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24/03/1999 | FRANCE | N°97-86578

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 mars 1999, 97-86578


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- ROUILLER Jean-Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BESANCON, chambre correctionnelle, en date du 7 octobre 1997, qui, pour banqueroute, l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement avec sursis, 2 ans d'interdiction de gérer une société ou une entreprise commerciale et 3 ans d'interdiction des droits civiques et civils ;

La COUR, statuant après débats en l'a

udience publique du 10 février 1999 où étaient présents dans la formation prévue à l'art...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- ROUILLER Jean-Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BESANCON, chambre correctionnelle, en date du 7 octobre 1997, qui, pour banqueroute, l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement avec sursis, 2 ans d'interdiction de gérer une société ou une entreprise commerciale et 3 ans d'interdiction des droits civiques et civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 10 février 1999 où étaient présents dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire :

M. Gomez président, M. Martin conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. de Gouttes ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

Sur le rapport de M. le conseiller MARTIN, les observations de la société civile professionnelle Jean-Jacques GATINEAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Y... ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 197 de la loi n 88-98 du 25 janvier 1985, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Pierre Rouiller coupable de banqueroute par emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds, et l'a condamné à des sanctions pénales ;

"aux motifs propres que les prévenus (Jean-Pierre A... et Christian Z...) se sont établis à deux reprises des traites réciproques pour se procurer 250 000 francs de trésorerie ; que l'enquête à laquelle il a été procédé a permis de mettre en évidence que ces traites croisées ne correspondaient pas à des marchés, aucune facture n'ayant été établie, ni avant, ni après leur émission et qu'elles sont donc incontestablement non causées ;

que les premiers juges ont analysé complètement les trois conditions à réunir pour déterminer l'existence du délit de banqueroute ; qu'en effet, les deux entreprises ont été placées respectivement le 27 septembre 1993 et le 3 octobre 1994 en liquidation judiciaire ; que l'emploi de moyens ruineux est caractérisé puisque M. X..., responsable de l'agence bancaire de la Banque Populaire de Franche-Comté de Besançon Sant-Ferjeux a estimé à 12 % les frais de banque sur les opérations d'escompte ;

que la troisième condition relative à l'intention de retarder le dépôt de bilan est parfaitement établie ; que les agissements frauduleux des prévenus leur ont permis de se procurer des fonds et de masquer ainsi la situation réelle de leur entreprise en lui donnant une image faussement bonifiée ; qu'à cet égard, il suffit de constater, comme l'ont justement fait les premiers juges, qu'à la date des traites litigieuses, M. Z... disposait des fonds permettant de faire face à ses échéances alors que la société Euro-Agencement se trouvait dans une situation très obérée :

- 380 159,00 francs, au 14 décembre 1992 ;

- 530 362,51 francs, au 2 février 1993 ;

que l'insuffisance d'actif s'est révélée par la suite très importante puisque pour la SARL Euro-Agencement, elle était d'environ 1 800 000 francs au 22 septembre 1995 et pour M. Z... d'approximativement de 600 000 francs ainsi que cela ressort du rapport ; que le délit de banqueroute est caractérisé à l'égard des deux prévenus dont la responsabilité pénale apparaît identique ;

"et aux motifs adoptés que le caractère onéreux de l'opération ressort du fait que chacune des deux entreprises, si elle a effectivement vu son compte bancaire crédité à la suite de la remise des lettres de change émises à son profit, a vu ses crédits amputés des frais et agios bancaires correspondant à ces escomptes, soit 5 379,79 francs pour la SARL (...) ;

"1 ) alors que le délit de banqueroute suppose l'emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds ; que, dès lors, en se bornant à relever que l'opération litigieuse avait un caractère onéreux, ce qui n'implique nullement qu'elle était ruineuse pour l'entreprise, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément matériel du délit reproché et a violé les textes visés au moyen ;

