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24/03/1999 | FRANCE | N°97-82314

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 mars 1999, 97-82314


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SAMUEL, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- Y... Meesok,

- X... René,

- A... Khaokham,

contre l'arrêt de la

cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 14 janvier 1997, qui les a condamnés,

- Meesok Y.....

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SAMUEL, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- Y... Meesok,

- X... René,

- A... Khaokham,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 14 janvier 1997, qui les a condamnés,

- Meesok Y..., pour complicité d'escroquerie, à 18 mois d'emprisonnement et 100 000 francs d'amende ;

- René X..., pour complicité d'escroquerie, à 1 an d'emprisonnement et 100 000 francs d'amende ;

- Khaokham A..., pour escroquerie, à 1 mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

1- Sur le pourvoi de Khaokham A... ;

Attendu que le demandeur n'a produit aucun moyen à l'appui de son pourvoi ;

2- Sur les pourvois des autres demandeurs :

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur les faits,

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Claude Z... a été poursuivi, des chefs de faux et usage de faux, pour avoir adressé des factures non causées à des ateliers de confection, en vue de permettre à ces derniers de faire état en comptabilité de charges et de crédits de TVA fictifs ; que la vingtaine de bénéficiaires de ces fausses factures ont été poursuivis pour infraction aux règles sur la facturation et escroquerie au préjudice de l'Etat ; que Meesok Y... et René X... ont été poursuivis, des chefs de complicité de faux et usage de faux, pour avoir prêté aide et assistance aux deux parties ;

Qu'après avoir reconnu les prévenus coupables des faits visés à la prévention et prononcé à leur encontre diverses peines d'emprisonnement et d'amende, le tribunal correctionnel, statuant sur l'action civile, a reçu la constitution de partie civile de l'Administration, mais seulement en ce qu'elle concernait la vingtaine de bénéficiaires de fausses factures, coupables d'escroquerie au préjudice de l'Etat, non en ce qu'elle visait les autres prévenus qui n'étaient pas poursuivis de ce chef ;

Que, statuant sur les appels des prévenus, du ministère public et de l'administration fiscale, la cour d'appel a requalifié l'ensemble des faits reprochés à Meesok Y... et René X..., en complicité d'escroquerie, a confirmé les peines prononcées et a déclaré recevable et bien fondée la constitution de partie civile de l'Administration à leur encontre ;

En cet état,

Sur le premier moyen de cassation du mémoire ampliatif, présenté en faveur de René X..., pris de la violation des anciens articles 59, 60 et 405 du Code pénal, 121-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré René X... coupable de complicité du délit d'escroquerie par fourniture de moyens et l'a condamné de ce chef ;

" aux motifs, d'une part, que le prévenu savait que la société ICE n'avait aucun rapport avec le textile, qu'il disposait de la signature sur les deux comptes situés à Monaco, qu'il signait parfois les chèques qu'il recevait, retirait l'argent en liquide, savait que les retraits d'espèces précédaient les remises de chèques, qu'il avait fait une avance de 400 000 francs sur ses fonds personnels, qu'il y avait identité arithmétique entre les retraits en espèces et les dépôts de chèques, qu'il savait qu'il était incohérent de procéder d'abord au règlement en espèces des fournisseurs, puis d'attendre le règlement par chèque de ses clients ;

" aux motifs, d'autre part, que la conscience qu'il avait de participer à une entreprise délictueuse, dès l'origine, se révèle par cette proposition qu'il faisait à Claude Z... après que le compte monégasque a présenté un débit (par suite d'un excès de retraits d'espèces lesquels amenaient la banque à supprimer son autorisation de découvert)- je vous propose un compromis qui consiste à partager en trois le solde débiteur du compte ICE puisqu'en définitive nous devons oeuvrer à trois sur cette affaire-et aussi par la confiance qui régnait à l'origine entre les Tapis, Y... et X... qui remettaient à celui-ci les espèces retirées du compte monégasque sans reçu ; que le fait d'inscrire en comptabilité des fausses factures, reproché aux ateliers de confection constitue un délit distinct de celui de faux, à savoir un délit d'escroquerie à la TVA ; que, dans l'organisation du circuit commercial fictif organisé dans le but de créer des crédits de TVA, les faits reprochés à Claude Z..., Stéphane Z..., René X..., Meesok Y... et Boum Meksavanh doivent être qualifiés en complicité d'escroquerie par fourniture de moyens, en l'espèce par la fourniture de fausses factures ;

