poursuites exercées à leur encontre du chef d'escroquerie et a débouté les parties civiles de leurs demandes ;

"aux motifs que le consentement des vendeurs n'a pu être vicié par les changements de connaissements puisque ces documents n'avaient pu être établis qu'après la livraison des marchandises et n'avaient, au surplus, pas été présentés aux exportateurs ; que la remise a posteriori des faux certificats de mise à la consommation, établis et communiqués après la remise des marchandises, ne pouvait être constitutive de manoeuvres au sens de l'article 405 du Code pénal applicable au moment des faits ;

"alors que, si un simple mensonge, même produit par écrit, ne peut constituer une manoeuvre caractéristique du délit d'escroquerie tel qu'il était prévu par l'article 405 de l'ancien Code pénal en vigueur au moment des faits, il n'en reste pas moins qu'il a toujours été jugé, en application de ce texte, que l'intervention de tiers de nature à donner force et crédit à la fraude, est susceptible de constituer des manoeuvres frauduleuses ; que, dès lors, en l'espèce, où les juges du fond ont eux-mêmes constaté que les exportations litigieuses faussement destinées à l'Egypte, pays ouvrant droit à des restitutions communautaires et justifiant donc de prix très inférieurs à ceux pratiqués sur le marché intérieur avaient, pendant plusieurs années, été précédées d'autres exportations effectivement réalisées vers ce pays avant que deux expéditions de marchandises ne soient illégalement détournées vers le Brésil, la Cour, qui a par ailleurs relevé l'intervention des quatre prévenus dans le mécanisme de la fraude douanière en constatant que François Roussel avait conclu les contrats de vente de viandes et que les époux C... assuraient le fonctionnement de la société au profit de laquelle les contrats avaient été consentis, a violé le texte précité en raisonnant comme si les sociétés vendeuses n'avaient été victimes que d'un simple mensonge et non de manoeuvres frauduleuses caractéristiques du délit d'escroquerie" ;

Attendu que, pour relaxer les prévenus du chef d'escroquerie, les juges du fond, après avoir relevé que la décision de changer la destination du navire avait été prise postérieurement à la passation des marchés et aux déclarations à l'exportation, énoncent que le consentement des vendeurs n'a pu être vicié par les changements des connaissements, puisque ces documents n'ont été établis qu'après la livraison de la marchandise et n'ont pas, au surplus, été présentés aux exportateurs et que l'envoi ultérieur de certificats de mise à la consommation, établis et communiqués après la remise de la marchandise, n'a pu, de la même manière, être déterminant de la remise ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que les parties civiles ne démontraient ni même alléguaient l'existence d'aucune manoeuvre antérieure à la livraison de la marchandise, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve soumis aux débats, doit être écarté ;

Mais sur le premier moyen de cassation, présenté au nom des sociétés Sabim, Vivico, Bif Armor, Sovico, Selvi, parties civiles, pris de la violation des articles 59, 60, 150 et 151 de l'ancien Code pénal applicable au moment des faits, 121-6 et 121-7 du Code pénal, 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, qui a déclaré les prévenus coupables de complicité d'usage de faux, a confirmé la décision des premiers juges déboutant les parties civiles de leurs demandes en réparation des préjudices subis ;

"aux motifs que les premiers juges ont, à juste titre, estimé que l'information n'avait pas permis d'identifier l'auteur des faux certificats de mise à la consommation des viandes en Egypte émanant prétendument des autorités militaires égyptiennes ; que la décision attaquée doit, dès lors, être confirmée en ce qu'elle a relaxé du chef de faux François Roussel, Francis C... et Maria C... ;

"que, cependant, il est établi que ces documents ont été transmis de Genève par la société Secogest aux exportateurs de viandes français ; que, s'il n'est pas possible de déterminer avec certitude la personne qui a procédé à cette transmission, il est en revanche indéniable que cet envoi n'a pu être effectué que sur instructions des dirigeants de l'entreprise, organisateurs de la fraude ; que la Cour déclarera, en conséquence, François Roussel, Francis et Maria C... coupables de complicité d'usage de faux ;

"qu'en raison des relaxes prononcées du chef d'escroquerie, le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a débouté l'ensemble des parties civiles de leurs demandes ;

"alors que le délit de complicité d'usage de faux implique nécessairement l'existence d'un préjudice ; qu'en l'espèce, les juges d'appel, qui ont infirmé sur ce point la décision des premiers juges et ont déclaré François Roussel et les époux C... coupables de complicité d'usage de faux, ne pouvaient débouter les sociétés demanderesses, parties civiles, de leurs demandes en réparation des préjudices subis en raison des relaxes prononcées du chef d'escroquerie ; que, ce faisant, la cour n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui en découlaient nécessairement et n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Vu l'article 2 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'il appartient aux juridictions du fond de réparer, dans les limites des conclusions des parties, le préjudice dont elles reconnaissent le principe et dont elles doivent rechercher l'étendue exacte ;

Attendu que, pour débouter les parties civiles de leur demande de dommages-intérêts formée contre les prévenus à raison des faits poursuivis, la cour d'appel se borne à énoncer qu'en raison des relaxes prononcées du chef d'escroquerie, les parties civiles ne peuvent qu'être déboutées de leur action ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que, dans le même temps, elle déclarait les prévenus coupables d'usage de faux, pour avoir adressé de faux certificats de mise à la consommation, destinés à faire croire aux exportateurs que leur société avait respecté ses obligations contractuelles, et à permettre à ces derniers de solliciter des restitutions à l'exportation, fait de nature à créer un préjudice, non seulement à la Communauté européenne, mais encore aux parties civiles, et alors que celles-ci visaient, au soutien de leurs demandes, les faux certificats de mise à la consommation, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

Qu'ainsi la cassation est encourue de ce chef ;

I - Sur les pourvois des prévenus ;

Les REJETTE ;

II - Sur le pourvoi de la société FMT productions ;

Le REJETTE ;

III - Sur le pourvoi des autres parties civiles ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE l'arrêt de la cour d'appel d'appel de Paris, en date du 24 septembre 1996, mais en ses seules dispositions ayant débouté les parties civiles de leur demande de dommages-intérêts, et pour qu'il soit, à nouveau, jugé conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente et un mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-84162
Date de la décision : 31/03/1999
Sens de l'arrêt : Cassation rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(sur le second moyen des parties civiles) ESCROQUERIE - Manoeuvres frauduleuses - Caractère déterminant - Moment - Evènements postérieurs au consentement.


Références :

Code pénal 313-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 9ème chambre, 24 septembre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 31 mar. 1999, pourvoi n°96-84162


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:96.84162
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