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24/03/1999 | FRANCE | N°97-86353

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 mars 1999, 97-86353


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller SCHUMACHER, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9ème chambre, en date du 16 octobre 1997, qui, pour compl

icité d'escroqueries et faux, l'a condamné à 3 ans d'emprisonnement, dont 2 ans avec s...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller SCHUMACHER, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9ème chambre, en date du 16 octobre 1997, qui, pour complicité d'escroqueries et faux, l'a condamné à 3 ans d'emprisonnement, dont 2 ans avec sursis et mise à l'épreuve, 30 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1, 441-1, 121-6, 121-7 du Code pénal, 59, 60, 150, 151 et 405 du Code pénal dans sa rédaction antérieure au 1er mars 1994, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Pierre X... coupable de complicité d'escroquerie et de faux en écritures privée et l'a en conséquence condamné, sur l'action publique, à la peine de 3 ans d'emprisonnement avec sursis à l'exécution pour une durée de 2 ans sous le régime de la mise à l'épreuve pendant 3 ans et à une peine d'amende de 30 000 francs et, sur l'action civile, à des dommages-intérêts à verser aux parties civiles ;

"aux motifs propres que Jean-Pierre X... n'a pu fournir aucune explication convaincante des motifs qui l'ont conduit à accepter de créditer sur son compte des chèques émis par des tiers au profit de Joëlle Z... ; qu'aucun élément ne permet d'établir qu'il aurait pu supposer que ces chèques provenaient de l'activité professionnelle de Joëlle Z... et lui auraient été remis par sa clientèle ; qu'étant expert comptable depuis 1975, ses compétences professionnelles devaient à tout le moins le conduire à s'interroger sur l'origine des sommes encaissées ; que l'établissement par ses soins d'un faux certificat de travail, de fausses fiches de paye et de fausses notes d'honoraires destinées à justifier une partie des débits de son compte au profit de Joëlle Z... établissent au contraire qu'il a de manière consciente et active participé aux agissements de Joëlle Z... ; qu'il apparaît vraisemblable que, comme le soutient Joëlle Z..., dont les déclarations à cet égard sont confortées par celles d'Alain A... qu'une commission ait été perçue par Jean-Pierre X... pour le "service rendu" ; qu'il est encore avéré que l'une des victimes des escroqueries, M. Y..., chauffeur de taxi, qui a remis à Joëlle Z... plus de 1,5 millions de francs en fonds et valeurs, et auquel celle-ci avait assuré qu'elle travaillait avec Jean-Pierre X..., a été conduit dès le lendemain au cabinet de l'expert comptable, lequel lui a certifié qu'il pouvait "faire confiance" à Joëlle Z... et lui a remis un document attestant de l'ancienneté de ses relations avec elle ; que la certitude qu'avait Joëlle Z... de n'être pas démentie par

Jean-Pierre X... au moment de lui présenter M. Y... témoigne à l'évidence de leur connivence préalable à cet égard ; que Joëlle Z... qui a ainsi pu se targuer auprès de nombreuses victimes de sa prétendue qualité d'expert comptable, a au demeurant déclaré au magistrat instructeur que "sans Jean-Pierre X..., rien n'aurait été possible" ; qu'il apparaît dans ces conditions que sont suffisamment caractérisés les faits de complicité d'escroquerie et de faux en écritures privées reprochés à Jean-Pierre X... ;

"et aux motifs adoptés que les troubles de santé allégués par le prévenu, s'ils sont réels, ne peuvent en aucune manière le disculper, d'autant que l'air distrait de Jean-Pierre X... à l'audience s'est effacé, dès lors qu'il a été interrogé précisément sur l'activité de son cabinet ; qu'il a su répondre avec clarté, précision et rapidité aux questions qui lui ont été posées ; que si le tribunal n'est pas en mesure de déterminer pour quelles raisons Jean-Pierre X... a entendu servir de "lessiveuse" à son amie, il n'en reste pas moins vrai qu'il a su lui apporter un concours décisif dont il ne conteste d'ailleurs pas la matérialité ; qu'il a admis avoir encaissé de nombreux chèques, établi une attestation, rédigé de fausses fiches de paye, un faux certificat de travail ; qu'il a même tenté de maquiller sur le plan comptable des opérations frauduleuses par l'établissement de fausses notes d'honoraires au nom de Joëlle Z..., de nature à justifier les mouvements de fonds ; que même si la grossièreté du procédé est particulièrement confondante, il n'en reste pas moins établi que Jean-Pierre X..., dont les études et la formation lui ont permis d'étudier la loi pénale, a fabriqué toute une série de faux, pour permettre à son amie de prospérer dans la délinquance ; que sa responsabilité est donc pleine et entière ;

