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30/03/1999 | FRANCE | N°98-80598

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 mars 1999, 98-80598


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... Gilles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11 ème chambre, en date du 12 janvier 1998, qui l'a condamné, pour obstacle à l'exercice des fonctions d'un inspecteur du travail, à une amende de 10 000 francs et a rejeté sa demande en non-inscription au bulletin n° 2 de la condamnation ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 16 fÃ

©vrier 1999 où étaient présents dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... Gilles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11 ème chambre, en date du 12 janvier 1998, qui l'a condamné, pour obstacle à l'exercice des fonctions d'un inspecteur du travail, à une amende de 10 000 francs et a rejeté sa demande en non-inscription au bulletin n° 2 de la condamnation ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 16 février 1999 où étaient présents dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire :

M. Gomez président, Mme Karsenty conseiller rapporteur, M. Milleville conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, VII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 611-8, 611-9 et 631- 1, du Code du travail, 459, 485 et 593 du Code de procédure pénale ;

violation de la loi, défaut de réponse à conclusions ;

"en ce que l'arrêt a déclaré Gilles Y... coupable d'obstacle à l'exercice des fonctions d'inspecteur du travail et l'a condamné à 10 000 francs d'amende ;

"aux motifs que le délit d'obstacle à l'accomplissement des devoirs d'un inspecteur du travail est constitué dès lors que les renseignements donnés lors d'un contrôle comportent volontairement des inexactitudes ; que les heures supplémentaires effectuées par les salariés de la société dirigée par Gilles Y... ne figuraient ni sur les relevés horaires communiqués par celui-ci, ni sur les bulletins de paie des salariés qui ne faisaient mention que de "primes exceptionnelles" ; que l'inspecteur du travail n'a pu établir la réalité des faits qu'à partir des relevés d'heures remis par des membres du personnel de la société qui s'étaient plaints auprès de ses services "de problèmes impliquant le non-respect par leur employeur de la réglementation du travail (heures supplémentaires, repos compensateur)" ; que les documents qui lui ont été présentés par Gilles Y... le 24 juillet 1996 après des rendez-vous annulés ou reportés étaient donc dépourvus de sincérité et d'exactitude ; que si l'établissement de tels documents inexacts procédait d'une volonté de ne pas se soumettre à la réglementation en matière d'heures supplémentaires, leur présentation en toute connaissance de cause par Gilles Y... à l'inspecteur du travail faisait obstacle, en en compliquant sérieusement l'accomplissement, au contrôle de ce fonctionnaire ; que, dans ces conditions, l'infraction poursuivie est caractérisée en tous ses éléments constitutifs tant matériel qu'intentionnel et qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qui concerne la culpabilité ; qu'il convient toutefois en faisant une plus juste appréciation de la gravité des faits d'élever à 10 000 francs la peine d'amende qui sera prononcée à l'encontre du prévenu ;

"et aux motifs adoptés que si l'on s'en tient aux relevés communiqués lors du contrôle, il n'existe pas de discordance manifeste entre les horaires individuels pratiqués dans l'entreprise depuis le mois de novembre 1995, les feuilles de paie des 12 derniers mois et le livre de paie, documents réclamés par l'inspecteur du travail comme il l'aurait fait pour un contrôle de routine ; que c'est seulement grâce aux réclamations des salariés et aux plannings individuels qu'ils lui avaient remis à cette occasion qu'il a pu vérifier que les documents produits ne reflétaient pas la réalité ; que la présentation de ces documents n'était pas de nature à mettre sa vigilance en éveil ; que Gilles Y... n'ayant jamais cherché, comme il le déclare lui-même à léser ses salariés dans le mode de calcul de leurs "primes exceptionnelles", il ne pouvait s'attendre à leurs réclamations auprès de l'inspecteur du travail et devait espérer qu'un contrôle de routine ne révélerait rien d'anormal ; qu'il convient de rappeler que, pour obtenir les horaires individuels nécessaires à son contrôle, il a fallu à M. X... trois visites dans l'entreprise, un rendez-vous avorté et une lettre comminatoire ; qu'eu égard à la mauvaise grâce manifestée par Gilles Y... pour communiquer des documents dont la nature lui était connue dès le premier passage de l'inspecteur du travail, ainsi qu'à la menace d'un procès-verbal d'obstacle exprimée dans la lettre du 3 juillet 1996, il est invraisemblable que la remise à M. X... de documents inexacts soit le fruit d'une simple erreur de secrétariat ; que les circonstances de la cause démontrent la mauvaise foi du prévenu ;

1 )alors que le délit d'obstacle à l'accomplissement des devoirs d'un inspecteur du travail n'est constitué que lorsque les renseignements donnés lors d'un contrôle comportent volontairement des inexactitudes ; que tant l'inspecteur du travail dans son procès-verbal que le tribunal ou la cour d'appel ont constaté que Gilles Y... avait répondu sans dissimulation aux interrogations de l'inspecteur du travail lui permettant ainsi d'établir sans difficulté que des heures supplémentaires étaient effectuées et apparaissaient sous forme de prime dans les bulletins de paie établis par la société ; qu'il résultait de ces constatations que Gilles Y... n'avait jamais eu la volonté de tromper l'inspecteur du travail et de faire ainsi obstacle à l'accomplissement de sa mission ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"2 ) alors que le délit d'obstacle à l'accomplissement des devoirs d'un inspecteur du travail n'est pas constitué lorsque celui-ci pouvait accomplir sa mission au vu des documents fournis ;

