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24/03/1999 | FRANCE | N°98-82201

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 mars 1999, 98-82201


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- B... Serge,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 22 janvier 1998, qui, pour établissement d'attestation inexacte, l'a condamné à 10 000 francs d'amende et a prononcé sur les réparations civiles ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 10 février 1999 où étaient présents dans la formation prévue

à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire :

M. Gomez président, M...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- B... Serge,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 22 janvier 1998, qui, pour établissement d'attestation inexacte, l'a condamné à 10 000 francs d'amende et a prononcé sur les réparations civiles ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 10 février 1999 où étaient présents dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire :

M. Gomez président, M. Pibouleau conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. de Gouttes ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

Sur le rapport de M. le conseiller PIBOULEAU, les observations de Me COSSA et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Y... ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 441-7 nouveaux du Code pénal, 1134 du Code civil, 202 du nouveau Code de procédure pénale, 2, 475-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation du principe de la présomption d'innocence, dénaturation de l'attestation litigieuse, défaut et contradiction de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Serge B... coupable d'établissement d'une fausse attestation et, en répression, l'a condamné à 10 000 francs d'amende ainsi qu'à payer à la partie civile 10 000 francs pour les frais irrépétibles de première instance et 5 000 francs pour ceux d'appel ;

"aux motifs adoptés que les tractations ont été préparées par l'intermédiaire d'avocats (Me Z... pour les cinq chirurgiens et Me A...) ; que, s'il est plausible que le fax intitulé "Réflexions préalables à la réunion du 13 décembre 1993", n'émane que de l'avocate et n'ait fait que transiter par le fax du docteur C..., il est inconcevable que, compte tenu de son importance et de sa technicité, le docteur C... n'en ait pas eu connaissance, puisqu'il a été rédigé en faveur du groupe dont il faisait partie ; que le protocole d'accord du 30 mars 1994 a été signé par toutes les parties (y compris le docteur C...) ; qu'il prévoyait en son article 7 un accord financier sur les risques judiciaires encourus par les médecins transfuges ; que, surtout, un document intitulé "convention particulière" faisait partie de cet accord, quoi qu'en dise le docteur X... ; qu'en effet, ce document, faxé le 24 mars 1994, était immédiatement contemporain du protocole du 30 mars, et mentionnait expressément en page 2 : "les signataires ont signé préalablement à la présente convention, un protocole d'accord figurant en annexe de la présente convention" ; que la convention particulière prévoyait que "la SA Cliniques du Maine s'engage à payer à chacun des docteurs Belas, Grobost et C... une somme de 750 000 francs, dans les 8 jours de leur début d'exercice dans l'hôpital privé Ambroise Paré" ; que l'octroi de cette somme de 750 000 francs avait forcément fait l'objet de tractations antérieures, pour en déterminer le montant ; qu'il est, là encore, inconcevable que ce chiffre n'émane que de l'avocate, sans que cette dernière n'en ait discuté avec ses mandants (dont le docteur C...), et sans que, lors des réunions préparatoires, des propositions n'aient été faites par les dirigeants des cliniques ; qu'il importe peu que le document ne soit pas signé puisque sa force probante ne s'applique qu'aux préparatifs ; que ces circonstances permettent d'apprécier la teneur de l'attestation de Serge B..., qui mentionne notamment : "contrairement à ce qu'affirme Hascoët, j'atteste n'avoir jamais entendu le docteur C... faire état d'exigences financières le concernant" ; que la tournure de cette phrase laisse supposer à un lecteur étranger aux circonstances décrites ci-dessus, que le docteur C... ne s'est jamais mêlé de discussions financières ; que cette impression est confirmée par la phrase suivante : "bien au contraire, son souci permanent était d'ordre médical et concernant etc ..." ; qu'il est possible que, dans la réalité, le docteur C..., qui participait à presque toutes les réunions, selon le témoin Grobost, ne se soit pas particulièrement manifesté dans les discussions financières, et n'ait pas revendiqué des indemnités particulières "le concernant" à titre personnel, et dérogatoires de celles accordées à chaque membre du groupe ;

mais que, vu tout ce qui précède, il est prouvé que le docteur C... a assisté à des tractations financières, concernant le groupe dont il faisait partie, et, s'il ne revendiquait pas, a acquiescé aux accords conclus puisqu'il en bénéficiait ; qu'ainsi, l'attestation de Serge B... se révèle fausse par omission : elle laisse croire que le docteur C... est resté étranger à toute discussion financière et indemnitaire, alors qu'il y assistait, et, faisant partie d'un groupe qui en bénéficiait, n'en a pas refusé les avantages ;

"et aux motifs propres que Serge B... écrit dans l'attestation litigieuse qu'il n'a jamais entendu Bernard C... faire état d'exigences financières, son souci étant au contraire d'ordre médical ; que le tribunal a justement considéré que cette attestation était contraire à la vérité et que les accords conclus démontraient que Bernard C... avait manifesté des exigences financières particulièrement précises consignées dans le protocole d'accord du 30 mars 1994 et la convention particulière qui le complète ; (...) que Bernard C... se défend d'avoir lui-même expédié de son télécopieur le fax du 8 décembre 1993 ; que cela est fort peu vraisemblable compte tenu du caractère manifestement confidentiel de ce fax de par les propositions qu'il contient ; (...) que même si la diffusion de ce fax émane d'un tiers, le document dont il est établi qu'il a été rédigé avec les avocats conseils des praticiens, démontre néanmoins que l'unique préoccupation de Bernard C... et des autres médecins était d'ordre financier ; que le tribunal a donc justement considéré que l'attestation de Serge B... était mensongère et fait une exacte application de la loi tant en ce qui concerne la culpabilité que la peine ;