"2 ) alors, en outre, qu'une opération ayant pour objet de procurer des fonds à une entreprise ne peut être considérée comme ruineuse que dans la mesure où elle compromet irrémédiablement la situation financière de cette entreprise ; qu'en se bornant à relever qu'à la date des traites litigieuses la société Euro-Agencement se trouvait dans une situation très obérée, sans constater que les frais financiers résultant de l'opération d'escompte étaient à l'origine de l'aggravation ultérieure du déficit et du dépôt de bilan de cette société, la cour d'appel n'a pas caractérisé le caractère ruineux de l'opération et a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyens ;

"3 ) alors au surplus que les juges du fond ne pouvaient sans se contredire énoncer, d'une part, que les frais et agios bancaires afférents à l'escompte des lettres de change s'élevaient à 5 374,79 francs, d'autre part, que les frais de banque représentaient 12 % des opérations d'escompte, ce qui, pour des traites de 250 000 francs, eût représenté 30 000 francs de frais de banque ;

qu'en l'état de ces énonciations contradictoires, la décision attaquée n'est pas légalement justifiée ;

"4 ) alors, enfin et en toute hypothèse, que le délit de banqueroute par emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds n'est constitué que si l'agent a recouru à de tels moyens pour retarder l'ouverture d'une procédure collective qu'il savait inéluctable ; qu'en se bornant à relever que la situation de la société était très obérée et que l'intention de retarder le dépôt de bilan est établie, sans constater qu'à la date des traites litigieuses la situation de la société était déjà irrémédiablement compromise et que le prévenu en avait conscience, la cour d'appel n'a pas caractérisé le délit reproché en tous ses éléments constitutifs et a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs propres et adoptés exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit de banqueroute dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

Qu'il s'ensuit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 4 et 42 de l'ancien Code pénal, 112-1 et 131-26.3 du nouveau Code pénal, 200 de la loi n 85-98 du 25 janvier 1985, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé, notamment, à l'encontre de Jean-Pierre Rouiller l'interdiction de représenter ou d'assister une partie devant la justice ;

"alors que seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits constitutifs d'une infraction ont été commis ; que l'interdiction du droit de représenter ou d'assister une partie devant la justice n'était pas prévue par l'article 42 ancien du Code pénal et ne pouvait donc être prononcée pour des faits qui, comme en l'espèce, sont antérieurs au 1er mars 1994 ; qu'en prononçant néanmoins cette sanction, la cour d'appel a méconnu le principe de non-rétroactivité des lois pénales et violé les textes visés au moyen" ;

Vu l' article 112-1 du Code pénal ;

Attendu qu'aux termes du 2ème alinéa de ce texte, seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle l'infraction a été commise ;

Attendu que, par l'arrêt attaqué, Jean-Pierre Rouiller, pour des faits de banqueroute commis courant 1993, s'est vu infliger, notamment, l'interdiction des droits énumérés à l'article 131-26, 1 à 4 , du Code pénal, pour une durée de 3 ans ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'interdiction du droit de représenter ou d'assister une partie devant la justice, prévue au 3 dudit article, ne pouvait être ordonnée à l'époque de la commission des faits, l'article 42 ancien du Code pénal, alors applicable, ne prévoyant pas une telle interdiction, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;

Qu'il s'ensuit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt de la cour d'appel de Besançon, en date du 7 octobre1997, mais en ses seules dispositions portant interdiction du droit de représenter ou d'assister une partie devant la justice, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Besançon, sa mention en marge où à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-86578
Date de la décision : 24/03/1999
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(sur le second moyen) INTERDICTION DES DROITS CIVIQUES, CIVILS ET DE FAMILLE - Interdiction de droit de représenter ou d'assister une partie devant la justice - Lois et règlements - Application dans le temps - Loi pénale de fond - Peine complémentaire nouvelle - Loi plus sévère - Non rétroactivité.


Références :

Code pénal 112-1 et 131-26, 1° et 4°

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, 07 octobre 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 mar. 1999, pourvoi n°97-86578


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.86578
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