1- " alors que la complicité par fourniture de moyens n'est punissable au sens des anciens articles 59 et 60 du Code pénal, applicables à l'espèce, comme visant des faits réalisés en 1992 que si la personne, préalablement ou concomitamment, a fourni à l'auteur du fait principal, les moyens matériels de consommer l'infraction ; qu'en l'espèce, aucune des énonciations des premiers juges, ni aucune constatation de l'arrêt attaqué ne relève que René X... a matériellement détenu les factures falsifiées par Claude Z... et les a ensuite remises aux responsables des ateliers de confection pour qu'elles soient inscrites en comptabilité ; que, dès lors, faute d'avoir caractérisé à l'encontre de René X... la fourniture de fausses factures destinées à figurer sur la comptabilité des artisans pour créer un crédit de TVA fictif, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié la décision entreprise ;

2- " alors qu'en tout état de cause, la complicité par fourniture de moyens suppose que les moyens aient été fournis sciemment pour participer à la réalisation d'un fait délictueux précis ; que tel n'est pas en l'espèce, s'agissant du délit d'escroquerie à la TVA reproché aux responsables des ateliers de confection lors de l'inscription des factures litigieuses en comptabilité pour lequel René X... a été déclaré complice ; qu'en se bornant à énoncer que René X... avait conscience de participer à une entreprise délictueuse dès l'origine, eu égard aux opérations de retraits d'espèces auxquelles il a participé sur le compte ICE, la cour d'appel n'a aucunement caractérisé la connaissance qu'avait le prévenu de l'existence des factures et de leur finalité par rapport au crédit fictif de TVA et a ainsi privé sa décision de base légale " ;

Sur le deuxième moyen de cassation du mémoire ampliatif, présenté en faveur de Meesok Y..., pris de la violation des articles 121-3 du Code pénal, 59, 60 et 405 de l'ancien Code pénal, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Meesok Y... coupable de complicité d'escroquerie à la TVA et l'a condamné de ce chef ;

" aux motifs qu'un timbre humide de la société ICE a été découvert à son domicile, ce qui confortait la déclaration de Claude Z... selon lequel Meesok Y... établissait les bons de commande et les factures et que c'était lui qui lui servait d'intermédiaire avec le milieu asiatique ; que, sans son aide, les principaux prévenus n'auraient jamais pu s'introduire dans les milieux asiatiques ; que, dans l'organisation du circuit commercial fictif organisé dans le but de créer des crédits de TVA, les faits reprochés à Meesok Y... doivent être requalifiés en complicité d'escroquerie par fourniture de fausses factures ;

" alors qu'aux termes de l'article 121-3 du Code pénal il n'y a pas de délit sans intention de le commettre ; qu'il appartenait à la cour d'appel de constater la réunion des éléments légaux de la complicité parmi lesquels figure l'intention frauduleuse, la seule affirmation selon laquelle, sans son aide, les principaux prévenus n'auraient jamais pu s'introduire dans les milieux asiatiques, étant insuffisante au regard des prescriptions pénales ; qu'ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour procéder à la requalification des faits initialement poursuivis des chefs de faux et usage de faux et déclarer les prévenus coupables de complicité d'escroquerie, la cour d'appel retient que Claude Z... remettait des fausses factures à toutes les personnes désireuses de se constituer des charges et des crédits de TVA fictifs, recrutées dans la communauté laotienne, par Meesok Y..., lui-même originaire de ce milieu, en échange de chèques portant règlement du nominal des factures, dont le montant, diminué d'une commission de 8 à 10 %, était restitué, en espèces, par ce dernier, dans les jours qui suivaient et que, pour ne pas éveiller les soupçons, Claude Z... avait successivement ouvert des comptes bancaires en divers endroits, dont un, dans la principauté de Monaco, par l'intermédiaire de René X..., et que ce dernier faisait fonctionner, en connaissance de cause, contre une participation aux bénéfices de l'opération ;

