Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 février 1996), qu'à la suite de la mise en redressement judiciaire, le 2 avril 1991, puis en liquidation judiciaire le 23 décembre 1991, de la société Union française d'impression, la Banque nationale de Paris, tant en son nom personnel qu'au nom de trois autres banques, le Crédit lyonnais, le Crédit commercial de France et la Société bordelaise de crédit industriel et commercial dont elle était chef de file, a déclaré au passif une créance au titre d'une ouverture de crédit qui avait été consentie à la société débitrice par ce groupe de banques ; que les banques ont assigné la société Chantiers modernes, anciennement dénommée Figetra (la société), qui s'était portée caution solidaire du remboursement de l'ouverture de crédit, aux fins d'exécution de cet engagement ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement de diverses sommes aux banques, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'établissement de crédit a l'obligation d'informer personnellement la caution dans les conditions prévues à l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, à défaut de quoi cette dernière est seulement tenue, en vertu de l'article 1153, alinéa 3, du Code civil, des intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure qu'elle reçoit ; que, sauf à priver de toute portée les dispositions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, la déchéance du droit aux intérêts implique que soient déduites de la dette de la caution les sommes que la banque qui a manqué dès l'origine à son devoir d'information a prélevées en imputant les paiements reçus du débiteur en priorité sur les intérêts plutôt que sur le principal ; qu'en se bornant, dès lors, à estimer que les intérêts payés par le débiteur principal ne pouvaient être déduits de la dette de la caution, ce qui avait pour effet de faire échapper les banques à la sanction prévue par l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, la cour d'appel a violé ce texte par refus d'application ; et alors, d'autre part, que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; qu'elles ne nuisent point aux tiers ni ne leur profitent ; qu'en opposant à la caution le fait que les intérêts dus par le débiteur principal avaient été intégralement réglés, par application du tableau d'amortissement inopposable à la caution qui n'est pas partie au contrat, la cour d'appel a violé l'article 1165 du Code civil ;
Mais attendu que l'imputation légalement faite du paiement effectué par le débiteur principal est opposable à la caution ; que le défaut d'accomplisssement de la formalité prévue par l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement de crédit qui y est tenu, déchéance des intérêts dans les conditions prévues par ce texte sans remettre en cause les intérêts régulièrement payés par le débiteur principal ni décharger la caution de son obligation de payer les autres sommes dues en vertu du cautionnement ; que, par ce motif de pur droit susbstitué à ceux critiqués, la décision se trouve légalement justifiée ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;
Mais sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Vu l'article 853, alinéa 3, du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que si les créances d'une personne morale sont déclarées, non par l'un des organes habilités par la loi à la représenter ou par un préposé investi d'une délégation de pouvoir à cette fin mais par un tiers n'ayant pas la qualité d'avocat, une telle déclaration ne peut être effectuée qu'en vertu d'un pouvoir spécial donné par écrit ;
Attendu que, pour dire régulières les déclarations de créances adressées par la BNP au nom des autres banques, l'arrêt retient, d'abord, que l'acte de prêt investissait la BNP du pouvoir d'agir pour compte commun dans les rapports avec l'emprunteur et la désignait comme chef de file, ensuite, que le mandat donné à cette banque pour calculer les sommes dues par l'emprunteur et les percevoir était exprès et que, comme seul interlocuteur de l'emprunteur, elle s'était vue conférer, au moins tacitement, le pouvoir d'agir en justice pour exécuter les obligations de son mandat, enfin, que les banques ont confirmé que le mandat de déclarer leur créance avait été donné à la BNP ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'un " pool " bancaire n'a pas la personnalité morale et qu'en l'absence de pouvoir spécial écrit, la preuve du mandat de déclarer les créances ne pouvait se déduire du pouvoir dont était investie la BNP par l'acte de prêt, d'agir pour compte commun dans les rapports avec l'emprunteur, ni de la confirmation que le mandat avait été donné, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a condamné la société Chantiers modernes à payer à la BNP la somme de 295 254,24 francs augmentée des intérêts au taux de 12,75 % à compter du 15 mai 1992 jusqu'à parfait paiement et ordonné la capitalisation de ces intérêts, l'arrêt rendu le 22 février 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.