1)"alors que la complicité ne peut résulter que d'actes antérieurs à l'infraction consistant à avoir facilité sa préparation ou sa consommation ; que la Cour s'est bornée à retenir que Jean-Pierre X..., après que Joëlle Z... ait obtenu de ses victimes la remise de leurs fonds, avait procédé à l'encaissement de ces chèques, établi des faux bulletins de salaires ou des notes d'honoraires fallacieuses, voire reçu l'un d'entre eux à son domicile professionnel ; qu'en déduisant de ces circonstances la complicité d'escroquerie de Jean-Pierre X... sans rechercher si Jean-Pierre X... avait été en rapport avec Joëlle Z... avant la survenance de l'escroquerie et si un accord était intervenu entre eux, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision en violation des textes susvisés ;

2)"alors que la connaissance du caractère délictueux des actes de l'auteur et la volonté de participer à l'infraction caractérise l'élément moral de la complicité ; qu'en relevant la connivence préalable de Jean-Pierre X... et de Joëlle Z... s'agissant des faits dont avait été victime M. Y... sans caractériser en quoi Jean-Pierre X..., qui s'était borné à dire à M. Y... qu'il pouvait faire confiance à Joëlle Z..., savait dans quel but un tel rendez-vous avait eu lieu, la Cour a privé sa décision de base légale ;

3)"alors que seule l'intention de participer à l'infraction commise par autrui caractérise l'élément légal de la complicité ;

qu'en déduisant de l'établissement par Jean-Pierre X... d'un faux certificat de travail, de fausses fiches de paye et de fausses notes d'honoraires sa participation active et consciente aux agissements de Joëlle Z..., la Cour, qui a en réalité caractérisé ici l'élément matériel du faux, a privé sa décision de toute base légale ;

4)"alors qu'en affirmant qu'il apparaissait "vraisemblable" que Jean-Pierre X... ait perçu des commissions pour en déduire sa culpabilité, la Cour a statué par des motifs totalement dubitatifs privant sa décision de toute motivation" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 2 de la Constitution, 5, 6 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 122-1, 132-19, alinéa 2, et 132-24 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Jean-Pierre X... à la peine de 3 ans d'emprisonnement avec sursis à statuer pour une durée de 2 ans sous le régime de la mise à l'épreuve pendant 3 ans et à une peine d'amende de 30 000 francs ;

"aux motifs qu'il convient en répression, sur les réquisitions du ministère public tendant à l'aggravation de la peine, et au regard de la gravité des faits, qui ont été commis par un expert comptable, dont la qualité a contribué à abuser la crédulité des victimes, de les sanctionner par une peine de 3 ans d'emprisonnement mais de surseoir à l'exécution de la peine pour la durée de 2 ans, sous le régime de la mise à l'épreuve pendant 3 ans, et de confirmer la peine d'amende prononcée en première instance ;

1)"alors qu'en matière correctionnelle, la juridiction ne peut prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine ; qu'en se référant à la gravité des faits pour décider de condamner Jean-Pierre X... à 3 ans d'emprisonnement dont 1 année ferme, la Cour a méconnu l'exigence de la motivation spéciale prescrite par le texte visé au moyen ;

2)"alors qu'une peine d'emprisonnement ferme ne peut être prononcée en raison de la qualité professionnelle de l'auteur présumé des faits sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi ; qu'en se fondant sur la seule qualité d'expert comptable de Jean-Pierre X... pour le condamner à 1 an d'emprisonnement ferme, la Cour a méconnu le principe susvisé ;

3)"alors que la juridiction doit tenir compte des troubles psychiques ou neuropsychiques entravant le contrôle des actes d'une personne pénalement poursuivie ou altérant son discernement dans la détermination de la peine et dans la fixation de son régime ;

que les certificats médicaux versés aux débats par Jean-Pierre X... établissaient que ce dernier souffrait d'un zona altérant gravement sa volonté et émoussant sa capacité de jugement ; qu'en condamnant le demandeur à 3 ans d'emprisonnement sous le régime de mise à l'épreuve dont 1 année d'emprisonnement ferme sans prendre en compte dans la fixation de la peine les troubles de santé de Jean-Pierre X..., alors même qu'elle en constatait expressément la réalité (jugement, p. 28, dernier alinéa), la Cour n'a pas satisfait aux exigences légales" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme sur la déclaration de culpabilité mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable et justifié le prononcé d'une peine d'emprisonnement pour partie sans sursis ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en discussion l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Schumacher conseiller rapporteur, M. Martin conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-86353
Date de la décision : 24/03/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 9ème chambre, 16 octobre 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 mar. 1999, pourvoi n°97-86353


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.86353
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