Que les juges ajoutent qu'il résulte des pièces du dossier que, malgré leurs dénégations ou leur tendance à minimiser leur rôle, Meesok Y..., sans lequel Claude Z... n'aurait jamais pu avoir la confiance de la communauté laotienne, et René X..., qui, en sa qualité d'ancien directeur d'une banque de Monaco, a facilité à Claude Z... l'ouverture et l'utilisation de comptes bancaires dans la principauté, ont pris une part, consciente, active et déterminante dans les activités délictueuses de Claude Z... ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que les juges ont le droit et le devoir de redonner aux faits leur véritable qualification, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit dont elle a reconnu les prévenus coupables et justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ne peuvent qu'être écartés ;

Sur le troisième moyen de cassation du mémoire ampliatif, présenté en faveur de René X... et de Meesok Y..., pris de la violation des articles 59 et 60 de l'ancien Code pénal, 132-19 et 313-1 du Code pénal, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

" en ce que l'arrêt attaqué après avoir déclaré René X... et Meesok Y... coupables de complicité d'escroquerie à la TVA, les a condamnés respectivement à la peine de 1 année d'emprisonnement et à celle de 18 mois d'emprisonnement non assorties du sursis ;

" aux motifs que les délits reprochés, commis en toute connaissance de cause par les gérants des ateliers de confection et, en bande organisée par les principaux prévenus, ont porté une atteinte gravissime à l'ordre économique et social du pays puisqu'ils ont notamment permis aux seconds de retirer, sans rien faire, hors des fausses factures, les bénéfices de la délinquance organisée ;

ces considérations amèneront la Cour à prononcer à l'encontre des prévenus des peines d'emprisonnement, parfois partiellement assorties du sursis, en fonction des degrés de participation de chacun d'entre eux et selon les profits réalisés ou escomptés ;

" alors qu'aux termes des dispositions de l'article 132-19 du nouveau Code pénal, toute peine d'emprisonnement prononcée sans sursis par une juridiction correctionnelle doit être spécialement motivée ; que ne répond pas à cette exigence l'arrêt qui se borne à envisager globalement le caractère lucratif des agissements imputés aux complices et à énoncer indistinctement, pour les auteurs des délits d'escroquerie comme pour les complices, que les peines d'emprisonnement seront prononcées, parfois partiellement assorties du sursis, en fonction des degrés de participation de chacun d'entre eux et selon les profits réalisés ou escomptés, ces énonciations n'explicitant pas le choix de l'emprisonnement ferme pour chacune des infractions retenues et chacun des participants, de sorte que l'arrêt n'est pas légalement justifié " ;

Attendu que les motifs repris au moyen, par lesquels la cour d'appel a prononcé à l'égard de René X... et de Meesok Y... une peine d'emprisonnement sans sursis, répondent aux exigences de l'article 132-19 du Code pénal ;

Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

Sur le quatrième moyen de cassation du mémoire ampliatif, présenté en faveur de René X... et de Meesok Y..., pris de la violation des articles 405 ancien et 313-1 du Code pénal, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré René X... et Meesok Y... coupables de complicité d'escroquerie à la TVA et les a condamnés respectivement à verser à l'Etat français une somme de 756 000 francs et une somme de 950 000 francs solidairement avec les autres personnes condamnées au titre du paiement de la TVA éludée ;

" aux motifs que les complices doivent être condamnés solidairement au paiement des sommes réclamées aux gérants des ateliers de confection dans la mesure de leur participation dans le temps, au plan de fraude ;

1- " alors que les sommes de 756 000 francs et de 960 000 francs retenues respectivement à l'encontre de René X... et de Meesok Y... pour tenir lieu de sommes dues au titre du montant de la TVA éludée, grâce aux factures fictives pour lesquelles ils ont été déclarés coupables de complicité d'escroquerie, ne sont précisées ni par rapport à la date d'inscription en comptabilité des factures litigieuses, ni par rapport à leur montant, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

2- " alors que l'arrêt attaqué, qui a condamné René X... à verser à l'Etat une somme de 756 000 francs au titre du paiement de la TVA éludée pour notamment l'escroquerie à la TVA commise par Manisone B... sur un montant de 723 609 francs correspondant à un crédit de TVA de 113 483 francs, a contredit les pièces de la procédure indiquant que les factures fictives correspondantes ont été enregistrées entre le 1er octobre 1991 et le 2 janvier 1992, à une époque où le prévenu n'avait pas encore ouvert de compte au nom de la société ICE et était étranger aux activités de Messieurs Z... " ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Samuel conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-82314
Date de la décision : 24/03/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, 14 janvier 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 mar. 1999, pourvoi n°97-82314


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.82314
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