"alors, de première part, que le délit d'établissement d'une attestation mensongère n'est caractérisé qu'à supposer établie avec certitude l'inexactitude matérielle des faits relatés par l'attestant ; que, dès lors, en déclarant Serge B... coupable d'avoir faussement attesté n'avoir jamais entendu le docteur C... faire état d'exigences financières, tout en concédant pourtant que ce dernier avait très bien pu ne pas s'être particulièrement manifesté dans les discussions financières et n'avoir pas personnellement revendiqué d'indemnité, ce qui tendait à accréditer la version des faits relatés par le prévenu, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et a, ainsi, violé l'article 441-7, 1 du nouveau Code pénal ;

"alors, de deuxième part que, en toute hypothèse, en imputant à faute à Serge B... le fait d'avoir soi-disant mensongèrement attesté n'avoir jamais entendu le docteur C... faire état d'exigences financières, tout en énonçant qu'il était possible que ce dernier ne se soit pas particulièrement manifesté dans les discussions financières, ni ait personnellement revendiqué d'indemnité pour son compte, la cour d'appel, qui concédait ainsi que la version des faits attestés était plausible, a statué à la faveur de motifs dubitatifs qui privent la déclaration de culpabilité de toute base légale au regard du principe de la présomption d'innocence et de l'article 441-7, 1 du nouveau Code pénal ;

"alors, de troisième part que, pour justifier du caractère soi-disant mensonger de l'attestation de Serge B..., en ce qu'il avait affirmé n'avoir jamais entendu le docteur C... faire état d'exigences financières le concernant, la cour d'appel a retenu que les stipulations financières du protocole d'accord et de la convention particulière y annexée avaient nécessairement fait l'objet de tractations et qu'il n'était pas imaginable que les médecins transfuges (dont le docteur C...) n'en aient pas discuté avec leur avocat, ni que les dirigeants des cliniques n'aient pas pour leur part formulé de propositions au cours des réunions préparatoires ;

qu'en statuant par ces motifs, totalement impuissants à démontrer, si ce n'est pas pure supputation, que, contrairement aux termes de l'attestation, le docteur C... avait explicitement pris position personnelle sur la question indemnitaire, en présence ou du moins au su de Serge B..., la cour d'appel a statué à la faveur de motifs tout aussi inopérants que divinatoires, qui ne sont pas de nature à conférer une base légale à la déclaration de culpabilité prononcée et aux condamnations subséquentes ;

"alors, de quatrième part que, et en toute hypothèse, en concédant qu'il était possible que le docteur C... ne se fût pas particulièrement manifesté sur les questions financières ni eût revendiqué d'indemnité pour son compte, tout en supposant ensuite qu'il aurait pris position sur les questions indemnitaires au cours des négociations préparatoires avec les dirigeants des cliniques, la cour d'appel a statué à la faveur de motifs contradictoires, en violation des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale ;

"alors, de cinquième part que, seule la relation objectivement erronée des faits que l'attestant a présentés comme indiscutables est susceptible d'entrer dans les prévisions de l'article 441-7, 1 du nouveau Code pénal ; que, pour justifier de la fausseté des déclarations de Serge B... en ce qu'il avait affirmé n'avoir jamais entendu le docteur C... faire état d'exigences financières mais uniquement de préoccupations d'ordre médical, la cour d'appel a retenu que les termes de cette attestation laissaient croire que le docteur C... était resté étranger à toutes les discussions financières auxquelles il avait pourtant assisté et qui avaient abouti à la conclusion d'accords d'indemnisation des médecins transfuges dont il pourrait de facto bénéficier pour n'en avoir pas expressément refusé les avantages ; qu'en attribuant ainsi aux déclarations de Serge B... une portée qui ne se justifie qu'en considération de l'interprétation - au demeurant dénaturante et divinatoire - qu'elle en a faite, au lieu de s'en tenir à vérifier l'exactitude matérielle des seuls faits qui y étaient présentés comme indiscutables, la cour d'appel ai volé ensemble les articles 1134 du Code civil, 202 du nouveau Code de procédure civile et 441-7, 1 du nouveau Code pénal ;

"alors, de sixième part, qu'en imputant à faute à Serge B... le fait de s'être abstenu de faire expressément état, dans son attestation, de la présence du docteur C... à toutes les discussions financières, et de l'acquiescement tacite de celui-ci aux avantages indemnitaires consentis aux autres médecins transfuges, la cour d'appel n'a, ce faisant, rien caractérisé d'autre que l'imprécision des déclarations incriminées, en elle-même impuissante à établir l'inexactitude matérielle des faits présentés par l'attestant comme indiscutables et a, de ce chef encore, privé sa décision de base légale au regard de l'article 441-7, 1 du nouveau Code pénal ;

"alors, de septième part, qu'en déclarant Serge B... coupable d'établissement d'une attestation mensongère par omission pour s'être abstenu de préciser que le docteur C... avait été présent à toutes les discussions financières et n'avait pas explicitement renoncé aux avantages financiers négociés par les autres médecins transfuges, sans même rechercher si, ni a fortiori constater, que ces silences n'étaient pas le fruit d'une simple inadvertance mais procédaient de la volonté avérée d'induire le lecteur en erreur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié l'élément moral de l'infraction retenue et, à ce titre également, a privé la déclaration de culpabilité et les condamnations de toute base légale au regard de l'article 441-7, 1 du nouveau Code pénal" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs tant matériels qu'intentionnel le délit d'établissement d'attestation inexacte, dont elle a déclaré le prévenu coupable, et ainsi justifié l'allocation au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice découlant de cette infraction ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-82201
Date de la décision : 24/03/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, 22 janvier 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 mar. 1999, pourvoi n°98-82201


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.82201
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