que l'inspecteur du travail a lui même reconnu dans son procès- verbal que les documents fournis lui avaient permis de relever des anomalies dans la durée du travail et le tribunal se contente de relever que celles-ci n'étaient pas manifestes ; que sur les bulletins de paie, les heures supplémentaires apparaissaient sous forme de primes, ce qu'avait aussitôt reconnu le prévenu, et qu'il suffisait donc à l'inspecteur du travail de les rapprocher des plannings prévisionnels pour en déduire l'existence d'heures supplémentaires ; qu'en décidant que le délit d'obstacle était constitué, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"3 ) alors que le juge est tenu de répondre aux conclusions dont il est saisi ; que dans ses conclusions le prévenu rappelait que l'inspecteur du travail avait eu à sa disposition non seulement les plannings prévisionnels mais également les bulletins de salaire des employés et les DADS ; que Gilles Y... soutenait donc que l'inspecteur du travail était pleinement en mesure, au vu de ces documents, d'effectuer son contrôle et d'établir le nombre d'heures réellement effectuées par les salariés, que la cour d'appel, qui n'a pas recherché si le rapprochement des trois types de documents fournis à l'inspecteur du travail ne lui permettaient pas d'effectuer son contrôle, n'a pas répondu aux conclusions dont elle était saisie et a ce, faisant violé les textes visés au moyen" ;

Attendu que pour retenir la culpabilité de Gilles Y... du chef d'entrave aux fonctions d'un inspecteur du travail, la cour d'appel énonce que les documents remis à l'occasion d'un contrôle relatif aux horaires de travail pratiqués par la société dont le prévenu est gérant, ne comportaient pas d'indications sur les heures supplémentaires, payées sous forme de "primes exceptionnelles" ; que seuls les relevés remis par des membres du personnel qui s'étaient plaints d'anomalies relatives à la réglementation sur la durée du travail ont permis à l'inspecteur du travail de rétablir la réalité de faits ; qu'elle conclut que la présentation, en connaissance de cause, par Gilles Y..., de documents dépourvus de sincérité et d'exactitude, procédant d'une volonté de ne pas se soumettre à cette réglementation, a fait obstacle au contrôle de ce fonctionnaire ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, par motifs propres, les juges ont justifié leur décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 132-24 du Code pénal, 497, 515 et 775-1 du Code de procédure pénale, violation de la loi ;

"en ce que l'arrêt a rejeté la demande présentée par le prévenu aux fins de dispense de mention de la condamnation prononcée sur le bulletin n° 2 de son casier judiciaire ;

"aux motifs qu'il n'y a pas lieu en l'état, au regard notamment des dispositions de l'article 5 et de l'article 6 de la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités de gardiennage, de faire droit à la demande tendant à la non inscription de la sanction au bulletin n° 2 du casier judiciaire du prévenu ;

"1 ) alors que la Cour ne peut, sur le seul appel du prévenu, du civilement responsable, de la partie civile ou de l'assureur de l'une de ces personnes, aggraver le sort de l'appelant ;

que le parquet avait renoncé à ce que la condamnation prononcée fasse l'objet d'une inscription sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire ; que la cour d'appel ne pouvait donc se saisir elle-même d'une telle demande et ordonner l'inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire du prévenu de la condamnation prononcée ; que ce faisant, elle a violé les textes visés au moyen ;

"2 ) alors que, subsidiairement, la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et que, dans les limites fixées par celle-ci, la juridiction prononce les peines et fixe leur régime en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ; que la règle de la proportionnalité impose de ne prononcer qu'une peine strictement nécessaire et de différencier la peine en fonction du degré de gravité de l'infraction commise au sein d'une même prévention ; que la cour d'appel ne pouvait prononcer l'inscription de la condamnation prononcée à l'encontre de Gilles Y... au bulletin n° 2 de son casier judiciaire alors que celui-ci n'avait pas volontairement fait obstacle à la mission de l'inspecteur du travail et qu'elle connaissait le retrait d'agrément qui pouvait en résulter et sur le prononcé duquel elle ne pouvait en toute hypothèse se prononcer, s'agissant d'une décision administrative individuelle relevant de la compétence du préfet ;

qu'une telle sanction, qui aura pour effet de faire perdre son emploi à Gilles Y... et de provoquer l'arrêt d'activité de l'entreprise qu'il dirige est manifestement disproportionnée à l'infraction commise ;

que la cour d'appel, en refusant de ne pas faire figurer la condamnation prononcée au bulletin n° 2 du casier judiciaire de Gilles Y... a violé les textes visés au moyen" ;

Attendu que, statuant sur les appels interjetés par le prévenu et le procureur de la République à l'encontre du jugement ayant prononcé une peine d'amende, la juridiction du second degré a été saisie d'une demande subsidiaire du prévenu tendant à la dispense d'inscription au bulletin n° 2 de la condamnation éventuelle, requête à laquelle le ministère public a déclaré ne pas s'opposer ;

Attendu qu'en rejetant cette demande, sur laquelle les premiers juges n'avaient pas eu à statuer, et dès lors que l'inscription au casier judiciaire de la condamnation ne constitue pas une peine, la cour d'appel, a, sans aggraver le sort de l'appelant, usé d'une faculté dont elle ne doit aucun compte ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-80598
Date de la décision : 30/03/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(sur le premier moyen) TRAVAIL - Inspection du travail - Débit d'obstacle à l'exercice des fonctions d'un inspecteur du travail - Présentation, en connaissance de cause, de documents dépourvus de sincérité et d'exactitude - Délit constitué.


Références :

Code du travail 611-8, 611-9 et 631-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 ème chambre, 12 janvier 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 mar. 1999, pourvoi n°98-80598


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.80598
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