AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Angus, société anonyme, dont le siège social est ...,
en cassation d'un arrêt du 20 novembre 1996 rendu par la cour d'appel de Lyon (6e chambre), et d'une ordonnance rendue le 25 juin 1996 par le conseiller de la mise en état de la 6ème chambre de la cour d'appel de Lyon, au profit de la société Soboma, dont le siège social est KM II, ..., BP 3789 Ambohidratrimo Antananarivo (Madagascar),
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 23 février 1999, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Guérin, conseiller rapporteur, M. Renard-Payen, conseiller, Mme Petit, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Guérin, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Angus, de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat de la société Soboma, les conclusions de Mme Petit, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Vu les articles 1322 et 1132 du Code civil ;
Attendu que l'acte sous seing privé, reconnu par celui auquel on l'oppose, ou légalement tenu pour reconnu, a, entre ceux qui l'ont souscrit, la même foi que l'acte authentique ;
Attendu qu'après avoir reçu signification d'un arrêt de la cour d'appel de Lyon, du 3 février 1994 lui reconnaissant une créance contre la société Angus, la société Soboma adressait à cette société le 22 mars 1994, une lettre ainsi rédigée : "Je soussigné, Jean-Pierre X..., agissant en qualité de représentant légal de la société Soboma, déclare en raison de l'accord intervenu avec la société Angus renoncer irrévocablement à toutes les dispositions contenues dans l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon à la date de du 3 février 1994. Cette renonciation emporte expressément désistement d'instance et d'action pour l'ensemble des faits relatés dans cet arrêt et que je déclare bien connaître" ; qu'en dépit de cette renonciation, la société Soboma faisait signifier le 5 mai 1994 à la société Angus un commandement d'avoir à lui payer la somme de 687 608,75 francs en exécution du même arrêt ;
Attendu que pour débouter la société Angus de sa demande en nullité de ce commandement, en déclarant sans effet le document précité, après avoir jugé par un motif non contesté qu'il émanait bien de la société Soboma, l'arrêt attaqué a retenu que même en considérant que le document puisse s'analyser en une renonciation unilatérale de la société Soboma emportant désistement d'instance et d'action, cet acte était dépourvu de toute cause, en l'absence d'un quelconque avantage ou concession accordé par la partie adverse en contrepartie de la renonciation aux droits consacrés par l'arrêt du 3 février 1994 ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la lettre du 22 mars 1994 se référait expressément à l'existence d'un accord intervenu entre les parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 novembre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne la société Soboma aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.